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En prélude à la signature d’un accord de défense entre la France et le Mali prévu pour le 20 janvier, le collectif pour la défense de la République, ne voulant pas être mis devant le fait accompli, agissant conformément au devoir de contrôle citoyen, dénonce la procédure de signature, le silence délibéré et suspect du gouvernement sur l’accord. Le collectif met en garde le président IBK et son gouvernement contre toute signature d’accord dit de défense avec la France susceptible, à long terme, d’affecter les fondamentaux de la République, l’unicité, la laïcité, la souveraineté et d’hypothéquer les chances de reconstruction d’un Etat fort et indépendant. C’était lors d’une conférence de presse tenue le 14 janvier au Carrefour des jeunes.

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Les sofas de la République, le réseau handicap et développement, la nouvelle force africaine, le syndicat national des transporteurs, le syndicat national des ouvriers industriels, les républicains et patriotes. C’est ce collectif de la société civile qui est monté au créneau lors d’une conférence de presse pour mettre en garde le gouvernement contre tout accord de défense avec la France en défaveur de notre pays qui risque de compromettre sa souveraineté.
« S’il est clair que ce n’est pas le Mali qui va défendre la France contre une éventuelle agression extérieure, alors qu’est ce que la France obtient en échange de la défense du Mali ? La France entend défendre le Mali contre quel type d’ennemi, est-ce du type Mujao et du Mnla ou du seul Mnla? La défense du Mali passera t- elle par des Assistances techniques, matérielles, des formations de nos soldats sur place ou en France ? Qui supportera le coût de la défense ? La défense s’entend- elle par l’installation des bases militaires ? Ces bases seront-elles de quelle forme ? Des bases d’attaque, de surveillance ? L’espace devant abriter ces bases sera t-il donné en bail comme l’ile de Guantanamo consentie pour 90 ans par l’ancien président cubain Batista aux Américains ? Pour quelle durée ? Quels seront les conséquences sociales, économiques et écologiques dans les régions abritant les bases ? Quelle sera la cohabitation des prérogatives de l’Etat du Mali et du partenaire français ».

Voilà entre autres les inquiétudes exprimées par le collectif pour la défense de la République. Pour le porte parole du collectif, Mohamed Ras Bathily, l’accord de défense dont la signature est prévue entre les gouvernants du Mali et l’Etat de France semble se dérouler de la même procédure que l’accord d’Alger que le parti du Président avait critiqué en son temps, et préjuger sur les mêmes effets. A la seule différence de l’accord d’Alger, celui du 20 janvier 2014 sera signé entre le président, le ministre de la défense et les représentants d’un état souverain et soutient des ennemis du Mali sans au préalable consulter le peuple à travers ses représentants. Avant d’ajouter que la signature d’un tel accord doit être débattue publiquement pour que la population s’approprie les tenants et les aboutissants. Ce qui constitue un vice de forme grave dans la procédure. Il a ensuite déploré l’attitude de l’opposition qui semble passer sous silence un sujet d’intérêt national, qui aurait du se saisir de ce sujet dès sa prise de connaissance d’un éventuel pourparler sur un accord de défense pour faire l’audit de tous les accords passés non seulement entre le Mali et les rebelles mais aussi entre le Mali et d’autres pays en vue d’influer sur le processus.

Pour lui, cette attitude du pouvoir n’est pas rassurante, car, souligne –il, le peuple est complètement tenu à l’écart des informations sur ce dossier. L’information pour le citoyen de tout acte engageant la vie de la République est un droit constitutionnel et nul n’a le droit de le violer, fut-il le prince du jour. Il a précisé que, dans la forme, IBK n’est pas différent d’ATT, c’est dans ces mêmes conditions qu’a été signé l’accord d’Alger à l’insu du peuple malien. Car, estime t-il, le peuple malien est victime de la sous information. Si l’accord d’Alger, rappelle t-il, avait été étalé à la place publique et que le peuple avait pris connaissance du contenu qui prévoyait la levée de tous les postes de contrôle des régions du nord ainsi que le transfert du commandement militaire aux ex-rebelles serait difficilement paraphé. C’est ce même scenario qui se profile à l’horizon. IBK et son gouvernement entendent signer un accord en catimini sans que le peuple soit préalablement saisi à travers ses mandataires. Certes, pour qu’il ait force d’application, il faut la ratification par les députés. «Connaissant la qualité et la moralité des députés de nos parlements, il est illusoire d’attendre d’eux de remettre en cause un accord signé par le président de la république qu’ils considèrent comme l’omnipotent et l’omniscient. L‘accord passera comme une lettre à la poste avec l’appui de leurs deux mains en l’air», prévient le collectif.

Ce qui démontre, selon le collectif, que le parti au pouvoir n’a pas tiré les conséquences des dérives qui ont entrainé la chute du régime ATT. Le collectif met en garde IBK quant à la signature d’un accord d’asservissement susceptible d’affecter les fondamentaux de la République et d’hypothéquer, par ce fait, les chances de reconstruction d’un Etat fort et indépendant. La démarche normale, selon le collectif, aurait été de consulter le peuple à travers ses représentants. Mais en la matière, l’Assemblée nationale n’est même pas installée officiellement. C’est ainsi que M. Bathily a cité en exemple l’accord de défense signé entre la France et la Côte d’Ivoire en 1972 qui accorde en retour, la primauté sur la découverte de toute ressource économique présente et future de la Côte d’Ivoire à l’Etat français. Toujours selon le collectif, la signature d’un accord compromettant la souveraineté nationale est une insulte à la mémoire du père de l’indépendance.

«Un Etat qui se veut indépendant ne sous traite pas sa sécurité à une nation étrangère. Et si cela arrivait, c’est une insulte à la mémoire du père de l’indépendance, du général Soumaré et de leurs compagnons, un recul de 52 ans, et une honte pour le Mali entier », a-t-il clamé. Avant d’ajouter qu’il n’a pas été informé de négociations en cours, et ne saurait juger de son contenu favorable ou défavorable pour le Mali. «Cependant, nous ne saurions nous dérober de nos devoirs de citoyens responsables, actifs et patriotes de nous poser des questions et d’anticiper sur d’éventuels déséquilibres graves», soutient le collectif. Pour éviter tout accord d’abus et colonial , le collectif exige de sursoir à la signature de tout accord de défense jusqu’à la mise en place des commissions parlementaires dont celle en charge de la défense et de la sécurité qui va se saisir du projet d’accord, l’examiner et veiller sur les intérêts du Mali sans préjudicier sur ceux de l’autre. Le regroupement s’est indigné de l’information du peuple malien par le ministre de la défense française de la signature d’un accord engageant l’Etat et la sécurité des Maliens.

Boubacar SIDIBE

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Célébration du 20 Janvier : ou la mise sous tutelle française de l’Armée malienne ?

Les nouvelles autorités maliennes ont décidé de célébrer l’anniversaire de l’Armée malienne, le 20 janvier prochain, à travers un défilé militaire et la signature d’un soit disant accord de défense entre le Mali et la France. Mais au juste, c’est la mise sous tutelle française officielle de notre armée fantoche qui sera scellée, une sorte de pacte néocolonialiste au détriment d’un Etat qui n’a plus de souveraineté.

En principe, le 20 janvier consacre la commémoration de la souveraineté de l’armée malienne. Mais voilà que ce 20 janvier 2014, le gouvernement du Mali veut officialiser la mise sous tutelle française de notre armée nationale. D’abord, célébrer le 20 janvier, même de manière très modeste serait une sorte de foutaise car le Mali n’a plus d’armée et n’est pas encore sorti de l’auberge. Le pays reste en guerre tant que la situation de Kidal demeure confuse ; tant que le Mali n’aura pas retrouvé sa souveraineté. Par définition, une armée est un ordre structuré d’hommes armés visant à défendre un territoire et protéger d’autres unités militaires ou des unités civiles, devoirs auxquels l’Armée malienne a failli. Les objectifs d’une armée sont nettement dépendants des objectifs politiques du pays, ceux de l’Armée malienne sont l’inflation des grades. Aussi, une armée régulière est organisée en armée professionnelle, ce qui est loin d’être le cas de celle du Mali. Quant à sa souveraineté, le Mali l’a perdue depuis belle lurette. En effet, on parle de notion de souveraineté lorsqu’une nation est une véritable entité unique. A notre avis, un Etat qui doit célébrer l’anniversaire de son armée est un Etat souverain pouvant exercer son autorité politique et militaire sur l’ensemble de son territoire géographique, qui y applique ses lois à une population et qui agit selon sa propre volonté.

Pour rappel, en 1959 lorsque le Sénégal et le Soudan français décidèrent de former la Fédération du Mali afin de constituer un Etat économiquement et militairement fondé, le Président Modibo Keïta ne tenait qu’à une chose : une souveraineté totale. C’est à ce titre que le général Soumaré sera nommé chef d’état-major général des armées de ladite Fédération qui éclata en août 1960. Dans un de ses écris, le Commandant Modibo Naman Traoré a relaté : « Après l’éclatement de la Fédération du Mali, le Président Modibo Keïta fit appeler le général Abdoulaye Soumaré pour lui confier les destinées de la jeune armée nationale, pendant que le capitaine Pinana Drabo était envoyé à Ségou comme commandant en chef des armées. Après le congrès extraordinaire de l’Union soudanaise RDA lors duquel le Mali opta pour la voie socialiste de développement, l’évacuation des garnisons étrangères établies en différents points du territoire national fut exigée. Les Maliens entendaient aussi assumer le plein exercice de leur souveraineté militaire tant interne qu’externe. Cette décision très courageuse dans le contexte de l’époque fut acceptée par la France qui n’a opposé aucune réticence dans la passation de consignes ».

C’est à la suite de cette détermination à défendre soi même sa patrie qu’en 1960 les troupes françaises avaient commencé à quitter le Mali.
En effet, c’est exactement le 20 janvier 1961 que le dernier soldat français quitta notre pays, matérialisant ainsi l’affirmation de la détermination des Maliens d’user de toute leur souveraineté militaire. Toujours selon le Commandant Modibo Naman Traoré, « dès lors, le Mali ne confiera plus de responsabilité de défense à une puissance tierce et développera d’ailleurs une diplomatie militaire multiforme et diversifiée, fondée sur l’intégration et la recherche de la paix et la sécurité dans le monde. Aussi, en cas d’agression extérieure, le pays ne peut que compter sur ses propres forces. Il est à noter par ailleurs que le 3 août 1961, le président de l’Assemblée nationale, Mahamane Alassane Haïdara, a signé la loi N°81/ANRM portant organisation générale de la défense. Cette loi de défense avait pour objet d’assurer en tout temps, en toute circonstance, contre toutes les formes d’agressions, la sûreté et l’intégrité du territoire, ainsi que la sauvegarde de la vie des populations. Elle pourvoit de même au respect des alliances, traités et accords internationaux. Les principes de défense sont déterminés par les autorités constitutionnellement responsables ».

Les pères fondateurs du Mali se retourneront dans leurs tombes, le 20 janvier 2014, quand les nouvelles autorités signeront ce fameux accord de défense qui n’est autre que la remise sous tutelle française de l’Armée malienne.

Par ailleurs, on se demande vers quoi se dirige le Mali. Puisque, tout ceci intervient au moment où les experts de l’Otan se réunissent sur l’éventuel fédéralisme du Mali, chaque semaine depuis novembre dernier, sans aucune présence officielle ou militaire du Mali. Puisque les autres instruments de néocolonialisme, les programmes de coopération et de partenariat et autres ne sont plus très efficaces pour avoir la main mise sur une ancienne colonie, la France passe par un accord dit de défense.

ROKIA DIABATE

Le Prétoire du 16 Janvier 2014