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Réélu dès le premier tour lors de la présidentielle de 2007, Amadou Toumani Touré se prépare à célébrer, le 8 Juin 2008, l’an un de son second quinquennat à la tête du Mali. Sa réélection est considérée, par les analystes, comme un choix éclairé, quand on sait que le candidat Touré a, de loin, présenté le meilleur projet de société.

Ce qui ne pouvait pas échapper aux Maliens qui, de plus en plus, savent faire la différence entre le bluff politique et l’engagement patriotique. Mais un an après cette éclatante victoire, que valent aujourd’hui et les amis du Président de la République, et leurs actions ?

Les raisons d’un plébiscite

Au cours du scrutin du 29 avril 2009, le peuple a tranché, et les observateurs ont validé, évitant ainsi à notre pays d’entrer dans une zone de turbulence, puisque chacun garde à l’esprit la malheureuse expérience de la première élection en année impaire tenue en 1997.

Avec cette éclatante victoire du Président sortant, des analystes politiques estimeront que chacun se doit de surmonter son amertume et ses rancoeurs, pour penser à l’avenir.

Pour les uns, ATT a été plébiscité parce qu’il veut mettre en oeuvre, durant les cinq années à venir, un ambitieux Projet de Développement Economique et Social (PDES) pour un “Mali qui Gagne”.

Selon d’autres, au contraire, le Mali étant un régime démocratique, que ceux qui veulent composer avec ATT pour aller de l’avant le fassent. Et ceux qui veulent rester en marge de l’action gouvernementale doivent prendre leur courage à deux mains et s’assumer ouvertement.

Puisqu’une opposition crédible peut être aussi un atout politique pour le Président de la République, même s’il a besoin de coudées franches pour mener à bon port ce second et dernier mandat que la Constitution lui confère.
Dans ce cas, ATT ne devrait pas avoir de gros.

Soucis à se faire pour trouver une majorité stable à l’Assemblée Nationale, capable de l’aider à gouverner. D’autant plus que l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP) devait, sans grandes difficultés, obtenir cette majorité. Sans oublier aussi que le Mouvement Citoyen est parvenu à glisser quelques candidats sur les listes de certaines formations politiques, lors des législatives.

Et si chacun s’attendait à une récompense?

Cependant, à en croire de nombreux analystes, même avec cette majorité, ATT n’a pas totalement balisé le terrain pour gouverner tranquillement pendant les cinq ans qui ont commencé. Selon eux, tout dépendra du sort réservé à ses amis dans le gouvernement à former, juste après les élections pour démarrer le mandat en cours.

Puisque dans les milieux politiques, on entendait dire que les partisans du Président sortant avaient promis le “Takokelen”, c’est-à-dire la victoire dès le premier tour, et ils l’ont fait.

Ce faisant, un véritable embouteillage se crée, avec la victoire du candidat Touré soutenu par l’ADP composée de plus de quarante partis politiques et d’une myriade d’associations et clubs de soutien.

D’un côté, on avait les ministres du gouvernement sortant qui se présentaient comme étant les “hommes du président”. Ils étaient accusés souvent, à tort ou à raison, d’être des spécialistes du trafic d’influence, sans aucune assise politique.

De l’autre côté, on pouvait recenser ces cadres qui voulaient tous être appelés à “la soupe” , surtout au gouvernement, pour avoir mouillé leur maillot lors du scrutin. Or, chacun sait que le nombre de portefeuilles ministériels est limité. Et comme la plupart de ceux qui voulaient être maintenus à leurs postes ou rentrer au gouvernement n’ont pas eu satisfaction, voilà qu’ils sont déçus.


Le MC seul vrai ami

Aujourd’hui, vu les difficultés auxquelles est confronté le Président de la République, on ne parvient plus à faire la distinction entre les “ATT boys” et les opposants.

Pourtant, on se souvient du meeting unitaire, au Palais de la Culture, des amis du Président de la République, après les casses qui ont suivi le match Mali-Togo à Bamako, le 27 Mars 2005. Le meeting avait pour but de condamner ces évènements douleureux. Mais face aux difficultés actuelles de la gestion des affaires, les amis du même Président sont devenus aphones sans avoir crié.

Pour le moment, la plupart des associations de
soutien à ATT s’étant volatilisées dans la nature après l’élection présidentielle, seul le Mouvement Citoyen, qu’on prenait pourtant pour mort, est accrédité d’un soutien honnête. Il démontre ainsi que sa fidélité à ATT n’est ni volée, ni du bout des lèvres.

Courant Mars dernier, le mouvement a tenu une grande rencontre autour du PDES du Président de la République. A cette rencontre ont répondu près de 400 cadres du Mouvement Citoyen. Une façon, pour Séméga et camarades, de rappeler, aux autres amis d’ATT, cet adage bien de chez nous : “Il ne sert à rien de jurer pour montrer qu’on a la tête rasée ; il suffit de se décoiffer pour convaincre” .

Quant à ses amis politiques de l’ADP, ils oscillent entre demeurer une coquille vide et rester un business pour les dirigeants, puisque qu’à la base, on pense avoir tourné la page de cette alliance, une fois la victoire d’ATT acquise. Au lieu que le président de l’Assemblée,

Dioncounda Traoré, les ministres, le Dr Badra Alou Macalou, Oumar Ibrahima Touré, N’Diaye Bah, le Pr Amadou Touré, Mme Maïga Sina Damba et les autres tenors du regroupement politique s’impliquent d’abord pour amener leurs militants à se mettre à l’évidence de l’existence de l’ADP, pour ensuite accompagner l’action gouvernementale, afin de mieux faire vendre le PDES auprès des Maliens, on ne semble se contenter que de réunions au siège de l’ADEMA-PASJ, à Bamako-Coura, pour montrer tout simplement à ATT que l’ADP existe toujours.


ATT déjà conjugué au passé?

A l’ADP, on semble faire comprendre que son rôle était de donner la victoire au candidat, et c’est à ce dernier de se débrouiller pour gérer.

C’est pourquoi, à part le vote des textes à l’Assemblée, on ne remarque aucun acte posé sur le terrain pour aider le gouvernement à surmonter des crises comme celles de l’école, au Nord-Mali, la flambée du prix des denrées de première nécessité. On se contente tout simplement d’un communiqué pour condamner ou féliciter le gouvernement et le Président de la République…

A croire qu’ils se préoccupent beaucoup plus de leur positionnement pour les futures élections -à commencer par les municipales de 2009- plutôt que de perdre le temps à manisfester un quelconque soutien à ATT.

C’est pourquoi, au lieu de chercher à renforcer leur regroupement politique afin de mieux aider ATT et son gouvernement à gérer les crises et les brûlots sociaux, des partis membres de l’ADP veulent que leurs camarades échouent pour que le Chef de l’Etat leur confier lesdits ministères. En tout cas, à l’ADP, ils sont nombreux à formuler ces souhaits du fond du coeur.

D’autres sont en train de travailler pour affaiblir ou réduire le nombre des membres de l’ADP. C’est le cas de l’ADEMA-PASJ qui, à la faveur de son projet de fusion, a déjà avalé le RND, le PDCI. Le parti de l’Abeille est en pourparlers avec les leaders d’autres partis comme le PUDP, le PDP, l’UDD, pour en faire autant avec eux.

De son côté, l’URD est en train de ramasser des mécontents des partis, dont certains sont de l’ADP. C’est le cas des dissidents du CNID, du BDIA, qui ont adhéré au parti de la Poignée de mains.

A croire qu’à l’ADEMA et à l’URD, c’est l’odeur du pouvoir en 2012 qui oblige à accorder peu d’intérêt au pacte de collaboration qui les lie à ATT. Ce n’est d’ailleurs pas le président de l’ADEMA qui soutiendra le contraire.

A ceux qui lui font le reproche d’évoquer déjà 2012, Dioncounda Traoré rétorque qu’en décidant de “soutenir ATT pour son second mandat, notre argument face aux adversaires de ce soutien était d’offrir à l’ADEMA toutes ses chances de reconquérir le pouvoir, aux échéances électorales suivantes.”

Alors questions : Le n°1 de l’ADEMA peut-il affirmer que, de la façon dont son parti est engagé dans la reconquête du pouvoir, il affiche la même détermination à soutenir ATT dans sa gestion ? Peut-il aussi nier les propos des observateurs selon lesquels “ceux qui sont censés aider le Président de la République sont pressés de lui succéder ? “.

Oumar SIDIBE

13 Mai 2008