Partager

La procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI) Fatou Ben Souda a jugé nécessaire de se déplacer à Bamako pour prendre langue avec les autorités maliennes sur deux dossiers se rapportant à la violation des droits de l’homme au Mali.

Le premier a trait aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes sexuels, mutilations et destructions de biens culturels supposés avoir été commis avant, pendant et après l’occupation du nord du Mali durant une année par des groupes rebelles et narco-jihadistes. L’Autorité de transition avait saisi la Cour aux fins de poursuite contre les chefs des groupes terroristes accusés de s’être livrés à ces crimes. Par voie de conséquence des mandats d’arrêt nationaux et internationaux avaient été lancés à leur encontre.

Mais voilà qu’à son arrivée au pouvoir, le 4 septembre dernier, le président IBK a estimé que l’urgence, c’est de libérer les narco-terroristes faits prisonniers et de lever les mandats d’arrêt émis contre leurs commanditaires. Au nom de l’Accord de Ouagadougou du 18 juin 2013 qui n’a rien dit de tel. Il stipule plutôt qu’une commission internationale d’enquête soit mise sur pied pour établir qui est l’auteur de crimes de nature imprescriptible et qui ne l’est pas. Et, à partir de là, sérier ceux qui peuvent être libérés sans dommage de ceux qui doivent être châtiés à la hauteur de leurs forfaits.

En agissant de la sorte IBK a emboité le pas à son prédécesseur ATT, accusé en son temps d’être un président « faible » en ce qu’il privilégiait la quête de la paix par le dialogue, la conciliation voire le compromis porté jusqu’à l’absurde : céder tout à l’adversaire tout en ayant pleinement conscience de ne rien recevoir en retour.

Le second dossier sur lequel Fatou Bensouda va discuter avec le gouvernement malien concerne les crimes d’assassinats, d’enlèvements, de tortures, de disparitions entre autres actes gravissimes reprochés à la junte putschiste du 22 mars 2012. Lesquels ont eu lieu durant une transition tumultueuse et aux premières heures du quinquennat IBK.

Là aussi, la patronne de la CPI va devoir constater une chose : le peu d’empressement du nouveau pouvoir à lancer des poursuites soit par le biais de l’autorité judiciaire nationale soit par l’entremise de la juridiction internationale. Des signes qui ne trompent pas : IBK a reconduit dans son gouvernement des ministres militaires liés aux putschistes s’ils ne sont pas sortis de leurs rangs. Il a fait de certains officiers supérieurs promus par la junte des hommes clés de son système du pouvoir. Il a distribué à tour de bras des galons aux putschistes et à leurs proches. Pour finir, il est soupçonné d’assurer une protection discrète, mais solide à des gens qui, en portant un coup assassin à la démocratie malienne, ont fait perdre au pays sa souveraineté sur la majeure partie de son territoire.

Fatou Bensouda ne doit guère se faire trop d’illusions sur l’appui qu’elle peut recevoir des actuels dirigeants maliens pour traquer, débusquer, juger et châtier ceux qui, par leurs agissements criminels et irresponsables, ont mis en péril la vie de nos concitoyens et porté les plus graves atteintes à leur liberté, leur dignité, leur honneur.

Heureusement que la CPI n’a pas besoin du feu vert d’un Etat ou d’un gouvernement pour enquêter et, s’il y a lieu, poursuivre ses ressortissants ou administrés.
La procureure peut, en effet, engager des poursuites motu proprio, c’est-à-dire de sa propre initiative.

Par Saouti HAIDARA

L’Indépendant du 31 Octobre 2013.