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«Les troupes coloniales montrent un courage admirable. Tout le temps qu’ils participeront à l’épopée de la 1ère Armée, ils se battront pour la France comme s’ils se battaient pour leur mère-patrie. Ils ne seront économes ni de leur peine, ni de leur sang. La France n’oubliera jamais leur sacrifice.»

Le président français, Nicolas SARKOZY, rendait ainsi un vibrant hommage aux combattants africains (improprement appelés «tirailleurs sénégalais») qui ont versé leur sang pour contribuer à la libération de la France, alors bafouée dans son honneur par les nazis. C’était le 08 mai sur la plage de La Nartelle à Sainte-Maxime (Var) à la célébration du 64ème anniversaire de la victoire des alliés sur le nazisme.

Cette année encore la tradition a été respectée : une commémoration, un souvenir, un devoir de mémoire pour faire comprendre à la génération actuelle, qu’elle doit en partie sa liberté aux immenses sacrifices consentis par ces valeureux soldats de la force alliée dont les combattants africains et américains.

«Les troupes de débarquement, rappelle le chef d’Etat français, sont américaines et sont françaises. Et parmi elles, je veux leur rendre un hommage particulier, il y a les Spahis, il y a les Tabors marocains, il y a les tirailleurs sénégalais.»

Pour M. Sarkozy, le choix de Sainte-Maxime pour célébrer le 64ème anniversaire de la victoire des alliés n’est pas fortuit. Car c’est ici, précise t-il, sur les plages de Provence que commence véritablement la reconquête de la France par elle-même.

En Normandie mais ce sont les Alliés qui constituent la force principale. En Provence ce sont les troupes françaises qui fournissent l’essentiel de l’effort. Beaucoup d’entre elles se sont battues en Italie. Elles ont reçu, rappelle t-il, les renforts de la division d’infanterie coloniale et de deux divisions blindées.

Inégalité de traitement

Une fois de plus le sacrifice ultime des troupes africaines qui ont participé à la libération de la France en 39-45, est plus connu mais hélas moins reconnu par le gouvernement français. A telle enseigne que chaque célébration du 08 mai 45, revêt ce double caractère en toile de fond : devoir de mémoire pour la France et devoir de revendiquer pour ceux qu’on appelle désormais «les oubliés de la république», c’est à dire les anciens combattants africains.

En effet depuis la loi du 26 décembre 1956, ces anciens combattants, qui sont aujourd’hui environ 80.000 personnes encore en vie, ne bénéficient pas les mêmes prestations que celles servies aux militaires français ayant combattu à leurs côtés.

Si la pension civile et militaire d’un français s’élève à 600 euros par mois, elle est par exemples de 150 euros par mois pour un sénégalais et 80 euros par mois pour un marocain. Car suite à l’indépendance de leur pays, leurs pensions et retraites furent transformées en indemnités non indexables sur le coût de la vie. Cette cristallisation concernera la retraite, du combattant, les pensions militaires d’invalidité, les pensions militaires de retraite et les pensions civiles de retraite. D’où après la bataille de la libération de la France, ces combattants africains enclenchent une autre bataille, celle de la justice et «l’égalité» de traitement vis-à-vis de leurs frères d’armes français.


Un réveil de conscience !

Ainsi le 30 novembre 2001, une décision du conseil d’Etat confirme que la loi du 26 décembre 1959 est contraire à l’article 14 de la déclaration européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui condamne la discrimination à raison de la nationalité.

En application de cette décision, le gouvernement sera à cet effet contraint d’appliquer, dans le cadre de la loi de finances 2002, le critère de parité des prestations. Néanmoins, faut-il le préciser, il diminuera le montant des prestations en appliquant un coefficient négatif dit «de parité de pouvoir d’achat», spécifique au pays de résidence du bénéficiaire.

Chemin faisant, en 2006 c’est la sortie du film «Indigènes» de Rachid Bouchareb qui met en relief la bravoure et le courage des anciens combattants africains. Suscitant un éveil de conscience face à une injustice qui n’a que trop duré, le couple présidentiel d’alors, les CHIRAC, a été apparemment et sincèrement touché cette fois-ci à l’image de cette femme qui a affirmé à l’issue de la projection du film à l’institut du monde arabe à Paris : «En regardant ce film, nous français, nous nous sentons petits face au courage et à la bravoure de ces anciens combattants africains.» L’ancien président de la république, Jacques Chirac a qualifié cette injustice «inacceptable et scandaleuse.»

Quant à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances (HALDE) elle a souligné la discrimination faite à l’encontre des personnels civils. Ainsi elle a recommandé au gouvernement de «prévoir un dispositif de revalorisation des pensions civiles et militaires de retraites, de la retraite du combattant, des pensions civiles et militaires d’invalidité et des pensions de reversions supprimant toute discrimination à raison de la nationalité.»

Ainsi dans la loi de finances pour 2007, le Gouvernement ne répondra qu’en partie à cette recommandation. La décristallisation de la retraite du combattant et de la pension militaire d’invalidité n’interviendra qu’à compter du 1er janvier 2007. Cependant faut-il préciser que cette décristallisation tardive ne concernera pas l’attribution des pensions civiles et militaires de retraite.

Après plus d’un demi-siècle de combat, cette inégalité de traitement entre frères d’armes français et africains

Perdure. Sont mobilisés sur ce front le collectif «les oubliés de la république», le député PS de la Gironde M. Alain ROUSSET qui a introduit une proposition de loi, la HALDE, des élus d’Iles de France issus de la diversité. Le collectif a tenu une mobilisation le 08 mai, place Trocadéro à Paris.

C’est le summum de l’ingratitude de la part du gouvernement français, que d’assister à la disparition progressive de ces valeureux soldats africains sans que leur sacrifice ultime consenti pour la libération de la France ne soit reconnu à juste valeur.

Puisse leur martyre réveiller encore des consciences, avant le dernier souffle du dernier martyr !


Bakary TRAORE, journaliste Doctorant en Info-com. à Paris II

12 Mai 2009