Les Echos : Comment se porte la campagne agricole en zones CMDT ?
Zan Dossaye Diarra : Mes impressions sont très bonnes sur la campagne agricole. Nous avions pris toutes les dispositions utiles pour faire face à cette campagne. D’abord, une sensibilisation des producteurs par rapport à la baisse du prix aux producteurs et qui a été prise de bon cœur par les producteurs. Ensuite, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour que les intrants coton soient disponibles auprès des producteurs à temps opportun. C’est ce qui a été fait. Cette année, contrairement à l’année dernière, nous avons eu des pluies précoces dans la 3e décade du mois de mai. Malheureusement, il y a eu une petite poche de sécheresse entre le 1er et le 14 juin. Mais Dieu merci, la pluviométrie a repris dans la 2e quinzaine de juin et jusqu’à la date d’aujourd’hui, les pluies sont au rendez-vous.
En matière de prévisions, nous avons dépassé les superficies pour le coton et il y a vraiment optimisme quant à la production cotonnière. Nous nous attendons à plus de 600 000 tonnes cette année. Par rapport aux vivriers, malgré le déficit en complexes céréales constaté dans certaines zones, l’espoir est également permis au vu de l’état végétatif des parcelles de maïs, de sorgho, de mil. Si la pluie continue ainsi jusqu’en octobre, nous serons largement à l’abri d’un déficit céréalier et comme à l’accoutumée, la zone cotonnière va inévitablement dégager un excédent important en céréales pour la campagne 2005/2006.
Les Echos : Vous prévoyez plus de 600 000 t de coton graine alors que la capacité d’égrenage des 17 usines CMDT ne dépasse pas les 575 000 t.
Quelles sont les dispositions prises pour gérer l’excédent prévu ?
Z. D. D. : Les 575 000 t représentent la capacité normale de novembre à avril, la période normale d’égrenage. Mais, il n’est pas interdit d’égrener au-delà du mois d’avril. Les dispositions que nous avons prises pour cela, c’est de sensibiliser les producteurs sur la pratique utile de l’année dernière qui a consisté à peser le coton et à le garder chez eux jusqu’à l’évacuation. Nous avons demandé aux producteurs de construire, chacun, une case spéciale pour conserver la production. Donc, dans la pratique, dans les zones qui sont enclavées, on fera tout pour l’évacuer avant les premières pluies. Théoriquement, la capacité des usines est dépassée par rapport à un délai normal d’égrenage, mais nous allons dépasser ce délai normal d’égrenage.
Les Echos : Des producteurs ont soulevé des préoccupations sur l’acquisition des intrants. Qu’en est-il réellement ?
Z. D. D. : Il faut préciser les choses. Par rapport aux intrants coton, il n’y a pas eu de problèmes majeurs, parce qu’il y a eu un engagement contractuel entre la CMDT et les producteurs en ce qui concerne les intentions d’emblaver des superficies. Donc, contractuellement, on avait prévu 525 000 ha. Nous sommes allés à 542 000 ha.
Ce qui fait qu’en certains endroits, ceux qui ont dépassé leur plan de campagne se plaignent par rapport au manque d’engrais. Ça se comprend parce que comme les pluies ont été au rendez-vous, la bonne semence a été disponible, les gens ont été au-delà de leurs intentions. C’est ce qui explique en particulier le déficit concernant les intrants coton.
Pour les intrants céréales, le problème de fond réside dans le déficit en complexes céréales. Le marché avait été donné à un fabricant qui, pour des problèmes internes, n’a pas honoré son contrat. Avec la rupture de ce contrat, on ne pouvait pas trouver un autre fournisseur qui pouvait s’engager dans un délai raisonnable. Nous avons fait de notre mieux, mais quand les intrants arrivaient, techniquement, il n’était plus conseillé de les mettre à la disposition des producteurs, car on allait les endetter inutilement.
Les Echos : L’espoir, dites-vous, est permis pour cette campagne. Mais, est-ce le bout du tunnel pour la filière frappée par la morosité sur le marché international ?
Z. D. D. : Il faut reconnaître que le cours du coton évolue en dents-de-scie. Avec les premières informations dont nous disposons, je crois que l’espoir est permis sur une remontée éventuelle des cours. Mais, il y a une philosophie en la matière. Quelle que soit l’évolution des cours, il faut produire du coton de bonne qualité. Ce qui vous permet de vendre votre production quelle que soit la morosité du marché. C’est ce message fort que nous sommes en train de faire passer aux producteurs.
Notre cheval de bataille d’abord, c’est de produire un coton de bonne qualité et nous sommes sur la bonne voie. Pour preuve, en 2003-04, notre coton qualité de tête était de 44 %. Pour 2004/05, grâce aux efforts fournis par les uns et les autres, nous sommes à 60 %. Cette année, nous espérons aller au-delà parce que la CMDT a l’habitude de produire du coton de qualité jusqu’à concurrence de 75 %.
Un autre message fort que nous sommes en train de faire passer au niveau des producteurs, c’est améliorer la productivité au champ, c’est-à-dire augmenter la quantité de coton graine produite sur un hectare. Même si le coton est à 160 F CFA le kg, quelqu’un qui a 900 kg par ha n’a pas le même gain que quelqu’un qui produit 2,5 t sur la même superficie. Donc, nous sommes en train de professionnaliser les producteurs pour qu’ils améliorent leur productivité. Ce qui nous permettra de faire face à la morosité du marché. C’est le cheval de bataille du Brésil. Leur rendement au champ bat de très loin celui des pays africains, c’est ce qui fait qu’il tire mieux son épingle du jeu. Bref, la productivité et la qualité sont la meilleure réponse à la crise du coton.
Les Echos : Quels sont vos rapports avec les syndicats de cotonculteurs ?
Z. D. D. : Très bons. Depuis le démarrage de la campagne de commercialisation, l’équipe actuelle, dirigée par Ousmane Amion Guindo, s’est efforcée d’instituer une rencontre mensuelle avec les représentants de producteurs pour discuter, de long en large, les problèmes concernant la filière coton. Au cours de ces rencontres, il n’y a aucune démagogie, les problèmes réels sont posés et les propositions de solution sont faites. On n’a jamais caché les vrais problèmes aux producteurs. Souvent, on peut discuter durant de longues heures, mais on finit toujours par se comprendre sur l’essentiel.
Propos recueillis par
Sidiki Y. Dembélé
17 août 2005