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Ce dimanche là donc aux environs de midi, des jeunes de Niaréla et de Bozola avaient pris le départ, place de Niono à Niaréla, dans un Sotrama loué.
A bord, l’ambiance était à la joie; rires et plaisanteries fusaient de toutes parts alors que le Sotrama bondé filait à toute allure conduit par Seydou, un jeune chauffeur lui aussi de Bozola. Ils arrivèrent tôt à destination de ce fatal après-midi, pour pouvoir mieux profiter des joies de la plage, des eaux claires et profondes du fleuve et du farniente sur le sable doré. Ils devaient retrouver des centaines d’autres jeunes gens venus pour nager et se détendre.

La traversée du fleuve se déroula sans histoire jusqu’à la plage, non loin du village de Gouni. Ils payèrent chacun la taxe municipale pour y accéder. Il y avait bien là des centaines de filles et de garçons dont certains venus depuis le samedi, la veille, avaient passé la nuit dans des paillotes spécialement aménagées à cet effet.
Les excursionnistes avaient amené de la nourriture et des boissons : certains, les groupes les plus importants, avaient tué un boeuf entier ou un mouton. Les baigneurs se livrèrent à une véritable fiesta.

LA FETE EST GACHEE

Dans la belle ambiance de la plage marquée par le son des radiocassettes distillant de la musique de tous genres, tandis que les couples étaient amoureusement occupés, le temps s’écoula très vite. Il est déjà 19h. Certains baigneurs avaient déjà rejoint par des pinasses l’autre rive et la ville de Koulikoro pour regagner Bamako.
Mais le gros de baigneurs était encore là sur la plage et dans les huttes. D’habitude les retours ont lieu de 19h à minuit.

Mais ce jour-là au crépuscule, le vent a commencé à se lever. Le ciel se couvrit de gros nuages tout d’un coup, l’obscurité tomba sur la plage et la pluie commença à tomber. Ce fut la panique; tout le monde voulut prendre les pinasses en même temps. Mais il n’y avait que 3 pirogues dont une seule à moteur surnommée <> par les excursionnistes. Les piroguiers inquiets refusèrent tout d’abord de prendre les passagers impatients, car disaient-ils, <>.

Les jeunes insistèrent, certains insultant même les conducteurs. Ces derniers devant la pression de la masse finirent par céder. Les baigneurs, filles et garçons se ruèrent donc dans l’une des pirogues sans moteur, alors que le Titanic avait été par précaution amarré à 300 mètres de là, le propriétaire ayant refusé catégoriquement de transporter les baigneurs.

SAUVE QUI PEUT
La première pirogue une fois arrivée au milieu du fleuve fut la proie du vent de plus en plus violent et des tourbillons.
Cette pirogue était occupée par une majorité de filles qui paniquèrent, criant et se jetant dans tous les sens. Tant et si bien que le bateau chavira dans un tumulte indescriptible. Une fille fut aussitôt emportée par le courant sous les yeux impuissants de ses camarades accrochés au bateau.

A certains endroits, au milieu du fleuve, on pouvait prendre pied. Des rescapés avaient eu la chance de parvenir sur ces bancs de sable qui leur permettaient d’avoir la tête hors de l’eau. Mais déjà le courant tourbillonnant avaient emporté d’autres passagers. La deuxième pirogue, parvenue à cette hauteur, était restée prisonnière des vents et de l’eau tourbillonnante. Il y avait à bord une trentaine de passagers.

Les garçons choisirent de descendre dans l’eau en portant leurs compagnes sur le dos pour traverser à pied. Ils parvinrent à traverser jusqu’à la rive distante de 300 mètres. C’étaient les excursionnistes du Groupe des jeunes de Bozola et Niaréla qui avaient loué le Sotrama pour aller à Koulikoro. Tous sont revenus sains et saufs à la maison à Bamako.

Hélas il n’en fut pas de même du groupe de jeunes Bamakois et Katois qui avaient surchargé la première pirogue avec une majorité de jeunes de Bamako-Coura.
Le bilan de la catastrophe est lourd pour ces jeunes gens, la plupart des élèves. Le bilan provisoire de ce <> local fait état de 41 morts et disparus, alors qu’hier encore on ne déplorait que 7 morts.

Kati et de nombreux quartiers de Bamako déplorent des pertes parmi les jeunes qui sont allés à ce rendez-vous de la mort : 15 à Lafiabougou, 7 à Niaréla, 3 à Bagadadji, 3 à Medina-Coura, 2 à Quinzambougou, 2 à Bozola; pour Boulkassoumbougou, Banconi, Missira on ne connaît pas encore les chiffres exacts.

Pour Bamako-Coura, dont les jeunes raffolaient de ce genre de distraction, le deuil sera cruel à porter, car ces nombreux garçons et filles de bonne famille respiraient encore samedi, veille de ce terrible drame, la joie de vivre.

Oumar COULIBALY

6 Avril 2005