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Nicolas Sarkozy n’a pas fini de susciter la colère des immigrés. Sa visite récente à Bamako, au lendemain du vote de son projet de loi sur l’immigration choisie, a choqué plus d’un.

Quoi que pense le ministre français de l’intérieur, la France aura toujours besoin d’immigrés, qu’ils soient politiciens Hongrois, éboueurs Africains ou plombiers Polonais.

Pour certains français, l’immigration semble être la cause de la déliquescence économique de la France. Pris pour cible, les africains payeront sans doute de lourds tributs après l’adoption de cette loi.

Chose qui a déjà débuté, dès son retour de sa visite en Afrique le ministre de l’intérieur français a multiplié les arrestations de « sans papiers« .

Rien d’étonnant. Innovation : ces patrouilles policières sont principalement axées sur les milieux africains comme Strasbourg Saint Denis, Châteauroux où nous avons assisté la semaine dernière à une descente policière.

Des dizaines d’Africains ont été arrêtés et parqués comme des animaux dans des fourgons de la police, sous bonne escorte. Ce spectacle devient fréquent à Paris notamment à Montreuil.

Le choix de Montreuil par Sarkozy n’est pas fortuit, car c’est là où réside la majorité de la communauté malienne. On se demande alors à quoi la visite de Sarkozy au Mali aura servi. La situation des immigrés africains, plus spécifiquement des Maliens, ne cesse de se dégrader au même moment que la haine anti-française.

Au foyer “rue bara” de Montreuil, le séjour à Bamako du ministre français de l’intérieur a été suivi avec beaucoup d’attention. Unanimement, tous condamnent les propos de Sarkozy. Des propos qui, selon eux, démontrent sa volonté de nuire aux intérêts des immigrés africains en particulier.

Le Mali est devenu, pour Sarkozy, un champ d’action, un terrain favorable pour ses projets discriminatoires, mais aussi ses projets de restriction de l’immigration. Pourquoi cet acharnement contre les Maliens ?

Nous avons recueilli l’avis de nos compatriotes résident au foyer “rue bara”, premier foyer africain, bastion des Maliens. Pour eux, le choix du Mali s’explique par l’attitude de nos dirigeants qui continuent de jouer le rôle du “nègre bon enfant” envers l’ancien colonisateur, acquiesçant tout sans riposte ni protestation, allant à l’encontre de la volonté des concitoyens du pays.

« Le Mali est un pays où tout est toléré avec un silence coupable des pouvoirs publics. On se souvient de notre pays comme premier champ d’expérimentation du visa biométrique de la France, des frais de demande de visas qui ne cessent de flamber, de l’octroi de visas qui évoluent au rythme du tempérament de Sarkozy. Ceci au grand désarroi de la population, sous l’œil indifférent de nos dirigeants. Rien d’étonnant, car ni ces derniers ou leurs familles ne subissent les calvaires de demande de visas ou d’immigration » estime Ousmane Diallo.

Un point de vue largement partagé par les Maliens que nous avons interrogés au foyer « rue bara« . Selon un autre malien, Massaoulé Coulibaly, vu leurs conditions de vie en France, Sarkozy ne devrait pas fouler le sol malien. “Les autorités maliennes ne devraient pas accueillir le président de l’UMP dans notre pays. Il nous insulte en France ici, on n’y peut rien, mais ce qui est inadmissible c’est de répéter les mêmes propos chez nous. Notre pays nous appartient, les Maliens aussi ont le droit de choisir leurs hôtes, les dirigeants maliens doivent savoir que nous souffrons pour le Mali. Plus de la moitié de ce qu’on gagne est investi chez nous pour construire des écoles, des centres de santé, payer leurs salariés, l’autre moitié est destinée aux payements des charges« .

Boubacar Traoré, vivant à Paris depuis les années 1980, estime que la France se maintient grâce « à ces charges que nous payons chaque mois. De ce fait, l’Etat malien doit riposter face aux insultes de Sarkozy« . Pour cet interlocuteur, les « immigrés français qu’on appelle coopérants au Mali ne souffrent pas comme nous. Ils ne nous payent ni impôt, ni taxe d’habitation, ni titre de séjour. Ils font ce qu’ils veulent au Mali, en exploitant nos ressources. Ils ne valent pas mieux que nous. Ici les Maliens sont brûlés dans des incendies provoqués, ils sont tués par des malfrats qui ne sont jamais poursuivis. Il est temps que ces agissements s‘arrêtent, qu’on nous respecte. Mais pour cela, il faut que nos dirigeants nous comprennent et nous aident”, nous dira-t-il.

Sarkozy encroûté dans sa politique d’humiliation des immigrés affirmera sans compassion ni remords lors du carnage d’une famille africaine par un incendie criminel “voilà ce qui arrive si on accueille les gens à qui on ne peut donner ni travail, ni logement”.

Une affirmation qui a choqué plus d’un. Pour de nombreux Maliens, l’objectif du ministre de l’intérieur français est de cultiver « la haine envers les Noirs« .

Pour atteindre ce but, il tente de démontrer aux Français en situation précaire que la décadence actuelle de l’économie (l’augmentation du taux de chômage, le manque de logement) est liée à la présence de milliers d’immigrés.

Oubliant l’apport de cette masse étrangère dans leur économie, car tout travailleur même en situation irrégulière paye des sommes colossales chaque mois à l’Etat français au moins 1/4.

Pour un salaire brut de 568 euros, le salarié ne perçoit en réalité que 445 euros. Ce qui contredit Sarkozy qui pense que la France n’a pas besoin de l’Afrique.

Selon Anssoumane Sacko, immigré depuis 30 ans, la France a toujours eu besoin de l’Afrique, d’abord en exploitant ses ressources minières, ses matières premières.

Il ajoutera que le projet de loi sur l’immigration choisie devrait être contesté par toute la société malienne. Il a déploré le manque d’affluence lors des manifestations anti-Sarkozy.

Avant d’affirmer que cette loi concerne tous les Maliens même ceux qui n’ont pas de parents en France, car elle dépouillerait l’Afrique de ses cadres et nuirait aux intérêts du Mali.

Quant à Amadou Koné, conseiller au foyer, il abondera dans le même sens en prenant comme principal responsable nos autorités : “nous avons plus de 50 associations qui s’occupent de leurs villages respectifs. Avec tous ces efforts, nos autorités doivent défendre notre cause. Sarkozy est parti nous insulter jusque chez nous. Nous souffrons beaucoup : d’un côté, les Français nous maltraitent ; de l’autre côté, les agents du consulat et de l’ambassade ne nous facilitent pas la tâche. Obtenir un document administratif au consulat malien relève d’un véritable parcours du combattant. Tout ce qu’ils savent faire, c’est émettre des laisser-passer pour le rapatriement des Maliens sans papier. L’ambassadeur ou le consul ne sont présents auprès des Maliens qu’à la vieille des campagnes électorales ou lorsqu’il y a un malheur« .

Face à ces agissements, nous avons protesté sans succès mais rien n’a changé. ATT ne se préoccupe pas de notre sort. S’il n y a pas de changement, s’il reste indifférent à nos problèmes, à nos appels au secours, nous allons demander de ne plus voter pour lui. Nous sensibiliserons nos familles dans ce sens. C’est la seule chose qu’on peut faire”.

Sako Doumbia, correspondante à Paris

31 mai 2006.