Par ailleurs adepte de la provocation, le président de l’Adema, Dioncounda Traoré, a un goût très prononcé pour le scandale. En 2002, il avait porté atteinte à l’honneur et à la considération des juges de la Cour constitutionnelle suite à l’invalidation de plusieurs listes de candidatures de son parti aux élections législatives.
Face à la levée de boucliers des sages qui voulaient le traîner devant les tribunaux, il n’a dû son salut qu’en se réfugiant dans les bras des griots de la capitale. Mis en difficulté en 2007 dans son propre fief de Nara par Mme Maïga Sina Damba lors de ces mêmes élections, il récidive en déclarant que les femmes vont à l’Assemblée pour voter des lois scélérates sur l’excision, la polygamie, le code de la famille etc. Plus près de nous, samedi dernier, il fait pire en narguant tout un peuple sur le phénomène de la vie chère.
Sans doute emporté par son élan d’encenser l’hôte de Koulouba comme il en a l’habitude, sur ce sujet, il a carrément noyé le poisson dans l’eau. Chacun sait que comparaison n’est pas toujours raison. Or, Dioncounda a dilué la misère des Maliens dans une situation d’ensemble. Pour cela, il a évoqué le cas de certains pays qui ont connu ces derniers temps des remous sociaux liés à la vie chère comme le Burkina Faso et le Cameroun voire même la France. C’est à peine si le président de l’AN n’insinue pas que les populations maliennes devraient s’estimer heureuses parce que l’Etat subventionne la plupart des produits de première nécessité.
Ce qui rend leurs coûts supportables, même si on ne le réalise pas toujours. Dans son désir de bien faire tout en faisant mal, il a oublié de citer les graves émeutes qui ont éclaté en 1986 en Tunisie suite à la hausse du prix du pain et qui ont été sévèrement réprimées par Ben Ali. En Guinée tout près, des soulèvements ont eu lieu dans tout le pays à cause de fréquentes coupures d’électricité auxquels sont venues se greffer les grèves des syndicats qui demandaient plus d’ouverture à Lanssana Conté.
Le comble est que Dioncounda dit ignorer s’il y a véritablement un mécontentement dans notre pays face à la flambée des prix. C’est vrai que quand on est si haut perché on regarde avec condescendance ceux qui chaque jour tirent le diable par la queue. On ne voit pas de la même manière dans un palais comme dans une chaumière. Vérité au-delà des Pyrénées, mensonge en deçà. Alors, que Dioncounda sache une fois pour toutes que le diable lui-même a fui le Mali pour aller sous des cieux plus cléments parce qu’il n’a plus envie que les pauvres et les nécessiteux qui constituent l’écrasante majorité de la population continuent de lui tirer la queue.
Si personne ne bronche face à la hausse vertigineuse du coût de la vie, cela signifie-t-il que tout le monde est content dans tout le pays ? Il faut surtout se méfier de l’eau qui dort. Que ne peut-on encaisser après avoir subi 23 ans de dictature ? Les acteurs de la révolution de mars 1991, dont Dioncounda Traoré lui-même, savent que les Maliens tirent leur sagesse de leur patience et de leur amour pour la patrie. De là à les prendre comme l’agneau du sacrifice, il n’y a qu’un pas que certains ont vite franchi.
Mamadou Lamine Doumbia
05 Mars 2008.