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Et la perte d’emplois pour de milliers d’ouvriers

Les services du ministère de l’Environnement et de l’Assainissement ont élaboré un projet de loi visant à interdire la fabrication, la détention et l’utilisation des sachets plastiques. Lequel a été, semble t-il, soumis à l’appréciation du gouvernement. Son éventuelle adoption donne de la frayeur à plusieurs opérateurs qui redoutent la fermeture de leurs usines, la cessation de leurs activités d’importation ou de transformation des sachets plastiques en d’autres produits telles les gaines pour fils électriques. Sans compter les milliers de femmes et d’enfants qui vivent quotidiennement de leur récupération.

Le projet de loi en question définit comme sachet plastique  » tout film en polyéthylène (PE) basse densité, utilisé dans l’emballage de l’eau, des denrées alimentaires ou tout autre produit « . Il ne serait pas du tout tendre dans ses dispositions, jugées très répressives : « Sont interdites la production, l’importation, la détention, la commercialisation et l’utilisation de granulées servant à la fabrication des sachets plastiques ».

Il en résulte un bannissement pur et simple de la production, la détention, la commercialisation et l’utilisation de sachets plastiques. Une mesure radicale, qui devra changer les habitudes au Mali. En effet, l’usage des sachets plastiques est tellement ancré dans les mœurs qu’on pourrait se demander si la loi, une fois votée, serait réellement applicable.

Le ministre de l’Environnement et de l’Assainissement, Tiémoko Sangaré, a profité d’une de ses sorties vers la zone aéroportuaire et au cours d’une activité de ramassage de sachets plastiques, pour annoncer que son département travaille sur un projet de loi qui résoudrait le problème.

Il est davantage motivé dans sa démarche par l’importante quantité de déchets plastiques trouvée dans le voisinage de l’aéroport et qui pourrait constituer un énorme danger pour les avions, un sachet plastique pouvant à tout moment s’incruster dans les réacteurs d’un avion et provoquer une catastrophe.

Par ailleurs, la mesure du département de l’environnement découle aussi du constat que les sachets plastiques créent, depuis déjà quelques années, un véritable problème environnemental. Aux dires d’experts en environnement, l’impact des déchets plastiques se manifeste à tous les niveaux. Si, dans le milieu urbain, il se caractérise par la pollution visuelle du sol, en milieu rural, il est indexé comme un des facteurs déterminants de la dégradation et de l’appauvrissement des terres de culture.

S’y ajoutent ses nombreuses conséquences sur le cheptel décimé par l’absorption de sachets plastiques indigestes. En vue de pallier le déficit qu’une telle mesure provoquerait, il est d’ores et déjà question, au niveau du ministère de l’Environnement et de l’Assainissement, de l’introduction de sachets en plastique ou autres matériaux bio dégradables.

Une vingtaine d’entreprises concernées

En tout cas, l’adoption d’une telle décision par les plus hautes autorités du pays ne serait pas sans conséquences pour notre pays. Les sachets plastiques sont ancrés dans les habitudes des Maliens à travers divers produits de consommation. En plus, beaucoup d’unités industrielles opèrent dans le domaine.

En effet, elles sont près d’une vingtaine d’unités industrielles maliennes à travailler dans la fabrication de sachets plastiques ou dans son importation. Elles font partie des plus grandes entreprises du pays comme Soacap, Sigma, Koumalin, Embal Mali, Mali lait SA, pour ne citer que celles-là. Chacune d’elles emploie plus d’une centaine d’ouvriers, sans compter que des milliers de personnes vivent de l’utilisation de sachets plastiques. C’est dire que lorsque le projet de loi sera voté et promulgué, c’est tout une filière qui est appelée à disparaitre, de nombreux emplois engloutis et des milliers d’ouvriers déversés dans la rue.

L’annonce de l’adoption très prochaine de cette mesure a créé un vent de panique dans les rangs des importateurs et fabricants de sachets plastiques de notre pays.

Au cours d’une investigation menée dans diverses entreprises de la place, à savoir Mali lait, Soacap, Sigma, Simplast, les responsables de ces sociétés n’ont pas fait dans la dentelle pour tirer la sonnette d’alarme sur les conséquences liées à la prise d’une telle décision.

Ainsi, dira l’un d’entre eux:  » Nous sommes très touchés par cette initiative venant du département de l’Environnement et de l’Assainissement. Nous sommes aujourd’hui près d’une vingtaine à travailler dans cette filière. En ce qui me concerne, dans ma société, j’emploie entre 400 à 500 ouvriers. Chaque ouvrier est responsable, à son tour, d’une dizaine de bouches à nourrir. C’est vous dire combien de personnes vivent de l’utilisation de sachets plastiques. La mesure d’interdiction signifierait, pour nous, la mort assurée pour nos entreprises « .

Des milliers de femmes et d’enfants vivent de la récupération

Un autre de préciser qu’au delà de la perte d’emplois pour de nombreux ouvriers, l’autre facteur non négligeable est l’apport même de ces sociétés et entreprises dans le développement économique du pays car la mesure occasionnera l’agonie de nombre d’entre elles. Et le manque à gagner sera énorme pour le pays en termes d’impôts et taxes.

Un autre de relever que les sociétés et entreprises de la place ne font pas que polluer la nature. Elles contribuent énormément à son amélioration et cela à travers la récupération de déchets plastiques. Beaucoup d’entreprises se sont d’ailleurs spécialisées en la matière.

Effectivement, nous avons été amenés à visiter certains ateliers de récupération notamment à la Société africaine de chaussures et plastiques (SOACAP) et à la Sigma.

A Soacap, ce sont des centaines de femmes et d’enfants qui proposent leurs services à l’entreprise. Ils ramassent des sachets et d’autres plastiques usés qu’ils revendent à l’entreprise moyennant 300 FCFA le kg. Ces produits, une fois récupérés, sont broyés puis reconditionnés pour fabriquer d’autres articles. La plupart des gaines rentrant par exemple dans la construction des bâtiments ou des gaines de câblage électrique, proviennent de ce processus.

A la société Sigma, spécialisée dans la récupération, ce sont trois tonnes de plastiques qui sont récupérées par jour, soit une moyenne de 90 tonnes par mois.

A Simplast, c’est la même chose. Cela signifie que d’importantes quantités de plastiques sont récupérées pour être reconditionnées afin d’être utilisées à nouveau.

Une mesure jugée unilatérale et lourde de conséquence

Au cours de notre randonnée dans ces sociétés, nos interlocuteurs, pour la plupart des responsables, se sont dits offusqués par l’annonce d’un tel projet. Ils ont surtout déploré son caractère unilatéral. Au motif que le ministère de l’environnement et de l’assainissement s’est engagé dans cette voie sans les consulter, alors qu’il était plus judicieux d’échanger sur la question avec les partenaires et acteurs de la filière afin de mesurer l’opportunité ou les désagréments éventuels d’une telle loi.

L’interdiction de sachets plastiques n’est pas une solution, ont objecté les industriels avant de préconiser l’organisation d’une série d’actions citoyennes pour le ramassage des déchets plastiques à travers tout le pays. Le ministère de l’Environnement, par l’adoption de cette mesure, entend bannir les sachets non bio dégradables pour, en contrepartie, opter pour les sachets bio dégradables, jugés moins dangereux sur l’écosystème.

Seulement, les industriels et commerçants ne sont pas de cet avis. Pour eux, si tout se ramenait au bio dégradable ou non bio dégradable, la facture serait trop salée et les produits seraient également trop coûteux pour la bourse du Malien moyen. En conséquence, peu de Maliens pourraient accéder à certains produits de consommation. Le cri des professionnels du secteur sera t-il entendu par les autorités publiques ?

Abdoulaye DIARRA

L’Indépendant du 12 Mai 2010.