«Au Mali, les courants artistiques devraient pouvoir se confronter aux autres à travers des ateliers, rencontres et vernissages», disait Amara Sylla dans une interview. On comprend alors aisément la philosophie de cette expo/vente (du 18 au 28 février 2006). Amsyl et Dvo ! C’est deux mondes différents, deux cultures distinctes, mais qui se retrouvent en talent et dans leur volonté d’ouvrir une aurore nouvelle dans les échanges culturels contemporains.
Nous nous n’allons pas nous étendre sur les œuvres exposées, réalisées sur différents sports et à partir de diverses matières, parce qu’elles sont aussi pittoresques que insaisissables à l’image de leurs auteurs. Aucun commentaire ne vaut le regard direct posé sur ces tableaux aux sensations différentes mais agréables.
Mais, l’occasion est belle pour faire un zoom sur l’un des talents les plus affirmés des arts plastiques au Mali.
Avec sa jovialité contagieuse et son humour qui rime avec son humilité, Amara Sylla est un personnage séduisant et captivant.
Son parcours est d’autant atypique qu’il peut dire que la peinture et la sculpture lui sont tombées dessus il y a 30 ans. «Un jour (en 1976), en nettoyant l’encre d’imprimerie, en salle de machine, je réalise un fantastique tableau avec une spatule», se rappelle Amsyl.
Le photograveur/imprimeur venait ainsi de se découvrir des talents de peintre/sculpteur. Pour l’artiste, peindre et sculpter, «c’est exprimer tout le dedans qui fait mal. C’est féconder l’inépuisable fait d’influence, de coïncidence, de collusions et même de plagiat».
Même s’il a participé à beaucoup d’ateliers d’art en Afrique et en France, le talent barbu ne se reconnaît pas une école à part le train de la vie. «L’imprimerie m’a appris la peinture qui, à son tour, m’a enseigné la sculpture. Mon école est donc ce clin d’œil de la vie», dit-il avec la sagesse du philosophe.
Ecologiste dans l’âme et dans son inspiration, Amara ne se casse pas la tête pour choisir ses matières de travail. «Il m’arrive de puiser dans les poubelles mes matériaux de travail», nous a-t-il confessé samedi dernier.
Comme il disait à un confrère, il y a peu de temps, «je touche à toutes les matières que je sens abandonnées. Je crée avec ce qui est exclu. C’est pourquoi mon rapport en la matière est plein d’affection et de tendresse». Très poétique, il trouve que «le cuir et l’aluminium transpirent la tendresse et la fragilité».
Même s’il rappelle sans cesse, avec beaucoup de modestie, qu’il n’est pas un «prophète», Amara se distingue toujours par la quête «de l’harmonie et de l’équilibre» dans sa création. Des œuvres inspirées par la pauvreté, les problèmes éducatifs, le marasme économique, la précarité et l’injustice sociales… «Je suis inspiré par mon regard» ; dit-il. Un regard critique, scruteur, interrogateur, interpellateur et dénonciateur sur fond de révolte ou de compassion.
Né le 7 mars 1951 à Bamako, l’ambassadeur des arts plastiques du Mali n’a pas seulement le goût des échanges d’expériences artistiques, mais aussi du partage de son savoir et savoir-faire. Et il le fait bien avec d’autres artistes, surtout les talents en herbe, dans son Centre de résidence à Magnambougou.
Un atelier baptisé «Lûbâmâ» ou «grandes famille» en Khasonké avec tout ce que cela comporte comme esprit de solidarité et d’entraide. Une générosité qui l’avait également poussé à vendre aux enchères l’une de ses œuvres au profit des enfants déficients mentaux de l’AMALDEME. C’était en juin dernier lors d’un Dîner-Gala humanitaire organisé par l’agence En Vogue en partenariat avec l’UNICEF.
Rien qu’à regarder les œuvres d’Amsyl et des thèmes qui l’inspirent pour comprendre qu’il est un talent engagé. Un engagement qui l’amène à nous rappeler que «les Africains doivent se reconnaître en eux-mêmes pour être de moins en moins des Sans-papiers».
Les œuvres d’Amsyl constituent incontestablement des références et des repères pour ceux qui veulent écouter son conseil. Faites un tour au Blabla Club et vous n’allez pas nous démentir !
Moussa Bolly
21 février 2006.