Aujourd’hui, à Bamako, la vente de cartes de recharge Malitel, Ikatel prend de l’ampleur. C’est l’emploi que s’offrent un grand nombre de jeunes.
Généralement exercée par les jeunes allant de 15 à 35 ans, cette activité se présente comme l’ultime opportunité ouverte aux jeunes pour chercher de l’argent.
Nombreux sont ceux qui se sont orientés vers cette activité qu’ils ont fini par trouver plus rentables par rapport à une multitude d’autres activités.
A cet effet, les abords les grandes artères de Bamako, des services publics et privés, des stations d’essence sont envahis de jeunes gens se promenant avec des «tapis» de cartes en main.
Il n’est pas rare de les voir traîner tard dans la nuit sous les lampadaires, aux ronds-points en train de vendre les cartes. Il n’est pas non plus rare de les voir se livrer à des courses de vitesse pour présenter les cartes aux clients.
En outre, nombreux sont ceux qui passent la journée debout sous un soleil de plomb et sous la pluie.
Face à leur courage, à leur détermination, à leur engouement à exercer cette activité, l’on est fondé à se poser la question: la vente des cartes de recharge Malitel, Ikatel nourrit-elle son homme ?
Moussa Touré, boutiquier, Abou Kolo, Alassane Tely, Lamine Berthé, Abdoulaye Coulibaly opérant tous à Hamdallaye ACI, Seydou Toloba, Boubacar Ouologem, Abdoulaye Djigué opérant tous à Faladié sous la Tour de l’Afrique, Issa Digoua, Baba Diallo, Sékou Diarra, Mounè Diallo, Mamou Tangara, opérant à Kalanban Coura sur la route de l’aéroport, Moctar Sacko, Madou Biaby, opérant dans les alentours du monument de la Paix sur la route de Djicoroni-para sont unanimes à répondre positivement à la question.
Agé de 18 à 35 ans, ils sont tous vendeurs de cartes, qui gagnent relativement bien leur vie. Certains d’entre eux sont natifs de Bamako et beaucoup d’autres viennent de l’intérieur du Mali. C’est l’exode rural qui a poussé nombre d’entre eux sur le chemin de la capitale.
Tel est le cas de Alassane Tely, originaire de Bandiagara, qui a débarqué à Bamako, il y a deux ans. Quel bénéfice réalise-t-il par jour ? Je peux réaliser un bénéfice de 10 000 à 15 000 Fcfa par jour ». Selon notre interlocuteur, le vendredi est son jour faste.
Car très souvent, il peut vendre plus de trois cartes de 25 000 F Ikatel, ou trois cartes de 20 000 F Malitel. Il soutient que c’est la seule activité lucrative qu’il a exercée depuis à son arrivée à Bamako. « Aujourd’hui, j’ai dans mon compte plus de 500 000 Fcfa » a-t-il précisé.
A la question de savoir si cette activité peut faire vivre son homme, sans hésiter, Alassane Tely affirme : « je gagne ma vie grâce à cette activité et qui permet en plus d’envoyer de l’argent à mes parents« .
Même son de cloche chez Seydou Toloba, originaire de Nigèry qui se souvient d’avoir envoyé, le mois dernier, la somme de 35 000 Fcfa à ses parents.
Selon lui, son village connaît la famine.
Cette situation est consécutive au péril acridien dont notre pays a souffert, cette année : « Sur les cartes de 25 000 F Ikatel et 20000 F Malitel je réalise un bénéfice de 2 000 Fcfa. Sur les cartes de 5 000 Fcfa Malitel, j’ai un bénéfice de 600 Fcfa et sur celles de Ikatel la marge bénéficiaire est de 400 Fcfa. Sur les cartes de 2 500 Fcfa Malitel, le bénéfice est 300 Fcfa et 200 Fcfa sur celles de Ikatel. Et enfin sur les cartes de 1 500 et 1 000 Fcfa toutes de Ikatel le bénéfice est respectivement 100 Fcfa sur la première et 75 Fcfa sur la deuxième« .
« La carte me permet de me nourrir et de m’habiller » conclut-il.
Boubacar Ouologuem, originaire de Bandiagara, vendeur de carte depuis trois mois : « j’ai réalisé un bénéfice de 30 000 F. La carte me permet de manger, de m’habiller et d’envoyer de l’argent aux parents« .
Selon notre interlocuteur, la vente des cartes Malitel est plus avantageuse que celles d’Ikatel. « Nous réalisons beaucoup de bénéfices sur les cartes Malitel. Dans la journée, si on parvient à vendre 5 ou 6 cartes Malitel, la journée est bonne« .
Abdoulaye Djigué ne tergiverse pas, il est déterminé : « je vais continuer, car c’est avantageux. On y gagne de l’argent. Aujourd’hui, j’ai vendu 10 000 Fcfa, j’aurai un bénéfice supérieur à 1000 F. Pour moi, c’est plus rentable que de traîner derrière les pousse-pousse« .
Selon Seydou Diarra, originaire de Mayelle Barogo, dans la région de Mopti, un petit revendeur de cartes de recharge gagne plus qu’un fonctionnaire de la catégorie C.
Aujourd’hui, les cartes Ikatel et Malitel ne sont pas vendues uniquement par les jeunes ambulants. On les retrouve partout.
Entre les mains des gardiens des immeubles, dans les boutiques de vente des produits de beauté et dans les alimentations. Les cartes de recharge téléphonique marchent-elles aussi dans les boutiques ?
Moussa Touré, boutiquier à l’ACI Hamdallaye : « elles marchent beaucoup. Dans ma boutique après le thé, c’est les cartes de recharge qui viennent en deuxième position. Je fais un bénéfice minimum de 1 700 F et maximum de 2 500 F par jour« .
Selon ce que nous avons constaté sur le terrain l’importance des bénéfices varient en fonction des points de vente.
En Commune IV, plus précisément, vers l’ACI Hamdallaye les vendeurs que nous avons rencontrés font un bénéfice journalier oscillant entre 1 700 F et 15 000 F.
Cependant vers la Tour de l’Afrique à Faladié, il varie entre le minimum 750 à 2 500 Fcfa. Sur la route de l’aéroport, à Kalaban-coura, le bénéfice journalier va de 1 000 à 6 000 F. Derrière le monument de la Paix sur la route de Djikoroni-Para, il varie de 1 000 FCFA à 2 000 FCFA.
Les difficultés liées à cette activité
Comme chaque activité, la vente des cartes possède aussi ces risques. Lamine Berthé : « Ce sont les bandits qui nous attaquent le plus souvent la nuit. Ils viennent demander les cartes et en profitent pour nous brigander. A cause d’eux, j’arrête à 19 heures« .
Selon lui, une autre chose qui peut être considérée comme difficulté relève de l’avènement des cartes de 1 000 F CFA et des cartes de 1 500 FCFA, plus sollicitées que les autres séries de carte. Mais qui ne génèrent pas un grand bénéfice pour le vendeur.
« Dernière difficulté et non la moindre que je déplore dans l’exercice de cette activité, c’est celle ayant trait à la circulation des faux billets que les gens nous refilent à longueur de journée. En sept mois, j’ai pris plus de 35 000 F de faux billets » lance Seydou Toloba.
Issa Digoua d’enfoncer le clou : « les faux billets m’ont empêché d’évoluer. Cette année, j’en ai pris plus de 50 000 F« .
Toujours comme difficulté, Baba Diallo, relève que : « ce travail est très fatiguant, je passe la journée debout sous le soleil. C’est très mauvais pour la santé« .
Toujours au nombre des difficultés, Abdoulaye Djigué de confier que le nombre des vendeurs se multiplie. Et, par conséquent, la concurrence devient plus rude. A l’arrivée d’un client. Tout le monde accourt. Il faut avoir du muscle dans les jambes et savoir jouer du coude.
Quelle perception les vendeurs de cartes se font des acheteurs? Lamine Berthé: « ils nous traitent comme des moins que rien, passant la journée assis au bord des routes« .
Abdoul Karim KONE
29 août 2005