Bamako, avant, offrait la désolante image d’une ville où la vente de carburant est devenue si banale qu’elle s’est vite muée en peu de temps en une activité bénigne où l’on gagne assez facilement son prix de condiments journalier.
La chienlit et la faiblesse de la réglementation aidant, de nouveaux opérateurs s’y implantent permettant ainsi au risque de croître d’un cran. Les vendeurs de carburants en bouteilles à qui nous faisons ici référence se sont installés à chaque bout de carré et sur les grandes avenues exposant sur des étals mal conçus des bouteilles d’essence dont ni la qualité ni les conditions d’acquisition n’étaient maîtrisées par les autorités.
Le péril que ces gens faisaient courir aux honnêtes citoyens doit pourtant prendre plusieurs années avant que finalement, à la faveur du dernier sommet France-Afrique et pour les besoins de la cause, elle se voit enrayée par les autorités du district avec à l’époque le gouverneur Natié Pléa.
Qui ne se souvient pas encore de ses descentes inopinées sur les grandes artères et avenues de la capitale à l’occasion desquelles des bouteilles d’essence étaient écrasées aux pieds des vendeurs éplorés et sans défense.
Si draconienne qu’ait été cette mesure qui rentrait dans le cadre de l’assainissement de la capitale, il faut quand même reconnaître qu’elle a eu le mérite de faire de la ville des 3 caïmans une coquette capitale où s’est amenuisé le risque d’incendie inhérent à l’activité.
Cette levée de bouclier avait même été qualifié par certains vendeurs de carburant en bouteilles comme un coup fomenté contre eux par les gros exploitants des stations d’essence en complicité avec les autorités. En quoi cette activité sans grande envergure peut-elle déranger les gérants de stations qui ont un pouvoir d’achat beaucoup plus important que ces petits vendeurs ?
Pour certains, il est clair que ces vendeurs de carburant en bouteilles, par leur proximité des clients, arrivent à détourner une partie de la clientèle des stations. Si, en effet, il faut souvent parcourir plusieurs dizaines de mètres avant d’atteindre une station d’essence, on n’a pas besoin de fournir tout cet effort tant qu’on peut trouver satisfaction avec les revendeurs qu’on peut avoir au bout de chaque carré de la ville, nous déclare un jeune qui venait d’être ravitaillé par un de ces revendeurs alors qu’il était très loin de la première station sur son trajet.
“Ces revendeurs de carburants en bouteilles nous rendent d’importants services surtout quand on est surpris par une panne sèche comme celle dont je viens d’être victime tout de suite”, nous a déclaré l’étudiant en médecine SD qui traînait, au bord de la route, sa moto Yamaha qu’il accuse d’avoir bousillé tout le litre d’essence qu’il y a mis.
Alors que, dit-il, il s’attendait à ce que ça lui permette au moins de retourner à la faculté d’où il est parti il y a juste quelque temps.En tout cas, le sommet Afrique-France a vécu. Et a eu aussi pour mérite d’avoir débarrassé la capitale de tous ces vendeurs qui exerçaient leur activité dans une anarchie qui frise la délinquance.
Une pratique qui persiste malgré tout
Les autorités du district ont-elles réussi à juguler définitivement la pratique ? Certains sont tentés de le soutenir. Mais bien au contraire, la pratique, certes, a disparu sous sa forme traditionnelle. Mais elle a toujours lieu et s’opère dans la clandestinité la plus parfaite.
Lassés de se faire briser impunément leurs marchandises par les forces de sécurité, ils sont nombreux ceux qui ne se sont pas encore reconvertis. Mais pour s’adonner à leur activité ils se promènent désormais avec des bidons de carburant qu’ils gardent soigneusement en lieux secrets d’où ils ne les sortent qu’au cas où une personne se trouve en difficulté causée par une panne sèche.
Pour cela, leurs lieux de prédilection sont les deux ponts que compte la capitale. Le plus souvent, ils font la ronde ici pour accourir aussitôt vers un usager désemparé suite à une panne de carburant.
Le tout se règle en quelques minutes. Le client paie le prix qui, contrairement à ce qu’on peut imaginer, est le même que celui qui est appliqué à la pompe alors que muni d’une bouteille vide et d’un entonnoir qu’ils gardent le plus souvent à portée de main, ils livrent au client la quantité de carburant souhaitée.
Oumar Diamoye
30 mars 2006.