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La nouvelle unité de production vient d’ouvrir ses portes dans la capitale du Méguétan.

Dans le contexte actuel du renchérissement progressif des prix du pétrole sur le marché international, les pays en développement, particulièrement non producteurs de pétrole, sont à la recherche de nouvelles alternatives.

Au Mali, le pourghère, une plante qui pousse bien, offre de grandes opportunités qui ne demandent qu’à être valorisées. Et de nombreux hommes d’affaires commencent à s’y intéresser. C’est ainsi que le 18 février dernier à Koulikoro, le président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré inaugurait la première usine de traitement de pourghère du Mali.

Le promoteur de l’entreprise est la société « Mali Biocarburant » SA, fruit de la coopération Mali/Pays-Bas au capital de 10 millions de Fcfa. Ses cinq actionnaires sont : Holding Kit BV (40%), Stiching Pensioenfonds Nederlandse Sporwegen (25%), l’Union locale des sociétés coopératives des producteurs de pourghère de Koulikoro (20%), Flower machines (10%) et interagro Sarl (5%). L’unité est subventionnée à 60% par le Projet d’appui aux marchés émergents (PSOM) du ministère des Affaires économiques des Pays-Bas.

C’est en 2004 que le directeur général de « Mali Biocarburant« , Hugo Verkuijl a rencontré à Arusha en Tanzanie un entrepreneur qui s’était lancé dans la production d’huile de pourghère et s’est inspiré de son expérience. « En son temps, je travaillais pour le KIT (Institut royal des tropiques des Pays-Bas) qui collabore avec le Mali depuis plus de 30 ans. Je n’avais jamais entendu parler du pourghère auparavant. D’ailleurs, c’est ce même entrepreneur qui m’a informé du fait que le Mali était propice à la valorisation du jatropha ».

En fait, depuis 20 ans, poursuivra-t-il, le pourghère était cultivé à Mali-Sud comme haies et clôtures afin de lutter contre la désertification. Les femmes l’utilisaient également pour la fabrication du savon. C’est en 2005 que Hugo Verkuijl est arrivé au Mali. Ensemble avec l’actuel président des producteurs de pourghère, Issiaka Dembelé et la SNV, ils entreprirent d’organiser la filière dans la région de Koulikoro. C’est ainsi qu’a vu le jour l’Union des producteurs de pourghère. Un plan d’affaires 2007-2012 fut ensuite élaboré.

Capacité de 750 000 litres

L’objectif de l’entreprise selon ses responsables est clair. « En dehors du but lucratif, notre action s’inscrit dans la lutte contre la pauvreté. Notre ambition c’est la production locale, l’extraction locale, la consommation locale. Il faut satisfaire d’abord les besoins locaux, créer des emplois. A terme, nous envisageons de créer des unités décentralisées de biodiesel dans toutes les régions du Mali« .

A l’heure actuelle, l’unité emploie 15 personnes. Pour les promoteurs, l’avenir du biocarburant dépendra de producteurs bien organisés. Les besoins sont réels puisque le Mali consomme 750 millions de litres de gasoil par an alors que « Mali Biocarburant » ne peut en fournir que 750 000 litres.

En terme d’approvisionnement, c’est l’Union locale des producteurs de pourghère qui ravitaille l’entreprise en huile. Le mécanisme est tel que l’Union paye le kg de graines à 50 Fcfa avec ses membres et en extrait l’huile qu’elle revend à « Mali Biocarburant » à 200 Fcfa le litre. Cela, explique-t-on, permet de créer de la valeur ajoutée puisque le tourteau de pourghère est réinvesti dans les champs. Mieux, la plante est cultivée en association avec d’autres plantes vivrières comme le sorgho, le sésame, l’arachide, etc.

A 200 Fcfa le litre, les producteurs tirent-ils un bénéfice dans l’activité qu’ils mènent ? Issiaka Dembélé indiquera qu’avec les anciennes méthodes c’était difficile puisqu’il fallait 4 kg de graines pour un litre d’huile. Lorsqu’on fixait les prix, le gasoil coûtait 500 Fcfa. Plus le gasoil monte, plus le prix de l’huile montera. Actuellement avec l’acquisition de la nouvelle presse, c’est mieux car il faut 3 kg pour le même résultat.

Quant à l’Union, elle est aujourd’hui organisée au niveau des villages, des communes et du cercle. Elle compte au total 1200 personnes, regroupées dans 8 coopératives dont la main d’oeuvre est constituée de 20% de femmes dans 7 et entièrement constituée de femmes dans la huitième. Ces femmes sont surtout impliquées dans la collecte et sont rémunérées à 1250 Fcfa par personne et par jour. La chambre régionale d’agriculture vient d’ailleurs de leur construire une savonnerie. Le président de l’Union pense que cette année le nombre de producteurs pourra atteindre les 3000.

L’Union dispose de 616 hectares

En 2008, elle envisage de mettre en valeur 1500 nouveaux ha. De 2007 à 2012, elle mettra au total en valeur 5000 hectares. A partir de 2009, elle construira des magasins et des cuves pour l’extraction locale dans toutes les communes de Koulikoro.

La capacité de production de l’unité est de 2000 litres biodiesel par jour soit 720 000 litres par an. Plus il y aura de la matière première, plus cette capacité augmentera, indique le DG. La principale difficulté a trait à l’approvisionnement en matières premières. Autre point important, le mois dernier, le DG a participé au Japon à une rencontre de représentants des privés qui sont en train de valoriser le biocarburant en Afrique. Au sortir de cette réunion il a été recommandé que tous les pays africains suivent le modèle du Mali. C’est-à-dire produire, transformer et consommer localement. C’est ce modèle qui convient à l’Afrique et non l’exportation.

L’usine n’a pas encore commencé la commercialisation du biodiesel qui est pour le moment en phase d’expérimentation. Au finish, « Mali Biocarburant » envisage de vendre son pétrole vert entre 460 et 500 Fcf.

La sensibilisation reste une de ses priorités

L’entreprise envisage d’organiser des journées portes ouvertes, de médiatiser le lancement de la campagne de production de pourghère. « ll faut que les gens y croient et on peut faire quelque chose« , souligne Hugo avant de remercier les autorités maliennes qui soutiennent son action. Par ailleurs, il a exhorté l’État à investir dans la recherche pour améliorer les rendements, la teneur en huile, promouvoir cette filière émergente, encadrer, motiver, stimuler les producteurs afin qu’ils puissent produire en grande quantité d’autant que c’est le manque de matière première qui pose le plus de problème. D’ailleurs, plus les rendements sont importants, plus les prix diminuent. Et pour renforcer les producteurs, les structures doivent être pérennes.

Diminuer le carbone dans l’atmosphère

Le biodiesel peut être utilisé pour toutes les voitures qui utilisent le gasoil sans risque pour le moteur. Il n’est pas polluant. En outre, le pourghère fixe le carbone donc diminue le carbone dans l’atmosphère alors que le gasoil dégage du carbone. Les 88% de ces prix sont reversés aux producteurs de pourghère en guise d’encouragement.

A la question de savoir si les promoteurs sont optimistes quant à l’avenir du pourghère au Mali, le DG répondra par l’affirmative. « Des sociétés étrangères investissent de grosses sommes en Afrique et en Asie. Je pense que le prix du pétrole ne diminuera pas mais augmentera. Et Dieu seul sait quel impact cela aura sur les PVD. Produire un biodiesel moins cher c’est ça l’avenir« , fait-il remarquer.

Quant au président de l’Union Issiaka Dembélé, il a exhorté l’État à faciliter l’attribution de terres à ceux qui veulent la travailler et particulièrement aux nationaux. « Il faut plutôt encourager l’accès des Maliens à la terre pour ne pas encourager l’importation de l’huile de pourghère », suggère-t-il.

F. Maïga – L’Essor

19 Mars 2008.