Le travail fractionnel dans les pays anciennement communistes d’Europe centrale et orientale, en Chine au temps de Mao Zedong et dans l’ex-Union Soviétique, était considéré comme un crime politique grave. Son auteur était exclu du parti, portait au cou l’ardoise de l’infamie et était souvent relégué dans un camp de «rééducation» et de «travail». Tel fut le sort des nombreux dissidents qui ont croupi dans les goulags du glacis communiste. Est considérée comme travail fractionnel toute manœuvre de diversion menée à l’intérieur du parti pour pousser ses propres pions et gagner les militants à sa cause.
Le deuxième vice-président du parti du bras de fer, Oumar Ibrahim Touré, vient d’être accusé du même crime et suspendu pendant six mois de toute activité au sein du parti. Cette sanction a été prise par un bureau politique qui n’avait même pas réuni le quorum nécessaire à cet effet et qui a eu la main lourde dans la hiérarchie des sanctions qui vont de l’avertissement à l’exclusion en passant par le blâme. On ne peut voir derrière cet acharnement que la main de Soumaïla Cissé qui, à défaut de se débarrasser d’un camarade encombrant, lance un message clair à tous : pas d’empêcheurs de tourner en rond sur la route qui doit le mener à Koulouba en 2012.
A cette date, il veut reprendre son hélico comme il l’a fait en 2002 pour voler au-dessus des nids de misère. Avec force ostentation et distribution de prébendes. Il faut dire qu’il est aidé dans sa tâche par des gardes-chiourmes restés au pays. En effet, les gardiens du temple que sont Younoussi Touré et Me Abdoul Wahab Berthé sont prêts à couper la tête à tout diablotin qui ose surgir de sa boîte.
Ils avaient déjà cru avoir exorcisé le démon lors du deuxième congrès ordinaire alors qu’Oumar «le rebelle» n’avait pas encore dit son dernier mot. Après avoir fait semblant de ravaler ses ambitions, il vient une fois de plus, de prouver ses capacités de nuisance en mettant l’URD sens dessus dessous. On assiste de plus en plus à une levée de boucliers à propos de la mesure de suspension qui le frappe. Soutenu par une frange importante de la jeunesse, certaines sections réclament aussi sa réhabilitation. Mais tout indique qu’on s’achemine vers une épreuve de force car ceux qui l’ont puni campent tout aussi bien sur leur position. Pas question, pour eux, de lever ce qui ressemble fort à une correction.
Mais, au fond, que veut Oumar Ibrahim Touré ? Cette question constitue un casse-tête même pour les analystes les plus chevronnés du pays. Et d’abord, Oumar lui-même sait-il ce qu’il veut ? Ce serait fort étonnant tant l’homme lui-même est bourré de contradictions à n’en plus finir. Il s’agite dans tous les sens sans idées claires et sans une direction précise. C’est une agitation frénétique qui déroute ses propres partisans. On sait qu’il voulait briguer la présidence du parti mais amadoué par le parrain, il s’était aplati ventre contre terre.
Puis se rappelant qu’il avait des ambitions, il remonte le courant pour venir semer le doute dans l’esprit des militants et la panique dans les rangs des dirigeants du parti. A l’évidence on n’a pas à faire à un politicien chevronné mais à un artificier qui fait exploser son pétard en pleine figure. Il n’est pas sûr dans ces conditions qu’il puisse canaliser le capital de sympathie dont il bénéficie déjà au sein du parti. D’autre part, il dit vouloir servir le parti en toute loyauté tout en nageant dans des eaux troubles. Oumar veut-il contrôler l’appareil ou créer son propre parti sur les décombres de l’URD ? Seul Dieu le sait.
Mamadou Lamine Doumbia
15 Octobre 2008