Lequel battit en retraite en rappelant que seul le bien public le motivait et qu’il avait d’ailleurs fort à faire avec la lutte contre le ver de Guinée et l’aide à l’enfance déshéritée.
Or le voilà qui se présente à l’élection présidentielle de 2002, à la grande surprise des observateurs, narguant même ceux qui prétendaient que sa candidature était invalide par cette phase : «Je ne suis ni juriste ni grammairien, mais parachutiste», une phrase qui présentait les politiciens comme des bavards et les parachutistes comme des hommes d’action.
Le débat, qui consistait à savoir si un général à la retraire pouvait faire acte de candidature, fut finalement tranché en sa faveur. Et depuis on ne sait pas quels sentiments il nourrit à l’égard de sa corporation, qui semble bien particulière en démocratie. Il faut peut-être essayer de le lire dans son comportement envers les militaires en trois ans de régime.
«LE 26 MARS C’EST MOI»
C’est la réponse cinglante d’ATT à ceux qui ont prétendu l’admonester pour son peu d’empressement à célébrer l’anniversaire de l’avènement de la démocratie.
ATT, dès le lendemain de la prise du pouvoir, a expliqué que les militaires n’avaient pas été des privilégiés du régime du général Moussa Traoré, qu’ils avaient souffert autant que les autres des mois sans salaire et de la crise du ravitaillement en céréales. Il n’est surtout pas question d’assimiler les hommes en kaki à une catégorie spéciale de citoyens.
Donc le Général-Président a poursuivi sans complexe la politique de détachement des militaires dans les services civils, largement pratiquée par Alpha.
Ainsi, ils sont nombreux, les officiers et sous-officiers à servir comme préfets, sous-préfets, conseillers techniques, ambassadeurs, chefs de cabinets ou secrétaires généraux. Il a même été préconisé de détacher systématiquement pour chaque ministère un conseiller défense.
Il est vrai que désormais les fonctions proprement militaires de l’armée perdent du terrain au profit de nouvelles compétences à caractère civil, et cela du fait que les guerres classiques, font de plus en plus place aux drames humanitaires provoqués par les guerres civiles.
D’une pierre on fait ainsi deux coups : on amollit le guerrier pour atténuer ses tendances à quelque coup de force et on renforce la qualité de l’administration civile en lui apportant le dynamisme de la vie militaire.
ATT a donc fait appel au général Kafougouna Koné, qui était ambassadeur en Chine, pour lui donner le poste de ministre de l’Intérieur. Le général Mamadou Coulibaly a été nommé à la tête de la commission d’attribution des logements sociaux.
L’attitude d’ATT envers Moussa Traoré est empreinte de révérence, voire d’admiration, quand on lit le récit même de la scène de l’arrestation lors du coup d’Etat du 26 mars 1991.
ATT a accueilli avec satisfaction l’adhésion du « CMNL » (sic) à son programme de gouvernement ; il faisait ainsi allusion au soutien du colonel Youssouf Traoré, président du parti UFDP, ancien membre du CMNL (Comité Militaire de Libération Nationale, la junte militaire qui renversa la Première République en 1968).
Il est vrai qu’en matière de revalorisation sectorielle, il n’a pas eu à faire grand chose pour les frères d’armes, Alpha s’étant occupé de cela avant lui, tant il est vrai que, paradoxalement, les démocrates maliens reconnaissent une lourde dette envers les militaires. C’est peut-être la raison pour laquelle ces derniers se gardent d’exagérer. ATT n’a donc pas tout fait pour eux.
Les deux ATTbougou
Il y a deux quartiers à Bamako qui portent le nom d’ATT, en hommage à l’homme. Le premier, celui de la Base A, symbolise les attentes des militaires depuis l’époque de la Transition, pour une réhabilitation de leur quartier.
Le fait que celle-ci ne soit pas intervenue quinze ans après, montre que même le sentiment envers le métier ne suffit pas pour faire pression sur l’homme et le dévier de l’exécution de plans clairs et précis.
Le second ATTbougou, par contre, les logements sociaux construits à Yirimadio, constituent l’un des plus beaux quartiers de la ville.
Et le président n’a pas demandé qu’on le baptise de son nom. Dans le nouvel ATTbougou vivent toutes les corporations, dans une entente parfaite : militaires, douaniers, enseignants, commerçants…
Cependant, ATT n’a pas exécuté les décrets pris par Alpha en faveur des militaires tombés sous le coup de sanctions pénales sous le régime de Moussa Traoré. Plus précisément, trois ans après son arrivée au pouvoir, en leur refusant le paiement de pensions, il rejette le principe de leur réhabilitation.
Il s’agit, sur une longue liste, par exemple de Kissima Doucara, ex-membre du CMNL et ministre de la Défense, Tiécoro Bagayoko, ex membre du CMNL et Directeur général de la Police, Karim Dembélé, ex-membre du CMNL, Charles Samba Sissoko, ex-membre du CMLN et ministre des Affaires étrangères…
Si le civil Alpha a signé le décret, le général ATT devrait s’empresser de le mettre en application. C’est du moins ce qu’aurait autorisé un raisonnement de l’époque où l’on voyait la société scindée en deux blocs : militaire et civil, conception peut-être héritée de la France…
Apparemment ATT ne partage pas une telle conception et cela semble une excellente chose pour la société malienne.
Ibrahima Koïta
10 juin 2005