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Tous les peuples travaillent à améliorer chaque jour leur démocratie. Pour ce faire, la solidarité peut être considérée comme un biais sur notre territoire national, et elle est vécue essentiellement dans une optique sociale. Afin de rendre un peu plus soutenable les effets pervers de la globalisation qui n’épargnent aucun segment de nos populations sur le plan économique, social et sur le plan de droits de l’homme, nos autorités nationales ont jugé bon d’installer chaque année, depuis 2001, un mois de la solidarité.

C’est une forme de participation qui peut être interprétée comme une survivance de notre mentalité collective. Sans cela, notre état de droit ne resterait-il pas pareil à une coquille vide et on s’éloignerait ainsi de la déclinaison de nos valeurs nationales.

L’état cherche chaque année à l’actualiser sous une forme ou une autre et le mois de la solidarité est devenu l’une des pierres angulaires du mode de régularisation et de l’intégration. Les raisons : répondre à un besoin de citoyenneté et de participation de toutes nos populations. L’événement va se situer sur un courant historique, c’est-à-dire en cette année de célébration du Cinquantenaire de l’Indépendance de notre pays. Tout juste derrière ce mois dédié au Cinquantenaire, Septembre 2010.

Le thème national retenu pour cette 16eme édition du mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion : ‘‘La solidarité : une réalité au Mali. Renforçons les acquis’’. Il y a 4 thèmes thématiques et le président de la présente édition est M. Alassane BOCOUM et son adjoint est M. Ismaïla KONATE. Le choix du parrain national de cette édition du Cinquantenaire s’est porté sur l’honorable Sididjè Oumar TRAORE, ancien député de la 1ère législature du Mali indépendant.

Le budget alloué par le département de tutelle avoisine les 100 millions de nos francs. Revenons sur le thème retenu pour cette 16eme édition qui nous permet de confronter les points de vue autour de la question centrale : quelles réponses l’Etat a-t-il pu apporter jusqu’ici aux nombreuses attentes si l’on sait par ailleurs que la seule déclinaison légale des droits n’y suffirait ? Si on arrivait à dégager ainsi un schéma, il pourrait bien aider à la résolution de la crise de la pensée du développement un tant soit peu.

Nous nous poserons certainement cette question à la suite : quel pourrait être le but moral de la société malienne ? Oserons-nous dire alors que l’un de ses meilleurs moyens serait d’arriver à rendre les Maliens et les Maliennes, non pas également heureux, mais moins inégalement malheureux ?

Qui se sent accommodé de notre vision du Cinquantenaire ?

La formule nous l’avons retenue dans l’un des discours de l’actuel président de la République, Amadou Toumani TOURE. Il exhortait ses compatriotes à ‘Retrouver ce qui nous unit’’. Cette véritable conscience, où la situons-nous si ce n’est dans le mot solidarité, qu’elle soit familiale ou sociétale. Ce mot là justement renvoie au vent du large. Comme pour nous dire que jamais l’imagination des hommes ne se lassera plutôt de concevoir ce qui peut adoucir que la nature de fournir. De tous les temps, il s’est trouvé des hommes, ici ou ailleurs, pour mettre en avant ‘‘l’intelligence de leurs mains’’ selon la jolie formule pour traduire leur solidarité en actes à l’endroit de leurs semblables.

Une main qui peut refléter nos émotions ou nos sentiments aussi bien que nos visages … Ne dit-on pas qu’un homme qui vit seul, se suffirait à lui-même, est toujours ‘‘abîmé de tristesse’’ ? Que resterait-il de son humanité ? Qui parmi nous ne vit il pas sporadiquement sa citoyenneté étant donné que nous vivons tous partiellement enfermés derrière le mur de notre univers dans nos grandes villes ? Qui parmi nos cousins restés au village (ce que nous appelons le ‘‘pays réel’’) ne voit-il pas maintenant les limites du système triomphant de l’Occident et de ses mirages ? Tout le monde a conscience que nous glissons vers une impasse civilisationnelle.

Que valent donc les recettes que nous avons-nous mêmes imaginées pour nos propres besoins de sortir du sous-développement ? Il faut maintenant une sorte de fulgurance dans la nuit de nos existences matérielles si précaires pour entretenir l’espoir.

Actuellement, notre société a pris le relais de la morale et la législation. Toutes nos confessions religieuses ont compris qu’ici au Mali, la neutralité peut être condamnée, quand on condamne toute abstention. Pour ce qui est de la solidarité agissante, peut-on exprimer autrement l’inexprimable quand on pense à la satisfaction que DIEU attend des croyants. Ce même DIEU qui a fait que la réalisation des équilibres sociaux soit du ressort de l’homme même.

Chez les musulmans, non seulement la zakât (l’aumône) a une valeur purificatrice, mais ajoutent les doctes on encore ceux qui s’en tiennent à la récitation sévère des versets d’Allah “pas de prières sans aumône”… La charité courante que l’on va appeler ici ‘’Sadaqa jariyâ’’ aurait des effets qui continuent après le décès du croyant… La zakât manifesterait donc l’amour qu’on porte en DIEU, la Shahada n’étant que la profession de foi et la salat le désir d’être constamment en la présence de DIEU… Ne nous a t- Il pas ordonné ‘’vous n’aurez à dépenser que dans l’intention ‘de contempler’ la face de DIEU’’ Sourate2, verset 272…

La force d’un Etat se mesure à ce qu’il offre aux plus faibles de la société

La solidarité nous aura donc appris qu’à travers tous les âges, la terre sur laquelle nous vivons, cette terre n’appartient à aucune des générations, ce sont les générations qui lui appartiennent. Si aujourd’hui, nos villes sont devenues étroites et les têtes aussi…, il nous faut cependant souligner ici (pour s’en réjouir ?) le choix du parrain national pour cette édition du mois de la solidarité du Cinquantenaire. Le ministre Sékou DIAKITE ne disait- il pas que ‘’l’attachement aux personnes âgées est un trait’’ culturel au Mali ! Les autorités nationales en choisissant M. Sididjè Oumar TRAORE, ex-parlementaire et médaillé d’or de l’indépendance, nous montrent un exemple à citer. Nous ne reviendrons pas sur les qualités et autres états de service que le ministre Sékou DIAKITE a relevé en lui.

La dignité lui suffit. L’homme est né vers 1925 à Goundam de parents paysans comme il aime à le dire. Il commence Terrassons de Fougères en 1935 et entre en 1945 à William Ponty. Il fera l’armée coloniale et sortira avec le grade de sergent. C’est en 1949 qu’il commence ses fonctions administratives et il servira des années dans les directions des écoles de Niono, Sandaré, Tombouctou, Goundam (où il sera directeur adjoint de 1954 à 1956) et à Gourma- Rharouss. D’Avril 1957 jusqu’en 1959 il est Conseiller territorial du Soudan et à partir de Mars 1960, M. Sididjè Oumar TRAORE est élu député du Mali jusqu’au putsch militaire de 1968. L’homme nous est familier car c’est lui qui nous disait lors d’une interview ‘’je ne suis pas quelqu’un d’aujourd’hui, je suis d’hier’’. On ne peut rien enlever à ces Soudanais’’…

De son ancien maître d’école et mentor politique, Modibo KEITA, il gardera un souvenir ineffaçable. Un maître de français qui lui avait appris ce que c’est une calomnie et depuis Sididjè Oumar TRAORE a retenu que la calomnie défend toujours ses propres préjugés… L’ancien député de la 1ère législature du Mali indépendant nous aura appris qu’’’une grande existence politique ne laisse aucune place aux ennuis du cœur…’’. A l’instar de bon nombre de ses camarades ayant servi la 1ère République, Sididjè Oumar TRAORE nous affirme volontiers : ‘’de notre temps, l’honnêteté était la règle fondamentale’’.

Exemple : à l’Assemblée Nationale, n’ont- ils pas eu à geler les indemnités parlementaires à 85 000 F maliens de l’époque ? Il nous a dit aussi que durant son mandat de député à Goundam ‘’tous les problèmes du cercle seront appréhendés dans un vaste échange d’informations et d’avis avec les populations locales. Rien ne pouvait échapper à ma vigilance et c’est pourquoi j’étais à tu et à toi avec tout le monde sur le terrain…’’. L’ancien député fait partie aujourd’hui de ces ‘’rescapés’’ de la vie qui portent la médaille d’or de l’indépendance. Pèsent-ils combien aujourd’hui ? Ils font partie de ces hommes et femmes qui sont une part essentielle de la gloire du Mali.

Beaucoup de choses courantes dans la vie au jour d’aujourd’hui sont expédiées par une moue dubitative. Hélas, trois fois hélas !!! L’acte de solidarité dont il est question ici doit aller à l’encontre de la sentence qui veut que si on veut partager le malheur des hommes, il n’y aurait plus jamais de bonheur… Une phrase où il n’y a pas d’humanité. Certaines des ignorances de nos vieux peuvent- ils les amener à être moins respectables ? De ceux qui nous restent, ils n’ont rien vu de mauvais, mais rien ajouté de bon.

Dans le République actuelle, nous les rencontrons souvent accrochés à la peine d’un jour, inspirés à se taire à cause du seul sentiment du devoir et on oublie que ces hommes et ces femmes ont une vie de poitrine. Ils ont tant souffert et vu tellement de choses se passer au Mali. Ils se sont soumis aux impératifs de l’heure, apaisés peut-être mais nullement consolés par nous.

Que dira t-on un jour devant les tombes de ces médaillés d’Or de l’indépendance ? Si on a appris quelque chose, ce sera de leur dire combien ils nous manquent déjà… L’ironie de l’histoire est à prendre là où elle se présente. L’un des derniers combats menés par nos illustres prédécesseurs, était de voir aligner les pensions de tous les anciens députés de nos Républiques. A ce jour, ce n’est pas le cas et la morale s’en dira d’elle-même. La loi, elle, définit les bornes. Mais qui se soucie de savoir qui sera juge de cette loi ?


SALIF KONE.

07 Octobre 2010