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La ville de Sikasso, située au sud du Mali, fait frontière avec la Côte d’Ivoire, réputée être un pays d’accueil des enfants victimes de cette pratique. Une fois en terre ivoirienne, ces enfants sont conduits dans des plantations où ils travaillent moyennant une somme forfaitaire.

Mais ce n’est pas toujours le cas. Tout dépend du deal passé entre le “vendeur” et “l’acheteur”, mais aussi de la bonne foi de ce dernier. Mais du vendeur à l’acheteur, c’est un trafic dont les détails font frémir.

Selon les témoignages d’un responsable de “Mali-Enjeu” (une organisation qui intervient dans la lutte contre le trafic des enfants et la lutte contre la mendicité des élèves coraniques), tout se passe dans la gare routière de Sikasso. *

Les enfants, saisonniers, pour la plupart, qui rechignent à rentrer chez eux à la fin de la saison, se retrouvent à la gare routière, à la recherche d’une pitance.

Beaucoup d’entre eux dorment et se réveillent à la gare. De ce fait, ils constituent des proies faciles pour des “coxeurs” des véhicules de transport (racoleurs comme on les appelle).

Selon nos informations, ces racoleurs font miroiter aux enfants la somme de 75.000 F à 100. 000 F CFA et un vélo qu’ils peuvent gagner en Côte d’Ivoire au bout de quelques mois de travail seulement. A condition, toutefois, qu’ils acceptent de se rendre dans le pays du café et du cacao.

Auparavant, les enfants voyageaient par convoi. Mais, depuis la signature des accords de partenariat entre le Mali et la Côte d’Ivoire en matière de lutte contre le trafic des enfants, les choses ont changé. Ce n’est plus par convoi que les enfants regagnent la Côte d’Ivoire.

Mais ils le font aujourd’hui de façon séparée. Soit le trafiquant embarque l’enfant derrière une mobylette pour passer le poste de contrôle (les agents de contrôle penseront toujours que le monsieur est avec son propre enfant), soit il contourne le poste de contrôle pour ensuite faire embarquer l’enfant à bord d’un véhicule de transport.

Le deal entre le “coxeur” et l’acquéreur est le payement d’une somme de 35.000 F CFA au premier dont 15.000 F pour les frais de transport et 20. 000 FCFA comme “commission”.

L’acquéreur paye cette somme, mais en réalité, elle sera défalquée du salaire de l’enfant dès que celui-ci aura commencé à travailler. Une fois sur le territoire ivoirien, les enfants sont parqués dans des magasins à Korhogo en attendant leurs “futurs maîtres”.

Parmi les enfants qui voyagent, on note la présence de volontaires, c’est à dire ceux qui voyagent à leur gré.

Mais on trouve également, comme le témoigne le responsable de “Mali-Enjeu”, des enfants envoyés par des maîtres coraniques, qui réclament parfois à l’acquéreur une somme de 100.000 FCFA plus un vélo.

Evidemment, la somme versée par l’acquéreur est toujours déduite sur le salaire de l’enfant.

Certains enfants peuvent gagner quelques sous. Mais d’autres (la majorité d’ailleurs) voient leur rêve se briser très vite, désillusionnés par l’ampleur du travail et le traitement qui leur est infligé.

Sikasso, comme on l’a dit, a toujours été la plaque tournante du trafic des enfants. L’antenne de “Mali-Enjeu” à Sikasso a, depuis de son installation en septembre 2000 jusqu’en décembre 2004, a accueilli plus de 321 enfants en situation difficile.

Elle a aussi enregistré pas moins de 120 enfants parmi lesquels on trouve ceux qui ont été interceptés au niveau des postes de contrôle et ceux qui ont été rapatriés par les autorités de la Côte d’Ivoire.

Parmi les enfants victimes de trafic, on retrouve généralement, en plus des Maliens, des Burkinabé, Mauritaniens, Guinéens et Sénégalais.

Le trafic est intense surtout après les récoltes, la saison morte en quelque sorte. Mais, à en croire le responsable de “Mali-Enjeu” à Sikasso, beaucoup d’efforts ont été faits et continuent de l’être pour combattre le phénomène.

A ce niveau, tous les acteurs, autorités étatiques, ONG, associations, collaborent ensemble, ce qui a permis d’obtenir des résultats louables, a-t-il fait savoir. Mais le phénomène ne pourra totalement disparaître, que si chacun s’y emploie.

Une étude de l’OIT, publiée récemment, indiquait que le trafic des enfants est en hausse en Afrique de l’Ouest et du Centre.

Les enfants, victimes du trafic, il faut le dire, sont la plupart exposés à de graves dangers qui peuvent parfois porter atteinte à leur vie.

Le Mali, tout comme beaucoup de pays africains concernés par le phénomène, s’emploie pour venir en aide à l’enfance et combattre toute forme d’exploitation.

Aimé RODRIGUE

23 août 2005