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A en croire ses responsables, cette situation s’est traduite pour EDM-SA par un déficit de 7,2 milliards de FCFA, un chiffre ramené par la suite à 3 milliards de nos francs. Pour les experts de la CREE, une structure censée arbitrer entre le maître d’ouvrage – le gouvernement à travers le ministère en charge de l’énergie et de l’eau, EDM-SA et les clients-la dernière baisse n’a nullement affecté l’équilibre financier de la société laquelle s’en sort, au demeurant, avec un bénéfice de 1,6 milliard de FCFA.

A en croire toujours la Commission de Régulation de l’Electricité et de l’Eau, ce résultat bénéficiaire d’EDM-SA lui laisse la possibilité de faire face à tous ses engagements, réaliser notamment des investissements à hauteur de 11 milliards de FCFA.

L’écart entre ces deux points de vue extrêmes est tel qu’on peut y fourrer tout un monde. Après une analyse exhaustive, rubrique après rubrique, la CREE a abouti à la conclusion que si l’exercice 2004 a effectivement enregistré une augmentation du chiffre d’affaires d’environ 6%, les charges n’ont pas été, en revanche, maîtrisées.

Et que l’on a plutôt à faire à des charges conjoncturelles, ponctuelles. Dans le chiffre d’affaires, il y a lieu de faire le distinguo entre la part de la masse salariale des expatriés et celle des nationaux.

Ici, les charges dites d’assistance technique sont montrées du doigt par la CREE.
La trésorerie d’EDM-SA est-elle exsangue du fait de la baisse tarifaire ou d’autre chose ? C’est autour de cette question cruciale que les échanges entre EDM-SA et la CREE se nouèrent.

Pour mieux apprécier la situation et conformément aux dispositions réglementaires en vigueur, la CREE a adressé une mise en demeure à EDM-SA, lui demandant de lui fournir les documents comptables nécessaires à même de l’aider à faire définitivement sa religion.

Il s’agit, entre autres, du budget d’exploitation 2005 établi sous le même format que le compte d’exploitation prévisionnel, du détail des réalisations du plan d’investissement 2004, de la provision Proparco. Il s’agit ici de savoir quel traitement a été fait de la provision constituée en 2003 pour cette rubrique, soit un montant de 1,123 milliard de FCFA.

Au chapitre des créances d’exploitation, il s’agit de fournir le détail des créances clients hors administration et l’évaluation du montant de la prévision. Il s’agit aussi d’expliquer les incohérences entre la situation des créances du Budget national (11,7 milliards) par rapport à la situation des dettes croisées (4,8 milliards de FCFA).

La CREE demandait, par ailleurs, à EDM-SA d’expliquer certaines incohérences entre les chiffres fournis au niveau des produits (production immobilisée, autres produits d’exploitation et au niveau des charges). Ici, l’on a à faire aux produits de traitement, l’achat d’électricité RCI, des combustibles lubrifiants, les redevances régulation, les dotations aux amortissements et provisions, les intérêts et charges assimilées, les produits et charges HAO.

« EDM-SA est en possession de toutes pièces du dossier des différentes lettres envoyées par mise en demeure. Elle peut, néanmoins, si elle le souhaite, en recevoir copies de la Commission si elle en fait la demande » de préciser le président de la CREE, Moctar Touré, dans la décision de mise en demeure datée du 9 mars. Les informations devaient être communiquées à la CREE au plus tard le 18 mars.

Ces échanges interviennent entre la CREE et EDM-SA au moment où des négociations enclenchées depuis le mois de novembre entre les protagonistes du secteur de l’eau et de l’électricité l’Etat et les concessionnaires se dérouleront activement sous les auspices de la Banque Mondiale qui a nommé un Modérateur de séances en la personne de Ibrahima Sidi Traoré.

Pour arrondir les angles entre les parties, un facilitateur a été également nommé à travers Andres Rigo Sureda. Outre la Banque Mondiale, l’Agence Française de Développement (AFD) se trouve au nombre des bailleurs de fonds.

Dans le processus de négociations, la CREE a un statut d’observateur. Son souci principal, dans sa mission de régulation, est de préserver au maximum les intérêts des consommateurs tout en veillant à l’équilibre du secteur. Dans le protocole, un avenant prolonge la période de négociations jusqu’au mois de juin. Théoriquement au mois de juin, les parties signeront un contrat révisé.

Il semble qu’en lieu et place de la concession, l’on s’achemine vers la formule de l’affermage. Ce cas de figure conférera au maître d’ouvrage l’Etat malien plus de pouvoir. Entre autres, l’initiative des investissements lui reviendra. Avant le mois de juin, un nouveau round de négociations est prévu à Ségou. Jusqu’à la signature du nouveau contrat, les parties ont convenu de geler les tarifs actuels de l’électricité et de l’eau.

Pourquoi en est-on venu à la révision du contrat? Manifestement, l’Etat malien a très mal négocié le contrat de concession. Il serait, peut être, excessif d’affirmer qu’il s’est livré, mains et pieds liés, au partenaire stratégique, mais ce serait un euphémisme de dire que ses intérêts n’ont pas été défendus comme il le fallait.
Résultat : il s’est retrouvé à subventionner le secteur de l’eau, beaucoup plus qu’il n’en faut.

Au total, de 2 000 à 2003, il a déboursé la bagatelle de 27,9 milliards à EDM-SA, à titre de compensation des différentes baisses tarifaires. EDM-SA a beau jeu de considérer ces subventions comme une situation de rente.


Yaya Sidibé

11 mai 2005