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Médine d’hier

Pendant la période coloniale, un certain nombre de villes ont connu des périodes de forte croissance, mais ont presque malheureusement fini, dans l’anonymat. Comme celle d’un être humain, la vie d’une cité passe par des hauts et des bas. La situation géographique ou stratégique en sont des facteurs déterminants. Ces cités ont suivi l’évolution de l’histoire jusqu’à l’achèvement de la carte coloniale.

Aussi, Médine, située sur la rive gauche du Sénégal, à plus de 900 kilomètres de Saint-Louis et de la côte atlantique, vivra sa grandeur et sa décadence au rythme de son Fort. C’est ce point déterminant, que choisit le Général Louis Faidherbe pour contrôler la navigation sur le fleuve, et servir de tête de pont pour la conquête du bassin central du Niger.

De retour, à cette époque, de son long séjour de 18 ans à la Mecque, El Hadj Omar Tall, originaire du Fouta Toro, est parti de Dinguiraye (Fouta Djallon) à la tête d’une puissante armée, dans l’ intention de fonder un empire musulman.

Pour contrecarrer ce projet, le gouverneur français construisit à Médine, le premier Fort et en confia la défense à une douzaine de soldats noirs, placés sous le commandement d’un sous officier métis Paul Holle. Il n’ en fallut pas plus pour déclencher la première opération du Commandeur des croyants. Celui-ci, mettant à profit la saison sèche et la décrue rendant impossible tout secours de Saint-Louis, lança ses 2000 talibés fanatisés attaquer et investir Médine.

Trois mois durant (d’avril à juin 1857), la petite garnison résista héroïquement et en acquit une célébrité à la hauteur de ses hauts faits. Faidherbe retrouva avec beaucoup de soulagement son Fort intact, qui, avec son glorieux défenseur était entré dans l’histoire.

Médine d’aujourd’hui

Aujourd’hui, Médine se meurt. Elle n’incarne plus sa gloire d’antan, acquise aux dépens des toucouleurs. Dans un quartier dépeuplé, il n’y a plus que des décombres à la place de ce qui faisait la fierté de ses habitants.

On y retrouve seulement, un marché à esclaves désert, un cimetière européen abandonné, une mosquée presque ensevelie, une gare ferroviaire isolée n’offrant que de la nostalgie aux passants, dans ce quartier presque à l’abandon.

La grande rue dallée des beaux jours, seul témoin, du tintamarre de la voiture du Commandant Lefèvre venant de Kayes, résiste à l’érosion. Les canons couverts de rouille, désormais emblèmes de la ville, semblent assurer la garde des vestiges, trahissant des secrets enfouis dans la mémoire de quelques vieilles personnes.

Le monument commémoratif construit entre le Fort et la route, avec sa pyramide de pierre taillée, sa plaque de bronze, ses chaînes et ses canons, perpétue les souvenirs. La haute maison, où mourut plus tard Paul Holle, présentement délabrée, domine encore le paysage. Elle exhibe ses meurtrières profondes et serrées, son escalier recyclé, en charpente et en bois de chauffe, ainsi que sa porte d’étage s’ouvrant sur le vide.

Ce panorama est le témoignage émouvant de la décadence d’une ville – comptoir, victime à la fois de l’évolution économique et de l’oubli de l’homme.

Médine de demain

Honnêtement, Médine ne mérite pas ce sort que nous semblons lui réserver. C’est la ville historique par excellence. Nous lui devons plus d’ attention, de bienveillance, de sollicitude, de gratitude, et plus d’amour.
Berceau, première capitale du Haut Fleuve devenu Haut-Sénégal-Niger, puis Soudan, ensuite Fédération du Mali, et enfin Mali, Médine, avec sa mémorable victoire de 1857, a déterminé l’orientation des conquêtes toucouleurs et françaises.

C’est le Fort de Médine, qui de façon éloquente, illustre la gloire de nos héros et marque d’une empreinte séculaire, l’histoire d’un passé commun à l’Afrique et à la France.

C’est enfin la vieille école de Médine, fière de ses célèbres enfants comme Lamine Guèye, Birago Diop, qui à eu l’honneur d’être la première.

Pour notre mémoire collective, l’inventaire, le classement, la restauration, la réhabilitation de notre patrimoine architectural demeurent un impératif national. Cela relève de la responsabilité de l’autorité en charge de la culture.

A l’instar d’autres cités, toutes aussi remarquables, qu’historiques, la ville de Médine nous réclame de nouveau à son chevet.
La vieille ville de Médine, aurait été proposée à l’UNESCO, pour classement comme patrimoine mondial de l’humanité, sur proposition du Mali, qui, malheureusement n’a pas encore entamé sa restauration.

Il est temps, grand temps, d’élever des voix en faveur de cette opération de sauvetage de notre culture, dans le cadre d’une dynamique de restauration de notre passé historique.

Nous risquons de faillir à notre mission, si nous assistons en spectateurs muets et témoins désintéressés, à la dégradation de notre riche patrimoine.