« Toutes les bouteilles de gaz qui sont détenues à 98% par les quincailleries sont des bouteilles volées ». Telle est la révélation accablante faite le vendredi dernier par le gérant de la société de distribution de gaz, Oudiari Diawara lors d’un point de presse animé dans ses locaux.
Selon lui, aucune quincaillerie du Mali n’a de contrat avec l’un des quatre opérateurs privés dûment accrédités à savoir SODIGAZ, Fasogaz, Sigaz et Coumba gaz. Et pourtant, les quincailleries vendent aujourd’hui des bouteilles de gaz au vu et au su de tout le monde sans que ça ne dérange personne.
Le gérant de Sodigaz, Oudiari Diawara, tiendra à faire savoir que ces bouteilles qui sont les contenants, ont toujours besoin d’entretien périodique et de suivi permanent, c’est indispensable pour la sécurité des ménages. Et d’ajouter que « les bouteilles qui ne sont pas dans nos circuits de distribution ne pourront pas bénéficier de cet entretien. Elles constituent donc un danger permanent pour les populations ».
L’autre phénomène qui a tendance à s’amplifier et qui les préoccupe au plus haut point c’est l’envahissement du secteur informel.
Oudiari Diawara expliquera en effet que les équipements du gaz sont conçus à des coûts assez élevés par chaque société de gaz comportant son nom commercial, son logo et ses couleurs. Pour répondre mieux aux besoins des ménagers, dira-t-il, les sociétés distributrices de gaz ont développé des circuits de distribution par l’installation de nombreux points de vente dont chacun doit normalement faire l’objet d’un contrat entre les parties.
Mais vu le développement de l’activité, des opérateurs économiques de l’informel se sont intéressés à elle, selon des méthodes qui leur sont toujours propres. « Ces nouveaux opérateurs du secteur créent simplement des points de vente indépendants avec des bouteilles qui sont le fruit du vol de nos points de vente », martela t-il.
Depuis 2007, dira le gérant de Sdigaz, nous constatons que certains ne veulent plus se mettre dans le circuit « La nuit tombée, ils cassent nos points de vente et enlèvent des bouteilles parfois avec des armes à feu », fera t-il savoir. A l’en croire, une grande partie de ces casses était dirigée contre Sodigaz. Tout en ajoutant que ces casseurs volent des bouteilles sans savoir que leur contenu est dangereux.
Des cas de vol
C’est ainsi que des livreurs ont fait disparaître le mois de carême dernier plus de 200 bouteilles. Ils ont été pris et conduits à la gendarmerie de Faladié. Déférés devant le procureur de la République près la commune VI du District de Bamako, ce dernier dira qu’aucune action judiciaire n’est possible contre ces livreurs. Ils ont été sommés simplement de les restituer ou de les rembourser.
Le 23 mars 2007, le gérant de Sodigaz a saisi le directeur général de la police nationale du cas de certains de ses revendeurs de gaz et de réchauds dans les quartiers de Bamako qui ont été victimes de vols de bombonnes de gaz souvent sous la menace des armes à feu. Des plaintes ont été déposées dans les commissariats de police du 4è, 11è et 12è arrondissements.
Oudiari Diawara, le gérant, disait en son temps : « nous pensons qu’il s’agit d’individus qui ont simplement l’intention de les revendre. Mais le contenu étant un produit pouvant servir d’explosif, nous avons jugé utile d’attirer votre attention pour toutes fins utiles ». Cette correspondance a été rangée dans les tiroirs.
Trois ans après, c’est-à-dire le 8 mars 2010, le même gérant revenait à la charge en informant encore le directeur général de la police nationale que « M. Amadou Mariko, livreur de bouteilles de gaz a disparu avec plus de 1800 bouteilles de gaz appartenant à plusieurs revendeurs de gaz SODIGAZ ». Et d’ajouter qu’en plus du fait délictueux, M. Mariko est en passe de faire perdre beaucoup d’entre eux de leurs investissements ainsi que la perte d’activité génératrice de revenus (chômage).
Ce livreur de gaz a préféré aller en prison plutôt que restituer les bouteilles volées qui sont jusqu’à présent dans la nature, selon Oudiari Diawara
« C’est toute une partie de la commune VI qui est aujourd’hui sevrée de gaz. Ce vol a entraîné une defidélisation de nos clients ». C’est ce qui explique qu’aujourd’hui le gaz coûte moins cher à Bamako qu’à Dakar, Abidjan, Accra et autres.
Autre conséquence des vols de bombonnes de gaz : plusieurs accidents signalés depuis quelques temps. C’est par exemple le cas à Bamako Coura où un gardien et toute sa famille ont péri suite à une explosion d’une bouteille de gaz. Ce dossier est en instance au niveau du commissariat central. Les bouteilles (B6) de gaz volées font l’objet d’intenses fraudes au marché Dibida de Bamako. Leur contenu est transvasé dans les bouteilles (B12) au « Namassabougou » sur la rive du fleuve Niger derrière l’hôtel de l’Amitié.
Le gérant de Sodigaz nous fera en effet savoir que les informels achètent parfois les bouteilles de 6Kg à 1630Fcfa. « Ils vont déverser le liquide de gaz dans les bouteilles de 12 Kg qu’ils revendent à 7500 et 8000 Fcfa » dira t-il tout en précisant que toutes les bouteilles de 12Kg vendues au marche Dibida de Bamako sont à 9Kg. Le gaz, dira t-il, est subventionné par l’État du Mali jusqu’à 70%. Son prix normal revient à 5400Fcfa le 6Kg et 10636Fcfa les 12Kg. Mais avec la subvention, les sociétés gazières cèdent aux revendeurs à 1630Fcfa.
Le gaz subventionné du Mali est consommé en Guinée
Selon le gérant de la société de distribution de gaz, Oudiari Diawara, le trafic transfrontalier du gaz constitue aussi un autre problème du phénomène. En effet, dira t-il : « nous constatons que la catégorie de bouteilles (B6) qui occupe plus de 95% de la consommation fait l’objet d’intenses fraudes vers certains pays voisins ».
Dans une correspondance datée du 8 mars 2010 adressée au directeur général de la police nationale, il a clairement mentionné que « ces bouteilles font l’objet d’intenses spéculations entre le Mali et la Guinée, le Mali et le Burkina Faso en violation des dispositions de l’arrêté interministériel n° 08/2679 du 25/09/2008 ».
Les bouteilles de gaz qui sont volées au Mali prennent en effet la direction du Burkina Faso où elles sont facilement vendues. Quant au gaz subventionné par le Mali, il sert à ravitailler la Guinée- Conakry qui ne dispose pas pour le moment de société gazière.
Toutes choses qui violent allègrement les dispositions de l’arrêté interministériel n°08-2679/MEIC-MF-MMEE-MSTPC-MATLC-MET portant interdiction d’exportation et de réexportation de bouteilles vides ou pleines de gaz et d’hydrocarbures en fût ou en citernes.
L’article 1er dudit arrêté stipule en effet que « sont interdits, sur toute l’étendue du territoire national, l’exportation et réexportation des produits ci- après : les bouteilles de gaz pleines ou vides, les hydrocarbures en fût ou en citernes ».
Cet arrêté interministériel N° 08-2679 signé le 25 septembre 2008 est-il devenu désuet ?
Toujours est il que ces phénomènes qui s’amplifient aujourd’hui remettent fortement en cause le programme d’utilisation de gaz butane entrepris depuis 1984 par le Mali et les autres pays du CILSS avec l’appui de la CEE.
Le gérant de Sodigaz qui est l’une des sociétés intervenant dans le secteur a tenu aujourd’hui à prendre le problème à bras le corps en initiant cette campagne de sensibilisation autour d’un phénomène qui les préoccupe. Selon lui, le gaz c’est l’arme essentielle contre la déforestation. Il propose aujourd’hui de payer 3000Fcfa par bouteille récupérée.
Birama Fall
24 Mai 2010.