C’est pourquoi les organisations paysannes sous régionales et nationales telles que : ROPPA, CNOP, AOPP ne cessent de monter au créneau pour dénoncer les politiques qui étouffent notre souveraineté alimentaire.
La souveraineté alimentaire se définit comme le droit des populations, de leurs Etats ou Unions à définir leur politique agricole et alimentaire, sans dumping vis-à-vis des pays tiers.
Elle inclut : – la priorité donnée à la production agricole locale pour nourrir la population, l’accès des paysans et des sans terre à la terre, à l’eau, aux semences, au crédit.
D’où la nécessité de mener des réformes agraires équitable, de lutter contre les OGM afin de conserver le libre accès aux semences, et de garder l’eau comme un bien public à répartir durablement, le droit des paysans à produire des aliments et le droit des consommateurs à pouvoir décider ce qu’ils veulent consommer, la participation des populations aux choix de politique agricole, la reconnaissance des droits des paysans, qui jouent un rôle majeur dans la production agricole et l’alimentation.
Les organisations paysannes du Mali (CNOP, AOPP) qui mettent toutes l’accent sur ces questions agricoles et alimentaires qui font partie intégrante des relations économiques et commerciales entre l’UE et l’Afrique, ne cessent de dénoncer la contradiction entre ces politiques et les objectifs affichés dans le cadre des politiques de coopération au développement.
Trois enjeux liés à la souveraineté alimentaire nous paraissent importants : importations massives des produits de l’agro-industrie française et européenne, hyper productiviste et subventionnée, en direction des marchés africains. Cas du poulet congelé au Caméroun et au Sénégal et du lait en poudre dans les pays sahéliens.
Négociations des Accords de Partenariat Economique dans le care de l’Accord de Cotonou entre l’UE et les pays ACP. L’ouverture des marchés et la baisse des barrières tarifaires prévues par ces accords menacent directement la survie de millions de paysans africains.
En effet, cela revient à mettre en concurrence la petite paysannerie africaine ne bénéficiant d’aucun soutien et l’agro-industrie européenne largement subventionnée.
Appui à la filière d’exportation du coton fibre. Les organisations paysannes du Mali (CNOP, AOPP…) ne remettent pas en cause l’importance du coton pour l’économie de plusieurs pays africains.
Cependant, elles constatent que dans un contexte de chute des cours mondiaux et de surproduction chronique, la coopération française (AFD) et l’entreprise Dagris soutiennent la filière d’exportation cotonnière dans une logique de spécialisation post-coloniale et d’extension de la production au détriment des cultures vivrières.
Elles délaissent la question de la transformation locale du coton, pourtant source de développement agro-industriel et de préservation d’identités culturelles liées au textile.
Pour illustrer les enjeux de la politique de l’UE, Mamadou Cissoko, président d’honneur du ROPPA, n’a t-il pas déclaré au congrès de la coordination rurale en France : “Votre PAC nous a fait beaucoup de mal… On nous envoie des pattes et des ailes de poulet qui n’ont pas de valeur nutritive ni économique, déréglant ainsi le poulet fermier. On nous envoie également… du blé qui n’est pas notre alimentation de base. En 1960, 15% des Sénégalais mangeaient du pain, aujourd’hui c’est 70% et nous ne produisons jamais de blé. N’est ce pas un grand danger pour un peuple de dépendre d’un aliment qu’il ne produit pas ? .. .Est-ce que l’on peut dire qu’il est interdit à un être humain de produire ce qu’il mange ? Est-ce que cela doit être un crime ?… Si vous, vous avez des problèmes, des catastrophes… Vous avez des aides. Si nous, on a des catastrophes, notre seule référence c’est Dieu… L’autosuffisance alimentaire est le droit de chaque peuple de manger les produits de ses paysans. Si cela n’est pas important, qu’est-ce qui est important dans la vie ?”
Conscientes de la place importante qu’occupe l’agriculture dans le développement économique et social du pays, le bien-être des populations, les organisations paysannes ont entrepris de nombreuses activités à travers notre pays.
Ainsi, la CNOP pour sensibiliser les paysans sur la loi d’orientation agricole, qui, selon les agriculteurs, constituera à minimiser les enjeux liés à notre agriculture, a organisé des concertations successives aux plans : local, régional et national.
Au cours de toutes ces concertations, les paysannes et les paysans du Mali, fortement mobilisés et engagés, ont su mener des débats francs, profonds et responsables sur tous les aspects de la question agricole dans notre pays.
Ils ont dégagé une vision forte, pratique et généreuse de l’agriculture malienne d’ici l’horizon 2025 qui s’intègre parfaitement dans la logique des idées émises par le Président de la République.
Elle va notamment dans le sens d’une modernisation de l’agriculture axée sur les exploitations familiales, une agriculture nourrissant son homme, capable d’assurer la sécurité alimentaire de notre pays et servant effectivement de moteur à l’économie nationale.
En emboîtant le pas à la CNOP, L’AOPP est montée au créneau la semaine dernière lors d’une journée de réflexion sur la politique alimentaire de l’UE.
La définition inacceptable du dumping par le GATT et l’Accord sur l’Agriculture (ASA).
Pour l’économiste et l’homme de la rue, il y a dumping si on exporte à un prix inférieur au coût moyen de production.
Pour le GATT et l’ASA, il n’y a pas de dumping si on exporte au même prix que celui pratiqué sur le marché intérieur, même s’il est inférieur au coût moyen de production.`
Exporter à un prix inférieur au coût de production n’est possible que dans les pays riches où les agriculteurs reçoivent des aides directes admises par l’OMC pour compléter les faibles prix. Cela a été la principale raison des réformes de la PAC de 1992, 1999 et 2003 et des réformes du Farm Bill des USA de 1996 et 2002.
Les droits de douane sur les produits agro-alimentaires
Ils sont très supérieurs dans l’UE à ceux de l’UEMOA.
Ainsi l’UEMOA considère comme produits les plus sensibles, pouvant donc bénéficier de a TCI (taxe conjoncturelle à l’importation) : la viande bovine, le lait concentré, le riz, la farine de blé, les huiles végétales brutes et raffinées, le sucre.
Il est donc intéressant de comparer les niveaux actuels de droits de douane perçus sur ces produits dans l’UE et l’UEMOA (TEC) : On voit alors que, hors droits additionnels appliqués par certains Etats membres de l’UEMOA sur ces produits sensibles, le droit de douane appliqué par l’UE pour les pays relevant du tarif NPE (de la nation la plus favorisée, c’est à dire hors quotas tarifaires ou des régimes préférentiels) est de 3 à 8 fois supérieur à celui de l’UEMOA, à l’exception de l’huile végétale !
Les prix mondiaux n’ont aucun sens économique –
Le prix “mondial” ne concerne qu’une part minime de la production mondiale : 10,8% pour les céréales, 6,9% pour les viandes, 6,5% pour les produits laitiers (moyenne 95-01). Le prix mondial des produits agro alimentaires n’existe pas. C’est souvent le prix du pays le plus “compétitif”.
Considérer les prix des produits laitiers de Nouvelle Zélande comme la référence est absurde puisqu’elle ne produit que 2% du lait mondial, qu’elle est “preneur de prix”, fixés en dessous de ceux de dumping de l’UE qui est le 1er exportateur.
Les prix mondiaux sont très volatils et en baisse à long terme et les marchés à terme ne peuvent y remédier au delà de quelques mois, et encore à un coût élevé. Surtout, les marchés à terme sont incompatibles avec toute politique de régulation des prix car les spéculateurs nécessaires sur ces marchés n’interviennent que s’il y a une forte volatilité des prix.
Les arguments s’opposant à une protection à l’importation accrue dans les PED notamment ACP.
On avance qu’une protection accrue à l’importation dans les pays ACP serait insupportable pour les consommateurs pauvres et provoquerait des révoltes populaires menaçant le gouvernement.
Non car, d’abord, la hausse des prix agricoles s’étalerait sur une période d’au moins 5 ans, parallèlement à la hausse de la protection à l’importation.
Surtout la majorité des consommateurs des pays ACP sont des paysans qui bénéficieront globalement de prix agricoles accrus, même si tous n’ont pas grand chose à vendre. Ils seront du moins incités à produire plus pour le marché intérieur.
Continuer à importer des produits alimentaires à des prix de dumping ne peut qu’aggraver le sous-développement par paupérisation accrue des 2/3 de la population, sans pouvoir d’achat pour acheter les biens et services du reste de l’économie.
Il est urgent de déclencher le cercle vertueux inverse basé sur des prix rémunérateurs pour les paysans, ce qui leur permettra d’investir pour élever leurs rendements et les superficies cultivées, ce qui baissera les coûts de production unitaires et leur permettra finalement de supporter des prix agricoles en baisse pour le consommateurs.
Il y aura donc une période de transition difficile de 5 à 10 ans et les pays industrialisés et institutions internationales doivent y aider temporairement les consommateurs pauvres en finançant des coupons permettant de continuer à acheter les produits vivriers locaux au prix ancien.
Cela serait une composante d’un “plan Marshall” pour les pays ACP, dont ceux de la CEDEAO, à côté d’une composante infrastructures pour intensifier les échanges intérieurs, d’une composante “recherche et diffusion de technologies de transformation des produits vivriers locaux” pour se substituer aux importations de blé et de riz et enfin d’une composante “création d’emplois non agricoles” pour relever le pouvoir d’achat des urbains. Notamment en relevant le TEC sur la filière textile habillement.
Une synthèse de Moussa TOURE
27 avril 2006.