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Le président ivoirien Laurent Gbagbo s’est entretenu lundi à Abidjan avec l’opposant et ex-chef de l’État Henri Konan Bédié, en plein blocage du processus de sortie de crise censé conduire à un scrutin présidentiel reporté depuis 2005, a constaté un journaliste de l’AFP.

Cette rencontre inhabituelle entre les deux hommes s’est tenue à la mi-journée au domicile de M. Bédié, dans le quartier chic de Cocody, en présence du Premier ministre Guillaume Soro.

jpg_gbabo-2.jpgLes échanges, qui ont duré plus de deux heures, se sont déroulés « dans une ambiance cordiale et conviviale », a déclaré à la presse M. Soro, évoquant « une convergence de points de vue sur les questions de l’actualité politique du pays ».

« Il y a eu une convergence de points de vue qui permet de faire des progrès, non seulement dans le sens de l’organisation d’élections, mais dans la réunification du pays », coupé en deux depuis le coup d’État manqué de 2002, a-t-il assuré, sans plus de précision.

En fin de journée, les leaders de l’opposition réunie au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) se sont retrouvés à leur tour au domicile de M. Bédié. Ils n’ont fait aucune déclaration à la sortie.

Le processus de sortie de crise est à l’arrêt depuis le début de l’année et la polémique autour de la précédente Commission électorale indépendante (CEI), dissoute par M. Gbagbo qui l’accusait de « fraude » sur la liste électorale.

Une reprise du traitement des contentieux sur la liste avait été annoncée pour lundi, mais cette opération « n’a pas redémarré » ce jour, a-t-on indiqué de source proche de la CEI.

Des difficultés de financement sont notamment à l’origine de ce nouveau retard, a-t-on ajouté de même source, précisant toutefois que des fonds supplémentaires venaient d’être débloqués par le gouvernement pour permettre une relance effective.

L’opposition a fermement contesté les modalités de la reprise du traitement des contentieux, exigeant « le respect scrupuleux du mode opératoire consensuel » adopté antérieurement.

La réunification du pays, encore embryonnaire, a fait l’objet récemment de vifs échanges entre camp présidentiel et ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) de M. Soro.

Les réunions de lundi surviennent en outre dans un climat tendu par l’annonce par la jeunesse d’opposition d’une manifestation le samedi 15 mai à Abidjan.

Censée clore la crise de 2002, la présidentielle ivoirienne a été sans cesse repoussée depuis la fin du mandat de M. Gbagbo en 2005.

ABIDJAN (AFP) – lundi 10 mai 2010 – 22h51

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Éclaircie dans le ciel ivoirien ?

D’une crise politique à une autre… On passe de Madagascar à la Côte d’Ivoire, avec une question qui agite le landernau journalistique abidjanais : que se sont dit Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié ce lundi lors de leur entrevue ?

« Plus d’une heure de huis clos entre les deux hommes et leurs cercles restreints, relève l’Inter, suivi de sept minutes de tête-à-tête. Personne d’autre que Gbagbo et Bédié. Qu’est-ce que l’ancien et l’actuel chef de l’État se sont dit entre quatre murs ? Difficile d’en savoir davantage pour l’heure, vu que les journalistes, comme plusieurs proches de Gbagbo et Bédié, ont été tenus éloignés des discussions. » L’Inter affirme toutefois que « les échanges, dit-on, se seraient déroulés dans une bonne ambiance et augurent, croient certains, d’une baisse de la tension politique dans le pays. »

« Sortie de crise : ballet politique pour sauver le processus », titre pour sa part Fraternité Matin qui estime « qu’à cinq jours de la marche projetée par les jeunes houphouétistes, le dialogue inter-ivoirien a atteint son point culminant, avec la rencontre entre le Chef de l’État et le leader du PDCI (…). Les Ivoiriens restent les doigts croisés et espèrent que tout cela puisse permettre d’apaiser la situation. »

Paix des braves ?

La lecture des quotidiens d’opinion nous permet d’en savoir un peu plus… Notre Voie , le journal du FPI, le parti présidentiel, affirme en effet que la rencontre de ce lundi « a permis à Gbagbo et Bédié de s’accorder sur deux points. D’abord sur la question de la sérénité devant entourer la tenue des Assemblées annuelles de la BAD, la Banque africaine de développement, qui se tiennent dans quelques jours à Abidjan. Le chef de l’État a obtenu, affirme Notre Voie, le soutien du président du PDCI.

Bédié a reconnu comme Gbagbo, écrit le journal, qu’il s’agissait de l’intérêt de la Côte d’Ivoire que la Banque africaine de développement revienne à Abidjan. Qu’il fallait donc éviter de perturber ces assises. Le président du PDCI a réaffirmé, cependant, le maintien de la marche du RHDP, le samedi 15 mai prochain, croit savoir encore Notre Voie, au motif qu’elle sera pacifique et encadrée. Bédié a ajouté que les marcheurs seront contenus. Qu’ils se tiendront éloignés des zones où se dérouleront les Assemblées annuelles de la BAD. »

Pour sa part, Le Nouveau Réveil , le journal du PDCI, apporte d’autres précisions. Selon lui, outre l’affaire de la marche de l’opposition et de la BAD, « un accord aurait été trouvé sur le désarmement ». On reviendrait « aux accords de Ouaga », avec un « encasernement des Forces nouvelles et des FDS avant la présidentielle ».

Et enfin, les élections : le processus électoral devrait être « remis sur les rails », annonce Le Nouveau Réveil. « Instruction aurait été donnée au Premier ministre de se mettre en rapport avec la CEI pour proposer dans un délai n’excédant pas deux semaines un nouveau chronogramme consensuel qui prenne en compte les griefs récemment exprimés par le RHDP. »

Enfin, pour finir, conclut le quotidien d’opposition, « Gbagbo a souhaité échanger plus régulièrement avec le président Bédié sur les grands sujets qui divisent. »

En effet, comme l’a précisé le Premier ministre Guillaume Soro ce lundi, il va y avoir « d’autres rencontres ». Les Ivoiriens, eux, attendent toujours des actes…

Extrait de la Revue de presse Afrique du mardi 11 mai 2010

de Frédéric Couteau par RFI.