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L’obscurité

C’est la première chose qui frappe le Parisien qui débarque à l’aéroport international de Bamako-Sénou, puis emprunte l’avenue de l’OUA et éventuellement le Pont Fahd avant d’arriver chez lui. Et pourtant il s’agit assurément des lieux les plus éclairés de la capitale.

Il faut une semaine à cet hôte d’outre-mer (en prenant la ville des Niaré comme le centre du monde), même s’il est un Malien séjournant là-bas, pour s’habituer à nos faibles lampions.

Dans les quartiers périphériques, qui sont les quartiers défavorisés, le courant n’est pas encore arrivé (exemple : Niamakoro) et quand il est là, il prend tout son temps avant d’entrer chez les plus pauvres, à cause de son coût élevé au Mali.

L’eau courante

Selon le sociologue et ministre français de l’Egalité des chances (qui vécut dans les banlieues pauvres de Paris) l’eau courante, celle qui est desservie par un système de pompage et de canalisation, est la caractéristique principale de la vie de citadin moderne.

Les habitants des ghettos, des bidonvilles ou des villages ne sauraient bénéficier de ce confort qui implique des investissements lourds. Le service de l’eau est lié à celui de l’électricité, dans la mesure où les stations de pompage ou d’épuration fonctionnent souvent avec des moteurs électriques.

Malgré tout, l’eau distribuée à Bamako est suspectée de contenir des germes de maladie. Certains n’ont pas hésité à faire le lien de cause à effet entre la recrudescence des cas de fièvre typhoïde et le traitement déficient de l’eau dans les installations de l’unique société de distribution du pays, l’EDM-SA, qui d’ailleurs a aussi le monopole de la fourniture de courant.

Les quartiers qui n’ont pas l’eau courante recourent aux forages et, ipso facto, doivent traiter l’eau de puits ainsi recueillie avant tout usage. Parmi les épidémies meurtrières liées à la consommation de l’eau malsaine, on citera le choléra, dont la menace plane chaque année sur la population de Bamako comme sur les campagnes.

Avertis, les Européens (au nombre desquels il faut compter les Maliens de la diaspora vivant dans les pays développés) évitent de consommer même l’eau de robinet à Bamako, préférant acheter les bouteilles d’eau minérale dans les alimentations.

L’Insalubrité.

Un village n’est pas forcément malpropre. C’est même le contraire qui serait plus juste, à savoir que ce sont les villes qui se distinguent avec leur gigantesque production d’immondices dont l’évaluation a nécessité la mise en place d’importants et coûteux services de voirie, dont les pays pauvres comme le Mali n’ont presque jamais les moyens.

Certes, on essaie d’arranger la chose à coups de jumelages avec les villes françaises. Ainsi, Bamako est jumelée à Angers, dans le cadre de ce qu’on appelle la coopération décentralisée, grâce à laquelle des engins de collecte d’ordures sophistiqués font leur apparition pendant quelques semaines sur les principaux points de ramassage du marché.

Notre belle capitale n’a pas plus de deux abattoirs frigorifiques modernes pour plus d’un million
et demi d’habitants. Tout le monde est-il servi en viande provenant de lieux d’abattage hygiéniquement corrects ? Des jeunes bouchers transportant des quartiers entiers de viande sanguinolente à moto, ou dans un pousse-pousse, voilà un spectacle fréquent sur nos avenues.

Heureusement que le bitumage d’un nombre appréciable de celles-ci a fait baisser les tourbillons de poussière (à la grande joie du piéton et du motocycliste) et relégué l’ère des nids de poule dans un passé que les automobilistes espèrent révolu.

On peut continuer à déplorer les chiens errants et les moutons en divagation, ainsi que leurs cadavres gonflés jetés dans l’une des nombreuses rivières de la capitale. C’est que, il y a peu de temps, plus de la moitié des Bamakois étaient des ruraux, cultivant pendant la saison des pluies aux alentours de la ville.

Les jeunes travailleurs saisonniers, les jeunes filles venues travailler comme domestiques et de nombreux apprentis de sotrama regagnent le village pendant l’hivernage pour aider les parents aux travaux champêtres.

Les deux minarets et la BCEAO

Nous n’avons, comme édifices élevés, que les deux minarets de la Grande Mosquée, qualifiés de “futuristes” par le journaliste français et l’immeuble de la BCEAO avec sa couronne. Il faudrait y ajouter la magnifique tour parallélépipédique de l’Hôtel de l’Amitié.

Ces trois immeubles ont été construits à vingt ans d’intervalle l’un de l’autre. Un rythme plutôt lent, comparé à l’extension de la ville, pour ne pas dire un véritable retard de croissance en hauteur! …

Ibrahima KOITA

09 décembre 2005.