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Intitulé «la marche de la dignité», le voyage a démarré à Bamako le 18
octobre et prendra fin en Italie le 31 octobre 2005, après avoir traversé
la France, la Belgique et l’Espagne.

Initiatrice principale de la marche,
Aminata Dramane Traoré, présidente du FORAM et ancien ministre de la
culture du Mali a indiqué que nous nous devions de rencontrer les
survivants de Ceuta et de Melilla, de les entendre pour mieux porter leur
parole auprès de ceux et celles qui ont besoin d’en savoir d’avantage sur
l’inadmissible qu’est «la chasse aux Noirs d’Afrique aux portes de
l’Europe et à travers le désert, en ce 21e siècle».

Dans un document
intitulé «la force des vaincus : des refoulés maliens de Ceuta et de
Melilla témoignent
», Aminata Dramane Traoré a précisé que les témoignages
consignés ne sauraient rendre compte de tous les préjudices qu’ils ont
subis en même temps que leurs frères d’infortune du Sénégal, de la Côte
d’Ivoire, du Nigeria, du Ghana, du Cameroun…

«Ce qu’ils nous livrent
ici, constituent certes, un cri de détresse mais aussi et surtout un défi
à l’Europe, la riche, la puissante, qui exige l’ouverture totale des
économies africaines au Commerce mondial, dont elle est l’une des
principales gagnantes, pendant qu’elle se barricade
» a-t-elle déclaré.

Mieux, le porte-drapeau du Mouvement altermondialiste estime que rien ne
l’autorise à penser que les prochaines rencontres des dirigeants Européens
entre eux ou avec ceux d’Afrique traiteront de la nature du rouleau
compresseur qui broie les Africains, les condamne au chômage, à la guerre
et à l’exil.

Cependant, elle reste convaincue que les victimes de la
répression de Ceuta et de Melilla ont d’abord souffert de la violation de
leurs droits économiques et politiques dans leurs propres pays et pas
seulement du fait de la corruption de leurs dirigeants.

«Les causes de
leur exil qui sont internes et externes, ne sauraient être réduites à la
pauvreté et l’extrême pauvreté dont l’issue serait la bonne gouvernance.
Le fait est que l’Europe, qui ne veut pas subir l’émigration, fait subir
aux peuples d’Afrique les conséquences de ses choix économiques, exacerbe
les inégalités et les Injustices internes, criminalise et humilie les
composantes les plus vulnérables du néolibéralisme sur le continent
»
a-t-elle déclaré.

Jeunes Africains et Européens même aspirations

Selon elle, les refoulés de Ceuta et de Melilla ont les mêmes aspirations
que les jeunes européens à l’emploi et devraient avoir les mêmes droits
qu’eux si l’Europe se souciait davantage des conséquences des réformes
structurelles qu’elle exige de nos Etats.

Aminata Dramane Traoré dira, hier comme aujourd’hui, qu’il s’agisse de la
traite nègrière ou de l’esclavage des temps présents, le système
capitaliste fait le tri, prélève ceux qui répondent à ses besoins.

«L’immigration «choisie» consiste-t-elle à entre bailler les portes de
l’Europe afin qu’y entrent les médecins, les infirmiers, les
informaticiens… dont elle a besoin en laissant aux Etats africains le
soin de gérer la grogue sociale et de contenir les mécontents et les
désespérés, du fait des salaires de misère et du chômage» a-t-elle révélé.

Elle a ensuite indiqué qu’aux pays du Maghreb, qui sont confrontés à ces
mêmes réalités, l’Europe demande de surveiller et de protéger ses
frontières face aux assauts des Noirs d’Afrique qui, apparemment, la
terrorisent.

Selon Aminata Dramane Traoré, les uns sont donc invités à se
fourvoyer avec l’accord de Cotonou, les autres à travers le processus de
Barcelone, pourvu que les affaires de l’Europe, de la finance et du
Commerce prospèrent.

Elle a estimé qu’en forçant les barbelés de Ceuta et
de Melilla, les victimes africaines du capital prédateur voulaient tout
simplement se libérer de la prison dans laquelle le FMI, le G8 et l’Europe
les enferment au nom d’une ouverture qui n’est que leurre et qui fait de
leurs dirigeants de simples exécutants et des geôliers plus ou moins
consentants.

«l’issue à la déshumanisation du monde qui a atteint son
comble en Afrique, du fait du dogme néolibéral, n’est pas dans le
colmatage de brèches que les dirigeants Européens tenteront de faire
admettre à ceux d’Afrique, du haut des sommets qu’ils envisagent
» a-t-elle
constaté.

Selon elle, l’issue est dans un projet européen honnête et
responsable qui tient compte de notre histoire Commune et qui ne détruit
pas nos économies et nos efforts de démocratisation en vue de relever, en
son propre sein, le défi de la croissance et de la compétitivité.

Cependant, Aminata Dramane Traoré reste convaincue que l’intensification
des flux migratoires n’est, en somme, ni un hasard, ni la faute d’une
Afrique noire, pauvre et corrompue mais l’une des conséquences tragiques
de la violence de l’ordre économique dominant.

Assane Koné

26 octobre 2005.