Le double raid mené par Ibrahim Bahanga à Tjédjarett et à Tinzhawaten au nord du Mali, à la frontière algérienne, contre des convois civils et militaires alimentent tous les débats à Bamako. Au « grin », dans les services, au marché, les journaux, tous déplorent ces agissements de Bahanga et dénoncent le mutisme de l’Etat malien et de l’armée.
Deux embuscades et un véhicule de forains qui sautent sur une mine anti-personnel. Conséquences : 10 morts, des blessés, huit véhicules de l’armée malienne et de particuliers enlevés ou détruits avec des vivres et munition, une quarantaine de militaires pris en otage. C’est l’œuvre d’Ibrahim Bahanga et de ses hommes dans la région de Kidal entre le 27 et le 29 août derniers.
Si l’on ne sait pas encore les raisons de ces agissements de ce que les autorités appellent des « bandits », des interrogations et critiques fusent de partout. Surtout de la part du citoyen ordinaire qui s’interroge sur les raisons de ce réveil brutal des démons de la terreur dans le Nord-Mali et de la capitulation d’hommes en uniformes.
« Je suis sidéré d’apprendre qu’Ibrahim Ag Bahanga a réussi à capturer nos militaires comme des poulets. C’est incompréhensible. Je n’arrive vraiment pas à y croire. Comment est-ce possible ? », s’interroge Sékouba Sylla, entrepreneur. Pour lui, « on ne nous a pas tout dit sur cette affaire. Ce n’est vraiment pas clair ».
Il propose, tout de même, aux autorités de ne pas opter pour la voie de la négociation avec Bahanga et compagnie. Mais, de les mater avec la dernière énergie. Une idée partagée par Oumar Sangaré, professeur de français dans un lycée de la place qui soutient que, « Bahanga ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Tant qu’il peut, il continuera à harceler et humilier les forces armées du Mali qui ne semblent pas avoir une capacité de réaction. Il revient naturellement aux hommes du général Seydou Traoré, chef d’état-major des armées, de prendre les dispositions idoines pour mettre hors d’état de nuire ces bandits qui sèment la terreur au nord ».
Plus de communiqué de presse
Fatoumata Diarra, gérante d’une cabine téléphonique, dit également ne pas comprendre le manque de réactions des autorités maliennes face à ce qu’elle appelle de la provocation démesurée, « rien que des communiqués de presse. Nous n’avons pas besoin de cela, des innocents sont en train de mourir pour rien. Il faut que le gouvernement sorte de son silence mortel », dénonce-t-elle.
Quant à Sidi El Moctar, étudiant à l’EN Sup, il s’interroge sur les vraies motivations de Bahanga. « Je crois que les Accords d’Alger prennent en compte toutes les préoccupations des trois régions du Nord. Pourquoi se lancer encore dans des attaques avant même les impacts de ces accords. A mon avis, ce Bahanga ne veut que de l’argent. Je suis sûr que si le gouvernement lui donne une mallette, il va la fermer. Or, cela n’est pas une solution durable. Il faut le mettre hors d’état de nuire. C’est tout », soutient-il.
Pour Mohamed Touré, ressortissant du Nord et fonctionnaire à la retraite, Bahanga est loin d’incarner la communauté touarègue de Kidal et ses agissements ne sauraient engager les populations qui ne demandent qu’à vivre en paix dans un Mali uni et démocratique. Ce qui expliquerait, d’ailleurs, la désolidarisation de l’Alliance du 23-Mai pour le changement et la démocratie.
Du côté des partis politiques, seule une réaction est tombée du côté du Parti pour la renaissance nationale (Parena) de Tiébilé Dramé qui, dans une déclaration, exprime sa vive inquié¬tude devant l’immobilisme des autorités. Tout en dénonçant le manque de rigueur et l’amateurisme du gouvernement, le parti du bélier blanc fait des propositions pertinentes de sor¬tie de crise.
Selon le Parena, qui a rompu avec le mutisme ambiant de la classe politique, une solution démocratique et durable à la crise du Nord passe par « la mise en place auprès du président de la République d’une cellule stratégique composée de professionnels et chargée de veiller à l’unité et l’inté¬gration nationales ; la création d’un grand min¬istère chargé du Développement des régions sahéliennes et sahariennes, la concerta¬tion sans exclusive avec tous les voisins et tous les pays frères concernés par la question du Nord ».
Tous déplorent l’utilisation, pour la première fois, de mines anti-personnel au Mali, des armes de destruction massive et demandent à l’Etat de sortir de son mutisme et de dépasser le temps des communiqués.
Sidiki Y. Dembélé
05 septembre 2007.