La Grande Jamahiriya a suffisamment d’arguments pour ne pas être soupçonnée de soutenir des actions subversives dans le Septentrion de notre pays
D’abord les questions. Quel intérêt la Libye aurait-elle de déstabiliser le nord de notre pays au moment où elle a entrepris de financer de nombreux projets de développement dans cette partie du pays ?
Quel cynisme l’y pousserait quand le Frère Guide a multiplié les visites d’amitié dans notre pays ces dernières années et que lui-même considère le Mali comme sa deuxième patrie ainsi qu’il l’a dit lui-même avec sincérité lors de sa dernière visite en avril dernier à l’occasion de la fête du Maouloud ?
Que gagnerait la Libye dans une telle aventure au moment où elle réintègre le concert des nations et se rapproche des pays occidentaux notamment des États-Unis avec lesquels elle vient de rétablir de façon spectaculaire, des relations diplomatiques ?
Enfin pourquoi la Libye dont le leader, le Frère Guide, est à l’origine de grandes initiatives africaines notamment l’Union africaine et la Communauté des États sahélo-sahariens, entreprendrait-elle de soutenir des actions subversives dans un pays membre de ces regroupements dont les objectifs sont justement la paix, le développement et l’unité du continent ? Voilà des questions pertinentes que l’on devrait se poser sous peine de tomber dans le piège des amalgames hâtifs.
Mais dans les relations entre deux pays, il peut arriver que la rumeur et les soupçons prennent le pas sur les faits et la réalité. C’est justement ce travers que veulent éviter les autorités maliennes et libyennes dans la récente crise qui a secoué le nord du Mali.
UNE PREMIÈRE
Pour montrer leur bonne foi dans cette affaire, les autorités libyennes viennent d’inviter un groupe de journalistes de la presse publique et privée à séjourner à Tripoli au début de la semaine (29 et 30 mai).
« C’est la première fois que les Libyens invitent les journalistes d’un pays pour donner leur position sur un dossier dans lequel ils sont accusés. Et Dieu sait combien de fois ils ont été accusés -à tort ou à raison- d’attiser les foyers de tension« , fait remarquer un officiel malien. C’est dire s’ils tiennent à préserver les excellentes relations qui existent aujourd’hui entre les deux pays.
En face d’eux, les journalistes maliens avaient un interlocuteur de premier choix : Bachir Saleh Bachir, le puissant directeur de cabinet du Frère Guide et PDG du Portefeuille des investissements libyens en Afrique.
Homme de confiance de Mouammar Khadafi depuis des années, Bachir Saleh Bachir connaît bien notre pays pour y avoir séjourné à maintes reprises. Sa visite, en avril dernier à Bamako, a d’ailleurs permis de donner un vigoureux coup d’accélérateur aux travaux de la future Cité administrative, l’un des fleurons de la coopération entre la Grande Jamahiriya et notre pays.
« Pour nous c’est une question d’ordre interne au Mali et nous ne nous immisçons pas dans les affaires intérieures des pays« , a expliqué le responsable libyen lors de sa rencontre avec la presse malienne.
Bachir Saleh Bachir s’est étonné que l’on puisse voir derrière l’attaque des camps militaires de Kidal, la main de son pays au moment où les relations entre les deux pays sont au beau fixe et que les deux chefs d’État entretiennent d’excellentes relations personnelles.
« Nous avons été vraiment surpris par ces événements. Nous avons entrepris le financement de plusieurs projets de développement dans cette région. Et pour cela, nous avons besoin de stabilité. Autrement cela sera très difficile« , relève Bachir Saleh Bachir, en citant des actions engagées par la Libye dans le Nord : construction de points d’eau (forages et puits), de centres de santé, d’écoles, agrandissement de l’aéroport de Tombouctou, aménagement de l’ancien canal qui va du fleuve Niger à la ville de Tombouctou.
25 MILLIARDS DE FCFA :
L’ensemble des actions prévues par Tripoli dans le Nord coûteront au bas mot 50 millions de dollars (plus de 25 milliards de Fcfa), a-t-il révélé.
Quel sort la Libye réserve-t-elle à son consulat de Kidal dont l’ouverture a été interprétée par certains comme le signe avant-coureur d’une manœuvre de déstabilisation du Nord ?
Le directeur de cabinet du Guide a rappelé que cette représentation libyenne avait été justement ouverte pour œuvrer au développement de la région. « Mais si au contraire cela doit poser des problèmes, nous préférons fermer le consulat. Des démarches sont envisagées dans ce sens« , a-t-il annoncé.
Mais, proteste-t-il, il serait insensé de soutenir que l’attaque des camps de Kidal est liée à l’ouverture du consulat. « La Libye est claire dans ses relations avec le Mali « , a plaidé Bachir Saleh Bachir en invitant les uns et les autres à ne pas « pêcher en eaux troubles« .
La Libye est-elle prête à servir dans une éventuelle médiation ? « Si le gouvernement malien nous demande n’importe quelle assistance, nous sommes prêts à la fournir« , assure Saleh Bachir, en indiquant que son pays intervient déjà dans les médiations au Darfour, au Tchad et dans la région des Grands lacs.
Interrogé sur l’appui que la Libye pourrait apporter à notre pays aujourd’hui lancé dans la recherche pétrolière, le responsable libyen a indiqué qu’en tant que « puissance pétrolière« , son pays est prêt à mettre à la disposition du Mali son expertise en la matière.
Le Portefeuille des investissements libyens en Afrique dont Bachir Saleh Bachir est le PDG est un fonds de 5 milliards de dollars (plus de 2500 milliards Fcfa) mis à la disposition d’entreprises d’investissement comme LAFICO (qui finance la construction de la Cité administrative chez nous), Tamoil et la compagnie aérienne Afriquiyah. Il soutient également la participation libyenne dans les banques de développement dans le cadre de la CEN-SAD, comme la BCIM.
La Grande Jamahiriya qui est déjà présente chez nous dans les banques, l’hôtellerie, le tabac projette d’investir dans divers autres domaines comme le ciment, l’exploitation des minerais (phosphate, gypse) et l’agriculture.
Si la Libye s’intéresse particulièrement aux régions du Nord, elle intervient pour que ses actions soient profitables à tous les Maliens. « Le Guide ne voit pas les choses en terme de nord et de sud« , a précisé Bachir Saleh Bachir.
La précision pourrait paraître inutile, mais elle est aujourd’hui nécessaire pour rappeler à certains que le régionalisme et le communautarisme n’ont pas droit de cité dans notre pays.
Envoyé spécial
S. TOGOLA
L’Essor du 1er juin 2006