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Les sites de rencontres sur Internet ont détrôné les petites annonces. Des millions de célibataires s’y bousculent chaque jour, mais certains résistent encore. Ils invoquent quatre raisons pour ne pas se lancer. Nous avons trouvé les quatre arguments contraires pour tenter l’expérience.

Cachés derrière leurs pseudos, ils sont des dizaines de milliers à rejoindre chaque jour la grande foule sentimentale du Net, en quête de quelqu’un avec qui partager son lit… ou sa vie. D’autres, plus sceptiques, rechignent toujours à intégrer la communauté des célibataires branchés sur Meetic, Match ou Netclub. Pourquoi tant de réticences ? Parmi toutes les « bonnes » raisons invoquées pour ne pas se lancer, nous en avons retenu quatre, auxquelles répondent quatre raisons, non moins valables, d’y aller quand même… ou comment changer de regard sur ce mode de rencontre des temps modernes.

1- C’est risqué…

« Je nique sur Meetic » (1) : c’est avec ce blog au titre évocateur qu’un Lyonnais de 44 ans fraîchement divorcé a tenu des milliers d’internautes en haleine, et ce grâce au récit imagé de ses ébats sexuels avec des femmes rencontrées sur le site. C’était début 2005. Depuis, Lewis Wingrove, alias Nick, a fait de son blog un livre à succès Des souris et un homme (Robert Laffont, 2005) et sans doute conforté pas mal de « clients » potentiels dans l’idée que le Net se prête davantage à la gaudriole qu’à l’amour-pour-la-vie. Soupçonnés de n’attirer que des hommes mariés en quête d’aventures, des obsédés sexuels… voire des pervers, les sites de rencontres ont hérité bien malgré eux de l’image de marque peu reluisante du Minitel rose des années 1980. Ainsi, 86 % des Français estiment que « ce n’est pas sûr, on ne sait pas sur qui l’on peut tomber » (Sondage Ifop/Meetic, octobre 2004).

« Certaines femmes qui viennent consulter me disent : “Sur Internet, il n’y a que des ringards, des tordus, je n’ai pas envie d’être harcelée” », raconte la psychothérapeute Saïdeh Reza, qui entend dans son cabinet de plus en plus de « candidats » au Net.

… Non, pas plus que dans la vraie vie :
« De 2002 à 2004, j’ai passé deux ans à enquêter sur le sujet, et j’ai véritablement vu les mentalités évoluer, raconte le sociologue Pascal Lardellier, auteur du Cœur Net, célibat et amours sur le web (Belin, 2004). La méfiance vis-à-vis d’Internet a nettement perdu de sa vigueur : puisque l’on y fait tout, alors pourquoi ne pas y chercher aussi l’âme sœur ? Aujourd’hui, tout le monde connaît au moins une personne qui a tenté l’expérience. »

Chercher un amoureux derrière son écran semble moins tabou, puisque l’on y croise monsieur et madame Tout-le-Monde. La quête de l’amour virtuel devient un sujet de conversation avec les collègues ou entre copains. « J’imaginais que l’on n’y trouvait que des hommes de second choix, ou encore des hommes douteux. Eh bien c’est vrai, il y en a, mais il y a aussi des hommes très bien », assure Myriam, 43 ans. Sur ces sites, les célibataires trouvent finalement ce qu’ils viennent y chercher, comme dans la vraie vie : des aventures, et des relations plus sérieuses.
2 C’est la honte…

« J’entends souvent cette réflexion : “Je suis pas mal, je suis bien dans ma peau, qu’est-ce que j’irais faire sur Internet ? Je ne suis pas tombé si bas…” Elle démontre une résistance narcissique importante », analyse Saïdeh Reza. Le Net apparaît comme la bouée de sauvetage, le dernier recours, l’ultime solution, parfois douloureuse pour l’image de soi. Beaucoup reconnaissent son efficacité, mais surtout pour les autres…

« C’est l’idée du “Je n’ai pas besoin de ça”, la peur de passer pour un handicapé relationnel », commente Pascal Lardellier. Malgré le formidable battage médiatique orchestré autour du Net sentimental, certains ont encore des scrupules à rejoindre la confrérie douteuse de ces « désespérés de l’amour », réduits à pianoter derrière leur écran dans l’espoir de trouver enfin chaussure à leur pied. Ceux qui franchissent le pas ne peuvent s’empêcher de se justifier : « Il faut bien vivre avec son temps », « Ma meilleure amie a tellement insisté », etc. Une manière comme une autre de démystifier la recherche, d’y introduire de la légèreté en se persuadant que l’on y va « juste pour voir »…

… Non, c’est être honnête avec soi-même :
« Il y a quelque chose de l’ordre de l’interdit, du surmoi, analyse le psychanalyste Loïck Roche, auteur d’In Bed With the Web (avec Yannick Chatelain, Chiron, 2005). C’est une transgression importante de sa propre image, qu’il faut parvenir à dépasser. C’est un peu la même démarche qu’une personne qui s’autorise à aller faire une psychanalyse, il faut d’abord qu’elle accepte le fait qu’elle a besoin d’aide. »

« Les célibataires endurcis se font souvent une vie en solo remplie d’activités, ils se convainquent qu’ils n’ont pas forcément besoin de quelqu’un. S’inscrire sur un site de rencontres, c’est revenir sur cette assurance », explique la psychologue Sabrina Philippe, qui dispense des conseils personnalisés aux membres du site Parship. Aller sur Internet, c’est reconnaître un manque, arrêter de se mentir à soi-même. Cette prise de conscience ne peut être que bénéfique et n’exclut pas d’avoir par ailleurs une vie sociale digne de ce nom.

Source Psychologie.com