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une-50.jpgAssoupi dans un canapé de son salon en oubliant de refermer aussi bien la porte d’entrée que le portail principal, il était profondément endormi lorsque deux voleurs de passage dans la rue se rendirent compte de son imprudence. Ils virent immédiatement tout le profit qu’ils pourraient tirer de cette situation inespérée.

Deux visas de longue durée

Après s’être introduits à pas feutrés dans le salon, les malfaiteurs s’emparèrent des deux appareils téléphoniques que le commerçant avait laissés près de lui. Puis en fouillant la pièce, ils repérèrent une mallette contenant notamment une importante somme d’argent et deux passeports avec sur l’un un visa américain d’une durée de cinq ans et sur l’autre un visa français de trois ans. Une fois leur coup exécuté, les deux voleurs s’éloignèrent à toute vitesse. Arrivés à une certaine distance du domicile d’Almamy, ils fracturèrent les serrures de la mallette, prirent l’argent qui se trouvait à l’intérieur et jetèrent le reste qui ne leur apportait plus rien et qui aurait pu les encombrer.

Lorsqu’aux approches du petit matin Almamy se réveilla, il constata la disparition de ses téléphones. Il ne se donna pas la peine de vérifier tout de suite si rien d’autre n’avait été dérobé dans la pièce et lorsque l’heure fut assez avancée pour pouvoir le faire, il s’en alla faire une déclaration de vol au commissariat du 6e Arrondissement. Il retourna ensuite chez lui et voulut prendre ses pièces et une certaine somme d’argent pour les dépenses du jour. Ce fut à ce moment qu’il se rendit compte que sa mallette, pourtant placée hors de vue, avait été également emportée par les « visiteurs » de la veille. Pour Almamy Traoré, la perte la plus préjudiciable était beaucoup moins l’importante somme d’argent que les passeports et les deux visas. L’homme est en effet constamment en déplacement pour ses affaires. Il passait donc moins de temps au Mali qu’en France et aux États-Unis, ses destinations de prédilection et pour lesquelles il détenait des visas de longue durée.

Almamy avait donc la migraine rien qu’à l’idée des démarches qu’il lui faudrait effectuer pour obtenir à nouveau les précieux sésames. Le temps qu’il allait perdre porterait un coup sérieux à ses affaires. Le désespoir au cœur, il s’en retourna donc au commissariat et fit une nouvelle déclaration en insistant surtout sur l’importance que revêtaient pour lui ses deux passeports. L’homme d’affaires quitta ensuite le 6è pour le 3è arrondissement où il s’adressa au chef de la brigade de recherche et de renseignements, l’inspecteur principal Papa Mamby Keita dit l’Épervier du Mandé.

Le policier activa sans tarder ses réseaux d’information et il obtint que les deux opérateurs téléphoniques de la place réactivent les puces qu’Almamy avait fait désactiver. L’inspecteur attendit le soir pour appeler sur l’un des numéros. Ce fut une femme qui lui répondit. Comme elle parlait sans contrainte, le policier comprit que son interlocutrice était certainement quelqu’un qui avait reçu cet appareil sans savoir qu’il avait été volé.

Le deuil de l’argent perdu

Papa Mamby Keita engagea donc une conversation des plus amicales avec l’inconnue et lorsqu’il l’eut suffisamment mise en confiance, il lui demanda de manière négligente de qui elle avait obtenu le téléphone. La dame répondit sans se faire prier que c’était un certain « Le Gros » qui le lui avait donné. Ce surnom était une piste suffisante pour les policiers qui identifièrent rapidement l’intéressé sur un de leurs fichiers. Interpellé, l’homme lâcha à son tour le nom de son complice, Youssouf Traoré alias l’ivoirien. L’équipe de l’Épervier s’activa pour mettre la main sur ce dernier. L’affaire fut donc rapidement bouclée puisque déjà dans la nuit du 13 au 14 juillet, Youssouf et Le Gros étaient derrière les barreaux avec le téléphone qu’ils détenaient encore, le second étant se trouvant entre les mains de la dame.

Restait encore à retrouver la mallette. Devenu extrêmement coopératif, l’ivoirien détailla avec exactitude l’endroit où ils avaient ouvert l’objet pour s’emparer de l’argent et jeter le reste du contenu. Papa et ses hommes se rendirent donc le lendemain sur l’endroit indiqué en compagnie des deux voleurs. Ils jouèrent de chance. En effet, une dame qui les voyait en train de retourner le tas d’ordures les appela pour leur demander ce qu’ils faisaient en cet endroit insalubre. Le policier le lui expliqua. La brave dame lui indiqua alors qu’au matin qui avait suivi le vol, elle avait vu jetés sur le tas d’immondices et exposés à la pluie la mallette et des documents que cette dernière contenait. Se doutant que tout cela devait présenter beaucoup de valeur pour son propriétaire, elle avait amené sa trouvaille à la police du 6e arrondissement. La petite troupe se transporta au commissariat où elle trouva effectivement ce qui restait des affaires d’Almamy Traoré.

A la vue de ses deux passeports, l’homme ne put s’empêcher de laisser échapper des larmes de soulagement et de joie. Dans son euphorie, il fit une déclaration étonnante. Pour lui, l’essentiel était retrouvé et il faisait son deuil de l’argent perdu. Il ne verrait donc aucun inconvénient à ce que la police relâche les deux voleurs et à ce que ces derniers aillent se faire pendre ailleurs. Les policiers expliquèrent à l’homme d’affaires que les choses n’étaient pas aussi simples que cela. La loi, firent-ils remarquer, reste la loi. Le retrait de plainte de la partie civile ne peut empêcher un procureur de poursuivre un délinquant ou un criminel lorsque le magistrat estime que la gravité des actes posés l’exige.

Papa M. Keita fit savoir à Almamy Traoré que sa mansuétude ne changerait pas le sort des deux malfrats. Le plaignant se rendit compte que sa magnanimité était mal venue après les efforts déployés par la police pour coincer les voleurs. Il se ravisa donc et porta alors plainte contre Le Gros et l’ivoirien. Pour récupérer son argent et pour obtenir réparation du préjudice subi. Les deux hommes ont déjà été déférés au parquet de la Commune II. Un juge d’instruction leur expliquera sur place les faits pour lesquels ils ont été mis sous mandat dépôt. Et les laissera se remettre de la rapidité avec laquelle ils ont été identifiés, puis coincés.

G. A. DICKO

Essor du 24 juillet 2008