Face à l’ambivalence du discours politique, qui ne permet pas la compréhension des problèmes sociaux, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) craint une descente dans les rues des populations.
Lundi 31 mars 2008, au cours d’une conférence de presse à son siège, le secrétaire général de l’UNTM, Siaka Diakité, s’est dit abasourdi par le silence radio qui voile les questions brûlantes de la nation : l’insécurité au nord, la crise de l’école et la cherté de la vie.
Sidérée par l’attitude du gouvernement, qui a la propension à tout peindre en rose alors que des citoyens broient du noir, la centrale syndicale est sortie de sa réserve.
Le protocole d’accord, la situation de certaines grandes entreprises en voie de privatisation, l’insécurité au nord et le problème de l’école malienne ont constitué le plat de résistance de ce point de presse. Expliquant l’appréciation et les orientations de la centrale syndicale sur ces questions touchant la vie de la nation, Siaka Diakité, visiblement écœuré, a dit ses inquiétudes face à un éventuel soulèvement populaire comme ce fut récemment le cas à Ouagadougou et à Yaoundé.
A l’en croire, si le gouvernement ne prend pas le taureau par les cornes, le pays va droit au mur à cause des crises à répétition. L’UNTM, à en croire son premier responsable, est résolument engagée à prendre toutes ses dispositions syndicales pour que force reste à la loi d’autant que, selon lui, « le pilotage à vue de la nation ne peut pas être une panacée ».
Le secrétaire général de l’UNTM n’a pas porté de gangs pour régler ses comptes avec le gouvernement Modibo Sidibé. Il a avoué que « les ministres actuels n’équivalent à rien et qu’ils ont étalé au grand jour leur incompétence dans bien des domaines ». Ce faisant, Siaka Diakité vient de couper court aux rumeurs selon lesquelles il y aurait une idylle entre le gouvernement et la centrale syndicale des travailleurs.
Commentant point par point les grandes questions de la nation, M. Diakité s’est dit déçu de la violation par le gouvernement des dispositions du dialogue social. Allusion est faite au protocole d’accord signé le 18 juillet 2007 entre le gouvernement, l’UNTM et le Conseil national du patronat du Mali (CNPM).
Il ressort de son intervention qu’en dépit des avancées et progrès constatés, des zones d’ombre planent toujours sur le processus de mise en œuvre de l’accord. Il en est de même de la re-lecture des conventions collectives, des conventions fédérales, de l’augmentation du taux des allocations familiales, de la restauration du fonds minier, etc.
Selon le conférencier, l’évaluation faite de l’accord de juillet 2007 par le CNPM sous l’arbitrage de l’Etat « est biaisée ». Parlant de la baisse des prix de l’électricité, il a laissé entendre que l’Etat n’est pas manifestement animé de bonne foi pour aller dans ce sens.
« L’Etat est coupable et il ne veut pas que les prix de l’électricité baissent. Il doit à travers ses démembrements comme l’Assemblée nationale, la mairie du district, plus de 20 milliards de F CFA à l’EDM et ce sont les pauvres consommateurs qui en font les frais. Sinon tous les moyens sont aujourd’hui disponibles pour aller vers la baisse du prix de l’électricité ». Et de poursuivre : « l’Etat est le principal débiteur de la Sotelma pour plus de 13 milliards de F CFA ».
Veillée d’armes
A ces problèmes se greffe l’épineuse question de la privatisation de la CMDT et de l’Huicoma, qui risque de mettre définitivement la clé sous le paillasson. A l’UNTM, l’on pense que la débâcle dans laquelle se trouvent ces sociétés et entreprises d’Etat n’est autre que leur mort programmée et planifiée par l’Etat.
Confinés dans un cercle vicieux d’une crise lancinante, les consommateurs tardent à voir les résultats du forum sur les produits de première nécessité. L’UNTM, par la voix de son secrétaire général, s’est dite fondée à croire à un manque de suivi concerté et actif. A ce sujet, le conférencier a dénoncé « les exonérations mal réfléchies » que l’Etat accorde à un groupuscule « d’individus rapaces et avides de gain ».
Le conférencier n’a pas passé sous silence la question de l’école malienne qui peine à retrouver ses marques. Pour son S. G., la démission de ceux qui ont la charge d’administrer l’école s’étale à la face des Maliens. « Le désordre profite au privé dont les cours ne connaissent aucune perturbation pendant que le public s’étiole peu à peu. Le spectre d’une année blanche doit être pris au sérieux pour éviter la catastrophe. Il faut un dialogue vrai de tous les acteurs pour parvenir à un compromis honorable », a proposé Siaka Diakité.
Le dernier point évoqué au cours de cette conférence de presse a été l’insécurité qui sévit dans le Septentrion malien. « Aujourd’hui l’histoire donne raison à l’UNTM car nous n’avons jamais donné notre caution pour la signature des accords d’Alger », a soutenu le conférencier, qui a estimé qu’à ce jour l’UNTM ignore le contenu desdits accords. Néanmoins, la centrale syndicale a exigé des autorités l’information continue de l’opinion sur les tenants et aboutissants de la crise au nord.
Loin de dire son dernier mot, l’UNTM a promis de reprendre langue avec la presse dans un bref délai sur les dispositions syndicales qu’elle envisage de mettre en œuvre si jamais le gouvernement ne se montre pas à la hauteur. En langage syndical, « dispositions syndicales » ou « arme syndicale » veut dire grève, marche ou toute autre action allant dans le sens de la manifestation du mécontentement.
Mohamed Daou
1er avril 2008.