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En travaillant à des stratégies alternatives pour éviter l’asphyxie, ses voisins, un moment déboussolés par la partition de leur principal Etat-client, ont certes fini par confirmer au pays d’Houphouet que le cimetière est plein de gens indispensables.

Cependant, malgré ses regrettables vicissitudes, la Côte d’Ivoire reste un pays-clé de la stabilité de l’Afrique de l’Ouest. Pour le Mali, la Guinée, le Burkina Faso, le Libéria, et dans une moindre mesure le Ghana et la Sierra Leone, elle est même une question de politique intérieure à cause des retombées de ses turpitudes sur la vie quotidienne des populations de ces pays. Voire sur la géopolitique ouest-africaine tout court. Tout cela était déjà su et analysé. Pourquoi donc revenir là-dessus ?

La raison est simple : la paix en Côte d’Ivoire ne dépend ni de Marcoussis 1et 2 ni des forums incantatoires à Yamoussokoro. Elle ne dépend pas non plus des médiations plus que louables de l’ancien président Thabo Mbeki, il y a peu, et maintenant du président burkinabé Blaise Compaoré. Elle dépendra exclusivement de la sincérité et de la qualité de l’élection présidentielle. Qui était attendue en 2005 avant d’être plusieurs fois reportée, ensuite jurée-promise pour novembre 2008 et on le sait maintenant : elle ne peut pas avoir lieu avant 2009.

Juillet ou septembre 2009, selon une dépêche de l’AFP citant les propos de Compaoré relayés par la presse burkinabe. Sans que personne ne puisse vraiment en être sûr, puisque sur les 18 millions d’Ivoiriens, 12 millions doivent être recensés et la proportion en âge de voter (9 millions d’âmes) ajoutée au fichier électoral.

Les audiences foraines démarrées il y a plus d’un an devraient permettre de recenser plus de 3 millions de citoyens. Elles ont été interrompues puis reprises plus d’une fois, officiellement à cause de difficultés techniques et financières, ce qui, pour les adversaires de Gbagbo, cache mal les calculs du pouvoir d’Abidjan. Lesquels, à leur avis, trouvent confirmation dans les propos tenus le 13 septembre dernier par Simone Gbagbo, épouse du président et présidente du Groupe Parlementaire FPI qui s’est démarquée des Accords de Ouagadougou trouvés onéreux et irréalistes.

Rien de vraiment surprenant si l’on sait que le processus des marchés forains pourrait donner au camp anti FPI plus de 2 millions de nouveaux inscrits d’origine majoritairement nordiste ou étrangère. En fait, tout le problème ivoirien pourrait résider dans le fait que dirigeant de fait un processus de transition, à cause des revendications abouties de ses adversaires, Gbagbo est à la fois une figure emblématique du combat politique ivoirien, un président démocratiquement élu , un chef de parti. De plus, en triomphant de la politique erratique mais hostile de la France de Chirac, de même que de la puissance de feu (circonscrite) des Forces Nouvelles il se pare de la légitimité récente d’un général qui a mené et gagné une guerre juste.

Mais l’ennui est que la guerre n’est pas finie ni avec l’arrivée en France d’un nouveau leadership, ni avec la démobilisation qui a très peu progressé des Forces Nouvelles et des Jeunes Patriotes. Encore moins avec la symbolique plate-forme de la paix lancée à Bouaké par Soro et Blé Goudé le 30 juillet 2007. Le seul déterminant de la paix en Côte d’Ivoire, c’est encore une fois, l’élection présidentielle. Alassane Dramane Ouattara surtout et Bedié un peu moins surveilleront comme le lait sur le feu le déroulement d’un processus d’identification qui pourrait leur assurer un électorat captif.

Gbagbo n’est pas dupe et il s’intéresse moins à la charte universelle des droits de l’homme qu’à la maîtrise, pour son compte, des paramètres de l’élection dont l’influx de nouveaux électeurs qui ne seront sans doute pas avec lui comme les hispanophones et les jeunes ont été avec Obama. Là, sera amplifiée pour la première fois, la tragédie ivoirienne car, en 2009, elle ne pourra plus utiliser le fonds de commerce sur l’ivoirité là où la première puissance du monde a élu un semi-kenyan, noir de surcroît.

Les choses pourraient se passer autrement, et la victoire de Gbagbo n’est pas à écarter, car l’homme connaît les talons d’Achille de ses adversaires et les failles du système. Et ce serait tant mieux. Car une crise électorale ferait re-basculer la Côte d’Ivoire dans ses tranchées et ses fosses communes.

Et au-delà, elle pourrait frapper l’UEMOA plus qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent, car à l’effet d’ensemble des contre-performances économiques de ce pays qui représentait avant sa crise, 40% du PIB de cet espace, il faudra ajouter les retombées possibles du crash actuel du capitalisme. Sans compter le trafic d’armes légères et de guerre dans une sous-région qui sort à peine des charniers libérien et sierra leonais.

Adam Thiam

13 Novembre 2008