Sur l’initiative de l’Observatoire sahélo-saharien de géopolitique et de stratégie (OSGS) présidé par Soumeylou Boubèye Maïga, un séminaire international sur la Sécurité et le Développement au Sahel a débuté hier à Bruxelles. Soutenue par l’Union européenne, l’Organisation internationale de la Francophonie et le Foreign Office, l’initiative se veut un espace d’échanges et d’enrichissement par rapport à la problématique posée afin de trouver des réponses concertées et collectivement maîtrisées.
Dans son mot d’ouverture, le directeur Afrique occidentale et centrale, Caraïbes de la Direction générale du développement de l’Union européenne, M. Manuel Lopez Blanco, a tenu à remercier le président de l’OSGS pour « la lucidité de l’idée de ce séminaire et pour sa ténacité. Il ne nous a pas lâchés ». Pour lui, le séminaire est le point de départ pour échanger, s’enrichir mutuellement « pour mieux penser la problématique complexe qui concerne le Sahel ».
A sa suite, Soumeylou Boubèye Maïga a remercié ceux qui ont pu se rendre disponibles et l’Union européenne, l’OIF et le Foreign Office pour leur engagement constant. Pour lui, il existe un chapelet de menaces et des vulnérabilités dynamiques qui sont des défis pour les Etats.
Les travaux ont commencé par les échanges au niveau d’un premier panel sur l’anatomie des enjeux sahélo-sahariens. Dans l’introduction, il est ressorti que « le Sahel est un espace vivant, un lieu d’échanges et de rencontres ».
Et l’ambition de l’Union européenne « est de contribuer à ce que le Sahel retrouve sa vocation d’échanges et de rencontres ». Quatre lignes de fractures ont été identifiées : une fracture entre la partie arabe de l’Afrique et la partie noire ; une deuxième ligne de fracture fondée sur l’opposition entre sédentaires et nomades sur les questions d’accès à l’eau, à la terre, aux litiges pour accéder aux ressources etc. ; une fracture religieuse qui n’en est pas un mais qui se superpose et tend à sacraliser les conflits ; une ligne de fracture due à la projection de stratégies extérieures qui sont parfois susceptibles d’entretenir les causes d’instabilité.
Le Sahel, le voisin du sud de l’UE
Pour l’UE, le Sahel est l’extension de son voisinage du sud. « Le Sahel n’est pas quelque chose qui est lointain ; c’est une région où il y a des défis sécuritaires importants y compris pour les citoyens de l’UE ».
Pour les panélistes, l’examen de la situation au Sahel, apparaît comme une véritable pyramide de facteurs de conflictualités ; des facteurs enchevêtrés, imbriqué les uns dans les autres au point où on est souvent déconcerté et découragés par cette pyramide de la conflictualité.
Faire deux formulations et deux remarques. Selon eux, il existe plusieurs approches pour cerner la méthodologie pour saisir la réalité. On peut chercher à identifier les facteurs de crisogénie externe ; on peut aussi se projeter dans le temps en disant que dans cette pyramide il y a ce qui est nouveau, ce qui est passager en identifier les facteurs structurels et les facteurs conjoncturels ; on peut aussi séparer ce qui procède du règne du royaume de l’esprit, de la métaphysique, de la mythologie des aspects matériels physiques, économiques, énergétiques. Une autre approche qui prend en compte les dimensions statiques et les éléments dynamiques.
Pour les panélistes, il y a une instrumentalisation générale du vide et du chaos. C’est une instrumentalisation transversale, aucun corps n’y échappe. Il y a une instrumentalisation paradigmatique parce qu’elle renvoie à l’instrumentalisation du chaos dans tout le continent (corne de l’Afrique, les Grands Lacs, Afrique de l’Ouest avec les crises en Sierra Leone et au Liberia). Ils ont mis en garde contre ce qu’ils ont appelé la tenaille infernale. « L’instrumentalisation du chaos dans tout le Sahel apparaît comme ayant à chaque bout de la chaîne un foyer de terroristes ; à l’est avec la Somalie et à l’ouest avec AQMI. Les deux tenailles avancent et pourraient broyer l’Afrique ».
Ils ont mis en avant trois racines qui expliquent la situation actuelle : la racine politique avec l’impossibilité qu’il y a eu de créer des élites politiques dans ces zones avant l’indépendance (l’école n’y est apparue qu’à partir de 1947) et l’échec des politiques de décentralisation où on sent une sorte d’absence des souverainetés nationales ; la racine écologique avec les grandes sécheresses qui ont fini par déboucher sur des crises identitaires ; la racine internationale concrétisée par la compétition pour les ressources extractives.
« Il est nécessaire de cerner les invariants de la crise à condition que ce soit assorti d’analyses concrètes des éléments nationaux. On ne peut pas faire l’économie des analyses des rapports de forces politiques. Le problème de l’absence de souveraineté de plus en plus prégnante, une zone de non droit où on assiste à une recomposition des zones d’influence ; la gestion des frontières ».
Contraintes extérieures et intérieures
Ils ont mis l’accent sur la combinaison de contraintes extérieures et de contraires intérieures qui renvoie à la problématique du développement. La grande interrogation qu’ils ont soulevée est liée à la position des théologiens sur le discours religieux d’AQMI. « Pourquoi l’OCI est silencieuse ? Pourquoi les ulémas du Mali, du Niger, de l’Algérie, de la Mauritanie sont-ils silencieux ? Alors que c’est dans leur domaine que les autres sont en train de faire paître les troupeaux de Satan », se sont-ils demandés. Il y a également ce qu’ils ont qualifié de socio territorialisation à travers des unions matrimoniales locales (mariages au Mali dans le cadre de la sanctuarisation d’AQMI).
Ils ont mis l’accent sur le lien inévitable mais pas toujours visible entre la forme militaire de l’islamisme et la branche politico-civile. « Les forces politiques qui ne portent pas forcément les armes trouvent dans le jihadisme une justification politique à leur rôle. Ceux qui ont porté les armes exploitent cette situation au niveau de la société civile qui devient alors un terreau de recrutement ». Pour eux, le terrorisme et les criminels ne rentrent pas dans le consensus. Sinon tous les autres acteurs ont intérêt à travailler ensemble (les sociétés minières, les ethnies, les opérateurs économiques etc.). Le consensus doit se faire contre eux.
Il faut noter que quatre panels sont prévus pour ce séminaire : Anatomie des enjeux sahélo-sahariens ; les défis en matière de sécurité et de développement ; quelle gouvernance pour quelle sécurité ; quels partenariats internationaux face à des menaces transversales ?
Les participants viennent de l’Algérie, du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Tchad. Les chefs de délégations de l’UE au Mali, au Niger plus des ambassadeurs européens en Afrique sont présents. Sans oublier le représentant régional du secrétaire général de l’ONU en Afrique de l’Ouest M. Said Djinit.
Nous reviendrons plus en détail.
Correspondance particulière de Bruxelles
26 Novembre 2010.