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inf.jpgDans sa nouvelle famille, la jeune femme s’adonne au commerce de tissus. Elle teint des coupons de bazin avant de les exporter à Accra et Kumasi, les deux plus grandes villes du Ghana.

Habi C., durant ses navettes entre le Mali et le Ghana, a fait la connaissance d’un jeune homme, un séducteur de la pire espèce. Le don juan lui a promis monts et merveilles. Il l’a même persuadée de délaisser son activité commerciale. Toutes les nuits, le couple faisait des virées dans les meilleures boites de nuit et restaurants chics de la capitale.

Les bonnes volontés ont conseillé sans succès à la demoiselle de la retenue dans ses relations avec son mégalomane de copain. L’insouciante n’avait que faire des conseils de prudence de son entourage. Elle continuait à croquer la vie à pleines dents. De guerre lasse, tout le monde décida de laisser Habi vivre sa passion jusqu’au bout.

Un peu barbouillée

Habi continua sa dolce vita. Elle alternait sorties nocturnes et pique-niques sur les plages du Niger avec son copain. La famille de Faladié qui l’avait adoptée, ne la voyait que rarement. Personne n’osait lui poser des questions sur son emploi du temps. En effet, le chef de famille a mis en garde tous les membres de son foyer contre un acte qui heurterait la susceptibilité de l’étrangère, la fille d’autrui. Les « mères maliennes » de Habi en étaient réduites à la regarder faire ce que bon lui semblait. Pourtant, ces femmes averties savent que la capitale déborde de vendeurs d’illusions. Elles s’inquiétaient beaucoup pour la jeune « ghanéenne ».

Une des épouses du cher de famille surprit Habi en train de vomir dans les toilettes. La veille femme diagnostiqua un début de grossesse, mais n’osa pas s’en ouvrir à son mari. Elle informa cependant des amies. Toutes eurent désormais la fille à l’oeil. Leurs soupçons se confirmèrent rapidement. Comme on le dit chez nous, Habi avait avalé du « haricot ».

La grossesse de Habi progressa normalement. Lorsqu’elle fut convaincue qu’elle attendait un bébé, elle informa son amant. Le jeune homme lui recommanda vivement l’avortement. Il ne pouvait, pour rien au monde, regarder sa femme en face et lui présenter un enfant qu’il aurait eu dans la rue. La pauvre Habi essaya de le convaincre en lui parlant des risques liés à un avortement. Mais en vain. L’homme, cadre supérieur dans une structure administrative, était resté catégorique. Il pouvait aider Habi à se faire avorter. Mais si elle décidait de garder l’enfant, il ne se présenterait pas quand elle accoucherait. Après une chaude discussion un soir, le « monsieur » décida de rompre car la jeune fille conservait sa grossesse.

Habi garda son enfant dans l’espoir que son homme allait changer de décision. Mais son ami ne se manifesta plus pendant toute la durée de la grossesse. Il ne répondait même pas aux appels téléphoniques de Habi. Pour éviter d’être « harcelé », l’homme changea même de numéro de téléphone. Il avait totalement oublié l’élégante jeune fille avec laquelle il avait passé des nuits agréables dans les meilleurs hôtels de la capitale et même ces escapades durant des week-ends entiers au village de Tériyabougou dans le cercle de Bla.

Le 5 mai dernier, Habi a mis au monde son enfant dans sa chambre pendant que tout le monde dormait. Les douleurs lors de l’accouchement non assisté ont été atroces. Après avoir accouché, la jeune fille se résolut à commettre l’irréparable. Elle ne voulait pas assumer seule la charge d’un enfant que son père refusait de reconnaître. Elle prit alors le bébé, un garçon, et le lâcha dans la fosse septique. Le crime accompli, elle revint dans sa chambre, fit sa toilette, nettoya ses vêtements et se coucha comme si rien ne s’était passé. Le lendemain, durant toute la journée, elle garda le lit pour ne sortir qu’au petit soir. Elle prit une chaise et rejoignit des amis autour d’une partie de thé. Personne ne remarqua le changement physique de Habi. A l’exception d’une vieille femme qui s’occupait de la vaisselle dans l’arrière-cour. Mais n’étant pas très sûre de son fait, elle préféra garder le silence.

De nouveau de sortie !

Trois jours passèrent. La jeune femme avait recommencé à se saper dans de belles tenues. Elle sortait vers le crépuscule pour ne revenir qu’à l’aube. La modification du volume de son ventre n’avait pas attiré l’attention de grand monde. Mais dans la famille, une femme depuis longtemps observait de près les mouvements de la fille. Elle avait suivi l’évolution de sa grossesse.
Le 8 mai, Kadiatou se présenta au commissariat du 7è arrondissement. Elle fit part de ses soupçons à l’inspecteur Sekou Hamalla Kouyaté. Kadiatou expliqua au policier que la grossesse de la jeune fille s’était évanouie comme par enchantement. Le policier se fit accompagner de certains éléments de sa section dans la famille adoptive de la « Ghanéenne ». Ils fouillèrent les lieux de fond en comble et finirent par découvrir au fond de la fosse septique, le corps du bébé en état de putréfaction avancé. Ils firent appel au service de la protection civile. Les pompiers déplacèrent une dalle pour pouvoir sortir le petit cadavre de la fosse.

Les policiers se mirent à la recherche de la mère indigne. Ils mirent la main sur elle plusieurs heures plus tard. Habi fut conduite au commissariat où elle nia avoir tué son enfant. Les policiers firent alors appel au service d’un gynécologue. Le spécialiste confirma que la jeune femme avait accouché depuis quelques jours. Ce constat n’ébranla nullement la ligne de défense de Habi. Elle persista à nier qu’elle avait commis un infanticide. Les policiers lui firent passer une échographie qui confirma le diagnostic du gynécologue. Les 8000 Fcfa de frais de cette analyse furent payés par le président de la communauté ghanéenne à Bamako.

Confondue par la preuve scientifique, Habi accepta l’évidence. Elle reconnut avoir accouché et avoir précipité son bébé dans la fosse septique. Elle ne voulait pas de ce petit être, qui allait, toute la vie, lui rappeler l’inconscience de son ex-petit ami. Elle jura de flanquer une balle dans la tête de son ex-amant à la première occasion.
Elle ne décolère pas contre le père de son bébé. Habi assure qu’elle ne regrettait pas son crime et que le séjour en prison ne l’effrayait pas.
L’ex-petit ami de Habi a appris les menaces dont il fait l’objet. Un homme averti en valant deux …

G. A. DICKO | Essor

14 mai 2007