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Au moment où les Maliens tentent de survivre à la flambée des prix des produits de base qui ont augmenté en moyenne de 30 % entre 2004 et 2007, le Vérificateur général dans son 3e rapport annuel 2007 vient de soulever un scandale sur la gestion des facilitations des approvisionnements à travers l’octroi d’exonérations sur les importations de denrées alimentaires.

C’est la méconnaissance des dispositions de la décision N°64/MIC-SG du 25 octobre 2004 portant création d’une Commission de veille pour l’approvisionnement du pays en produits de première nécessité qui serait la cause de ce scandale qui cause aujourd’hui un préjudice financier à l’Etat de 1 617 070 451 F Cfa sur la période couverte.

Il ressort du 3e rapport du Vérificateur général que la responsabilité de l’actuel ministre des Finances qui occupait précédemment le poste de ministre en charge de l’Economie et des Finances ne fait l’objet d’aucun doute.

En effet, il est clairement mentionné dans ledit rapport que «la gestion des facilitations des approvisionnements à travers l’octroi d’exonérations sur les importations des denrées alimentaires n’est pas faite de façon efficace, efficiente et économique». Selon lui, l’attribution d’exonérations par le ministre en charge de l’Economie et des Finances sur la seule base d’appréciation faite par les opérateurs économiques méconnaît les dispositions de la décision N°64/MIC-SG du 25 octobre 2005.

Pour preuve, Sidi Sossoh Diarra relève six cas de non-respect de cette décision. Des cas qui ont causé un préjudice financier à l’Etat de plus d’un milliard cinq cent millions sur la période couverte.

Tout en reconnaissant que cette flambée des prix des produits de première nécessité a occasionné un effort financier de l’Etat de 12 890 705 579 F Cfa sur la période couverte, le Vérificateur général tiendra cependant à dire que «l’octroi sélectif d’exonérations sur les importations de produits alimentaires n’est pas efficace pour lutter contre la flambée des prix des denrées alimentaires».

Cet octroi sélectif d’exonérations, fera-t-il savoir, introduit des distorsions sur le marché des produits alimentaires et fausse le jeu de la concurrence, toutes choses, selon lui, qui ne contribuent pas à l’établissement de prix favorables aux consommateurs.

Le Vérificateur général trouve en outre que la procédure d’attribution des exonérations est incohérente dans le temps : tantôt, c’est un appel à concurrence qui est lancé à travers la formule «premier venu, premier servi», tantôt c’est une poignée d’opérateurs économiques qui est directement sélectionnée.
Il reproche aussi à l’octroi d’exonérations sur les importations de denrées de première nécessité de manquer de transparence et d’efficacité.

Comment expliquer, en effet, que seule une poignée de commerçants y ont accès et qu’aucun commerçant des régions de Gao et de Tombouctou n’en a bénéficié de 2004 à 2007 ? s’interroge-t-il.

Avant de faire remarquer que les ravitaillements des régions de Gao et de Tombouctou par les sociétés GGB (Grand Grenier du Bonheur) et GDCM (Grand distributeur de céréales du Mali) n’ont pas été en tout point conformes aux engagements de ces derniers : les conditions de livraison et les prix de vente convenus n’ayant pas été entièrement respectés.

Quant aux engagements de la société GMM (Grands Moulins du Mali) en vue d’obtenir des exonérations de TVA sur le blé et la farine pour la période allant de 2004 à 2008, le Vérificateur général dira qu’ils n’ont pas été totalement tenus. Selon lui, la production de blé n’a pas augmenté à Diré et les producteurs sont aujourd’hui divisés.

Pour la gestion des importations de sucre dans le cadre de l’approvisionnement correct du marché et de la protection de SUKALA-SA, Sidi Sossoh Diarra estime qu’elle manque de transparence et d’efficacité.

En effet, selon lui, les quotas d’importation sont accordés à une liste restreinte d’opérateurs économiques sans appel à concurrence. Or, ajoute-t-il, les engagements d’achats et d’enlèvements dans le cadre du «jumelage» avec SUKALA-SA ne sont pas respectés par certains opérateurs économiques bénéficiant des quotas d’importation. Il en a résulté des quantités non enlevées de sucre à SUKALA-SA de 9550,6 tonnes au cours de la campagne 2004-2005, et de 1490 tonnes au cours de la campagne 2006-2007, fera-t-il remarquer.

Quant aux sorties massives de céréales des zones de production en période de récoltes, combinées à des ponctions faites par des commerçants des pays voisins, le Vérificateur général pense que ces situations rendent difficile la gestion de la sécurité alimentaire au niveau national : les exportations de produits alimentaires (hormis les produits de l’élevage) en direction des pays de la CEDEAO ont représenté 2 568 310 261 F Cfa en 2004 et 8 836 507 414 F Cfa en 2006.

Pour mettre de l’ordre dans ce secteur, le Vérificateur général a tenu à faire certaines recommandations au ministre des Finances et à celui en charge de l’Industrie et du Commerce. Au ministre des Finances, Sidi Sossoh Diarra recommande vivement de favoriser le développement des structures financières dans les zones de production agricoles afin de stabiliser les revenus des paysans et limiter les sorties massives de céréales de ces zones en période de récoltes.

Il lui demande aussi de s’assurer désormais que les exonérations sont accordées à travers un mécanisme d’appel à concurrence ouvert à tous les commerçants opérant dans le secteur. De s’assurer de l’application stricte des dispositions du décret N°04-145/P-RM du 13 mai 2004 en ce qui a trait à la politique commerciale et en conformité avec les missions assignées à la Commission de veille dans laquelle le Commissariat à la Sécurité Alimentaire, en particulier, intervient.

Autres recommandations formulées touchant les exonérations. Le Vérificateur général intime au ministre des Finances de s’assurer que les appels à concurrence pour bénéficier des exonérations sur les importations de produits de première nécessité donnent suffisamment de temps aux postulants, où qu’ils soient dans le pays, pour faire acte de candidature ; de mettre en cohérence les importations de sucre à travers les «programmes spéciaux» avec les objectifs des opérations de «jumelage» de SUKALA-SA.

Quant au ministre en charge de l’Industrie et du Commerce, le Vérificateur général lui recommande de fixer désormais les quotas d’importation de sucre à travers un mécanisme d’appel à concurrence ouvert à tous les commerçants opérant dans le secteur. Il recommande vivement en outre à ce ministre de s’assurer du respect strict des engagements par les opérateurs économiques ayant bénéficié des exonérations ;

de faire en collaboration avec le Commissariat à la Sécurité Alimentaire une évaluation de l’efficacité des exonérations accordées aux commerçants de produits de première nécessité, ainsi que de leur impact réel sur le niveau des prix des produits et en guise de dernière recommandation, il suggère de rendre le processus d’attribution des exonérations transparent et crédible à travers leur planification annuelle.

Si toutes ces recommandations du Vérificateur général sont appliquées à la lettre, on s’acheminerait inéluctablement vers la fin des monopoles de fait ainsi que l’opacité qui a jusqu’à présent caractérisé la gestion des facilitations des approvisionnements à travers l’octroi d’exonérations sur les importations des denrées alimentaires.


Birama Fall

08 Aout 2008