Au Mali, le paludisme représente 38 % des motifs de consultation et demeure la première cause de mortalité infantile. « Pratiquement toute la population malienne a le parasite dans le sang« , affirme Djiba Kane Diallo, coordinatrice nationale du projet Voix du Mali. Créée dans le cadre d’un programme de l’université Johns Hopkins de Baltimore (Etats-Unis) et principalement financée par la Fondation Bill et Melinda Gates, cette association joue un rôle d’aiguillon. « Nous travaillons à lever le goulet d’étranglement sur la gestion des produits nécessaires à la lutte contre le paludisme, à améliorer la coordination des différents intervenants et à mobiliser les ressources à tous les niveaux« , précise Mme Diallo.
S’il n’est pas riche, le Mali a plusieurs atouts dans la lutte contre le paludisme : une volonté politique, un réseau de santé communautaire en développement, un centre de recherche scientifique de haut niveau travaillant avec les structures locales – le Malaria ResearchTraining Centre, dirigé par Ogobara Doumbo – et un réseau associatif dynamique, avec le Groupe pivot santé population.
Depuis un an, le Programme national de lutte contre le paludisme a acquis le rang d’une direction nationale du ministère de la santé. « Cela traduit la volonté politique de l’Etat malien », affirme son directeur, Klenon Traoré. Le plan stratégique 2007- 2011 comprend quatre volets : la prise en charge des cas de paludisme avec des médicaments efficaces (les combinaisons thérapeutiques à base de dérivés de l’artémisinine) ; la protection des femmes enceintes par un traitement préventif et la distribution gratuite de moustiquaires imprégnées d’insecticide à effet durable ; la lutte contre les moustiques vecteurs de la maladie et, enfin, la gestion des épidémies de paludisme. Klenon Traoré reconnaît toutefois qu’il « faudra des efforts supplémentaires » pour parvenir aux objectifs fixés internationalement pour 2010 : réduire de moitié le fardeau que représente le paludisme.
Une des difficultés rencontrées est l’émergence, depuis plusieurs années, de résistances au médicament habituellement utilisé, la chloroquine. « Médecins sans frontières (MSF) a introduit en 2005 les nouveaux médicaments comprenant un dérivé de l’artémisinine », raconte le chef de la mission MSF, Fernando Medina. Lorsque MSF a décidé que les soins pour les enfants de moins de 5 ans et pour les femmes enceintes seraient gratuits, le reste de la population ne payant qu’un forfait modeste, la fréquentation des consultations a grimpé en flèche.
Au vu des résultats, le gouvernement a appliqué ce principe aux structures de santé publiques. Lorsqu’une femme enceinte vient en consultation prénatale, on lui donne une moustiquaire imprégnée et un traitement préventif du paludisme au 4e mois de sa grossesse. La gratuité pour les enfants jusqu’à 5 ans et les femmes enceintes, deux cibles qui représentent 23 % de la population, concerne les tests de diagnostic rapide et les traitements préventifs et curatifs contre le paludisme. En revanche, les consultations médicales restent payantes. Si l’acquis de la nouvelle politique sanitaire est important, des barrières financières persistent donc. Le coût d’une ordonnance de traitement d’un accès de paludisme grave est de près de 11 euros, une somme importante dans un pays où plus de 70 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Pour la première fois cette année, le Mali a organisé, avec un financement américain, une campagne de pulvérisation intradomiciliaire d’insecticides (PID) afin de lutter contre le moustique vecteur du paludisme. Il a cependant fallu la prolonger (45 jours au lieu des 40 prévus) et consommer davantage d’insecticide et de matériels divers, car les données officielles sous-estimaient nettement le nombre d’habitants dans les zones concernées, rapporte Elie Bankineza, coordonnateur national du programme de PID. Le tout a été financé par le gouvernement américain.
Reste que la gestion des budgets n’est pas simple. Ainsi, le financement de 1,3 million de dollars accordé par le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour l’achat d’antipaludéens en 2008 a dû être réorienté – avec l’accord du Fonds – vers d’autres actions car les stocks existants de médicaments n’étaient pas consommés. L’argent n’a cependant pas encore été débloqué par le ministère de la santé. Un retard qui pourrait inciter le Fonds à ne pas accepter la demande de financement que le Mali doit prochainement lui soumettre.
Paul Benkimoun pour Le Monde | 26.09.08