La télé radiologie, ou radiologie à distance au Mali, découle d’abord d’un constat, selon le docteur Mahamadou Touré, médecin radiologiste à l’hôpital du Point-G, responsable de l’équipe de télé radiologie.
Au Mali, sur le plan sanitaire, il y a une répartition inégale des ressources humaines, a-t-il souligné. Selon le Dr. Touré, sur la vingtaine de médecins radiologistes que compte le pays, un seul est basé à l’intérieur, à Ségou. « C’est suite à ce constat que le projet de télé radiologie a vu le jour en 2005 entre l’hôpital du Point G d’une part et trois hôpitaux régionaux – Mopti, Sikasso et Ségou – d’autre part. Par la suite, Ségou a été remplacée par Tombouctou parce qu’elle avait reçue un radiologue », a révélé le Dr. Mahamadou Touré.
Avant de poursuivre : « Nous sommes en train d’expérimenter la phase d’essai. Elle a inclut ces trois hôpitaux. Dans la phase d’extension, si les partenaires nous soutiennent toujours, on va pouvoir inclure soit progressivement soit d’un seul coup les autres hôpitaux régionaux« .
Envoi par internet à Bamako
Le projet de télé radiologie, vise comme objectif principal, la transmission au service de radiologie du Point-G toutes les radiographies nécessitant un avis spécialisé.
Et surtout de donner dans les 24 heures qui suivent le résultat pour les dossiers ordinaires et 2 ou 3 heures pour les dossier urgents. Il consiste à faire interpréter des examens radiographiques faits dans les régions et qui sont envoyés par Internet. « Nous à Bamako, on peut interpréter ces radios faites là-bas pour pouvoir leur donner un coup de main dans la phase de leur diagnostic« , a par ailleurs souligné le responsable du projet.
Dans la pratique, les médecins de trois hôpitaux partenaires font des radios sur les patients, après ils envoient les images de ces radios par Internet à Bamako où est basé le serveur central sur lequel les spécialistes du projet travaillent. Une fois, les images reçues, ils lisent, interprètent et envoient selon le degré d’urgence du dossier le résultat au médecin traitant.
239 consultations
« Du lancement du projet à ce jour (NDLR, 24 mars 2006), 239 consultations ont été enregistrées dont 23 urgentes » a précisé avec un air de fierté, le Dr. Touré.
Dans ce lot, il est revenu sur deux expériences : les plus marquantes et les plus illustratives grâce à cette prouesse technologique. « Ce sont des cas pour lesquels l’intervention du radiologue était vraiment nécessaire. C’est-à-dire l’œil du radiologue a permis de sortir les médecins régionaux d’une sorte d’impasse« , a souligné le spécialiste de la télé radiologie au Mali : « Le premier cas, c’est celui d’un jeune écolier de 9 ans qui n’arrivait pas à s’alimenter à Mopti pendant le début de l’année scolaire 2005-2006. Après consultation, son médecin lui avait fait une radio, mais n’avait pas pu déceler le mal. Par la suite, il a envoyé la radio par Internet. Après consultation, je lui avais dit que cet enfant a quelque chose de bloqué au niveau de son œsophage. Et la seule solution, c’est de faire la fibroscopie, c’est à dire introduire un tuyau par l’œsophage jusqu’au contact du corps étranger, ensuite à l’aide d’une pince on le prend ou on le pousse. Et puisqu’il n y avait pas de fibroscopie à Mopti, on avait amené l’enfant à Bamako. Au cours de la fibroscopie, le tuyau a poussé le corps étranger en question. C’était un morceau de viande. Dans les heures qui ont suivi, le petit a pu manger normalement« .
« Le second cas, c’est l’histoire d’un monsieur qui après la rupture du jeun vers le crépuscule a eu atrocement mal en novembre 2005 à Mopti. Il se tordait de douleur. Il a été voir le médecin qui a réalisé une radiographie, qui ne lui a pas dit grand chose. Puis après, il nous envoyé la radio par le Net. Quand c’est arrivé, j’ai été informé et j’étais retourné au bureau pour voir la radio. Et après analyse, j’ai appelé le médecin pour lui dire : ‘’je crois que le monsieur a perforé son tube digestif ». Sur le champ, le médecin m’a répondu, qu’il allait faire une opération chirurgicale. C’était en début de soirée. Dans la nuit, il m’a appelé pour me dire qu’il a opéré le patient tout en me révélant que ce n’était pas l’estomac mais plutôt l’appendice qui était perforé. Ce cas était un dossier urgent, où il fallait intervenir sur le champ« .
Il a par ailleurs révélé que pour la plupart des cas, les dossiers qui leur viennent des régions ont trait à la radiologie du thorax. Car précise-t-il, les dossiers du thorax sont compliqués et très difficiles et pour les médecins et pour nous radiologues.
Télé radiologie, un facteur de développement : Pour le professeur Abdel Kader Traoré
« Au Mali, la télé radiologie va permettre de mieux prendre en charge les problèmes de santé dans les régions. Et par effet indirect, elle va améliorer la santé des populations et participer ainsi au développement« .
Avant l’avènement de la télé radiologie, les médecins régionaux étaient confrontés à un dilemme : soit le médecin était bloqué devant une image, il ferme les yeux et interprète comme il peut et le malade reste sur place ; ou on dit au malade si tu as les moyens il faut partir à Bamako faire ta radio qui sera lue par un spécialiste et on aura une idée plus claire, a renchéri le Professeur Traoré. Aujourd’hui grâce à la télé radiologie, dans l’un ou l’autre cas, on arrive à avoir une solution.
Sur la même lancée et d’une vision globale, le Dr. Romain Rolland TOHOURI, spécialiste NTIC, Logiciels libres et santé, a souligné : « aujourd’hui, de plus en plus la télé médecine ou médecine à distance prend de place. Elle offre la possibilité d’étendre les soins et les diagnostics aux régions reculés« .
Avantages à trois niveaux : La télé radiologie offre trois grands avantages. Pour le patient d’abord, elle permet l’amélioration du diagnostic clinique, la réduction des évacuations vers Bamako et celle du coût des prestations. Ensuite pour les médecins traitants, elle offre une meilleure prise en charge des patients, l’atténuation de la sensation d’isolement et surtout la possibilité de télé encadrement et télé enseignement. Enfin, pour les radiologistes, la télé radiologie offre la possibilité de connaissance de la pathologie régionale.
Pour chaque dossier, le patient paie un tarif forfaitaire de 2500 F Cfa contre 5000 à 10000 F Cfa dans les cliniques privées.
Après une année d’expérience, l’équipe de la télé radiologie, a une attente forte : « Nous souhaitons que IICD ou un autre partenaire nous aide à couvrir les autres régions« , a déclaré le responsable du projet. Car souligne-t-il le besoin en matière de radio est immense au Mali.
Fort de ce constat, le Dr. Mahamadou Touré, a soutenu : « notre combat actuel, c’est l’appropriation par l’Etat de cette expérience. C’est à dire, agir de telle sorte que le projet puisse rentrer dans la politique sanitaire de l’Etat. C’est ce qui est en cours. On a fait des propositions dans ce sens. Et la cellule de planification sanitaire travaille dans ce sens« .
Une lueur d’espoir se dessine. Au cours d’une réunion des responsables des 6 premières régions du Mali et du district de Bamako, le directeur national de la Cellule de planification de la santé (CPS), M. Salif Samaké, a de façon pragmatique, invité les différents acteurs à accorder leurs violons en insérant dans leurs Programmes Opérationnels les différents aspects liés aux TIC.
C’est ce qui fera dire au jeune Mahamoudane Niang de REIMICOM – Réseau Informatique Malien d’Information et de Communication Médicale Kénéya Blon : « l’importance des TIC en matière de santé et leur développement ne sera effectif que lorsque le maximum d’institutions auront adhéré au réseau…« .
Lancé en 2005 grâce au financement de l’IICD – Institut International pour la Communication et le Développement – sur quatre ans et pour un budget de 100 millions de F Cfa – le projet de télé radiologie est en train de révolutionner aujourd’hui la médecine dans notre pays.
Almahady Moustapha Cissé
26 avril 2006.