Qui ne connaît, n’a vu ou entendu parler du célèbre monument qui trône à Bamako aux croisement des « Six routes » : l’intersection des rues qui passent devant les locaux de la Mairie centrale du District de Bamako, le Carrefour des jeunes (ex Bamako Club), le Ministère de l’éducation Nationale, le siège de PMU-Mali, le Commissariat de police du 1er arrondissement, la Chambre de commerce et d’industrie, ainsi que la Régie des chemins de fer ?
Il est difficile pour toute personne ayant visité Bamako de répondre par l’affirmative. De même, combien de personnes sont-elles à même de raconter son histoire ?
Peu, très peu, j’en suis sûr, y compris les illustres Conseillers, Travailleurs municipaux ou communaux et Maires qui se sont succédés au niveau de la Mairie de Bamako, la ville des 3 caïmans.
Alors, lisez, pour votre propre gouverne !!!
Un comité… pour les Héros « TIRAILLEURS »
Nous sommes en 1921, la 1ère guerre mondiale a pris fin il y a près de 3 ans. L’issue de ce conflit mondial, vous la connaissez évidemment.
A Paris, les autorités viennent de créer un Comité aux Héros de l’Armée noire, qui se sont battus héroïquement aux côtés des forces françaises, présidé par cet ancien et illustre commandant supérieur du Soudan français, j’ai nommé le Général Louis ARCHINARD, ayant comme assistant le non moins illustre Général MARCHAND.
Ce comité, apprécié à sa juste valeur, ne manquait ni de prestige, ni d’importance. En effet, il a été placé sous le haut patronage du président de la République, du président du Conseil, des ministres des Affaires étrangères, de la Guerre et des Colonies, du commissaire général des Troupes noires et des maréchaux de France.
Quel honneur mérité pour ces vaillants combattants de la paix et des causes justes dans le monde!
La mission essentielle de ce comité était, tenez vous bien, de faire ériger en métropole et en Afrique, un monument à la mémoire des troupes indigènes mortes pour la France au cours de la 1ère guerre mondiale.
A cet effet, les souscriptions financières consenties par des communes de France et des Amis des Troupes noires françaises », a été d’un grand apport à la réalisation de cette noble entreprise.
Ces fameux « tirailleurs sénégalais ? »
On ne le dit pas assez, l’Afrique, au détriment de la vie de ces vaillants soldats, par le truchement de plusieurs de ses enfants, nos pères, grands-pères et ou arrières grands-pères, n’a rien ménagé pour venir à bout de cette barbarie mondiale, qui une fois encore prônait de manière inadmissible la suprématie d’un être humain sur un autre, d’un état sur un autre, voire d’un système sur un autre.
Ces soldats venus de l’Afrique de l’Ouest, qui, comme il sied de le dire en langue bambara « OU MA MI, OU MA BON » traduction « ils n’ont ni bu ni versé », venaient en Europe au départ des côtes du Sénégal, lieu symbolique pour diverses raisons.
Ces tirailleurs qui arrivaient du Sénégal étaient de provenance diverses : Soudan français-actuel Mali, ex Haute volta-actuel Burkina Faso, Niger, Guinée, Côte d’ivoire, etc., prirent le nom de : « TIRAILEURS SENEGALAIS ».
Une fois en Europe, ils étaient disséminés sur différents fronts de guerre, où, il leur était demandé entre autres de « tirez ailleurs ». C’est de là, que proviendra leur dénomination de « tirailleurs ».
Deux sites retenus pour le Monument et des mots pour le dire !!!
Sur proposition du comité aux Héros de l’Armée noire, en plus d’autres choses, l’idée de faire deux monuments commémoratifs de l’évènement a été retenue : l’une en Europe et l’autre en Afrique.
Les villes retenues étaient : Reims en métropole, et Bamako capitale du Soudan français (actuel Mali), sur les rives du Niger en Afrique.
C’est ainsi que le 29 octobre 1922, à 15 heures, place du Boulingrin à Reims, le ministre français de la Guerre, André MAGINOT, après avoir remis solennellement des Croix de guerre à 166 communes de l’arrondissement de Reims, est venu poser sur un terrain situé à l’embranchement du Boulevard Henry Vasnier et de l’avenue du Général Giraud, à la sortie de Reims en direction de Châlons, la première pierre du monument de Reims.
A cette occasion, M. Maginot rappela le « rôle glorieux » des troupes noires au cours de la 1ère guerre mondiale, Il affirma que la victoire française de 1918 n’avait pas seulement ramené les frères d’Alsace-Lorraine dans la famille française, mais qu’elle avait aussi scellé les liens qui unissaient cette famille à la France coloniale.
M. Maginot a dit en substance que : « Aujourd’hui, la France ne compte plus 40 millions de Français. Elle compte 100 millions de Français. », prenant ainsi en compte, toutes les communautés noires qui ont été de cœur avec la France en ses jours difficiles.
Le sage ne dit-il pas que l’on ne reconnaît ses amis que dans le besoin ?
Ce jour, entre autres, M Maginot a évoqué le cas du sergent Amadou N’DIAYE, du 34ème Bataillon de tirailleurs sénégalais, qui fit à lui seul 130 prisonniers et qui malgré une blessure, continua à combattre pendant deux jours avant d’être finalement évacué sur ordre de ses supérieurs.
Quel homme exemplaire, au sens elevé du devoir !
L’occasion était toute trouvée aussi pour M. DIAGNE, député noir du Sénégal et vice-président du Comité aux Héros de l’Armée noire, d’évoquer la solidité des liens qui unissaient les populations coloniales à la France : « Il faut que l’on sache que la France avec son armée coloniale et ses forces métropolitaines peut faire respecter sa victoire. »
Et la France allait le faire !
Pourquoi la ville de Reims et de Bamako ?
A son tour, le général ARCHINARD a rappelé comment les Troupes noires s’étaient bien battues sur le Front partout où elles avaient été engagées, et en particulier dans le secteur de Reims …
(à suivre…)
Cheich Abd El Kader Fofana, architecte
[hippodrome10@yahoo.fr
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Sources documentaires :
– archives nationales du Mali
– archives France d’outre-mer
– documents sur le ville de Reims
– fonds privés
02 août 2006.