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Albe et Rome étaient deux villes rivales de l’antiquité. Chacune des deux villes prétendait à la domination sur l’autre. Aussi se livraient-elles d’incessantes guerres fratricides. Pour arrêter le bain de sang, les sages convinrent que chaque cité choisisse trois guerriers qui vont s’affronter dans l’arène pour savoir à l’issue des combats qui de Albe ou de Rome sera soumise à l’autre. Ainsi les Romains sortirent les trois frères Horace et les Albains les trois frères Curiace. Aussitôt le duel commencé deux des frères Horace périrent sous les coups de leurs adversaires et le dernier, resté seul contre tous, n’avait le choix que de prendre la fuite. Cette scène fut racontée à son père qui piqua une rage folle : « qu’il mourût, ou alors qu’un beau malheur le secourût ! » En réalité le dernier fils Horace avait fui pour mieux départager ses adversaires qu’il vainquit pour offrir la victoire à Rome : « Horace », c’est l’œuvre maitresse de l’auteur dramatique français Pierre Corneille dont les critiques littéraires de l’époque disaient qu’il peint l’homme tel qu’il devrait l’être. Et ce qu’on appelle drame cornélien invite le héros à choisir entre l’amour et le devoir, l’honneur et les sentiments.

On l’a vu, sur un champ de bataille toute fuite n’est pas que lâcheté, il y a aussi des ruses de guerre. Pour semer les colonnes françaises qui le traquaient partout, l’Almamy Samory Touré a largement utilisé la tactique de la terre brûlée. Pour ne pas être ramassé le hérisson se ramasse sur lui-même. Seul l’autruche fait le con en enfouissant sa tête sous le sable pour ne pas voir la mort de plus près. Les politiciens ont d’autres recettes plus maléfiques les unes que les autres. Ca s’appelle coups bas, cabales, tartufferies, fourberies, démagogies etc. A l’orée de la campagne présidentielle et depuis un certain temps ils font tout pour démolir un seul homme. IBK, le mandemansa, le taureau du mandingue, est devenu le seul homme à abattre. Au cours de cette campagne sournoise des Bob Denard de la plume, de vrais pisse-copies ceux-là s’emploient à salir la réputation d’un homme qui n’a que trop mérité de la patrie.

Après les deux premiers ministres fuyards Younoussi Touré et Abdoulaye Sékou Sow, n’est-il pas venu redresser le bateau Mali qui prenait eau de toutes parts ? En ces années de braise, Alpha ruait dans les brancards, désespérait de l’homme malien, maudissait les élèves et étudiants tout en les vouant aux gémonies. Payé en monnaie de singe par son ex-patron pour les bons et loyaux services rendus à la nation, IBK prit sa revanche quelques années plus tard en devenant président de l’Assemblée Nationale. On ne jette pas facilement aux orties un ex-premier ministre de surcroit ex-président de l’assemblée.

C’est là justement tout le problème du sultan de Sébénicoro. C’est parce qu’il en impose par son passé glorieux, son charisme, sa notoriété au-delà des frontières qu’il effraie tant ses adversaires politiques qui se sont réunis au sein d’un large front pour lui barrer l’ascension de la colline du pouvoir. Toutes les têtes brûlées de la République s’y retrouvent du premier de la classe au dernier cancre mais aussi, selon la formule de Hamed Sow, tous les prédateurs qui ont pillé les maigres ressources de l’Etat pendant ces vingt dernières années.

Ils ont volé l’argent du peuple et ils viennent acheter la conscience du peuple dans les urnes. Sans fausse honte certains candidats rivalisent même d’ostentation en exhibant les signes extérieurs de la richesse pendant que leurs hommes de paille attendent dans l’ombre comme le pauvre Lazare les miettes qui tombent de la table du riche.

IBK, qu’on a spolié de son bien en 2002 par une énorme escroquerie politique dont les Maliens sont témoins toise du haut de sa grandeur cette scène misérable. Le mandemansa est un roseau qui plie mais ne rompt jamais. Comme disent les Bamanans il a la poitrine large et à ce titre, il encaisse tous les coups sans broncher.

C’est le dernier des Mohicans de Fenimore Cooper, c’est-à-dire une espèce d’homme politique en voie de disparition. Car il faut bien le dire chez nous ce n’est plus la compétition électorale ni même l’animosité mais bien l’inimitié entre frères. Parmi tout ce ramassis de candidats certains sont si dévorés par l’ambition et la folie des grandeurs qu’ils sont prêts à marcher sur le cadavre des autres pour monter sur la colline. Ceux-ci ont vraiment la haine au cœur et sont même prêts à en découdre.

Pas de faire play, la politique n’est pas le sport et la Fifa siège à Zurich, très loin des tropiques. Malheureusement pour les conspirateurs, Dieu donne le pouvoir à qui il veut. La Bible dit noir sur blanc qu’il y aura beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Surtout qu’à la présidentielle il n’y aura qu’un seul élu. Comment IBK, entouré de Brutus et de Judas, doit s’y prendre pour éviter qu’on lui donne le baiser de la mort ? Une chose est sûre, en tout cas s’il ne peut comme Horace, départager ses adversaires sur le terrain, il le fera certainement dans les urnes le jour du scrutin.

Mamadou Lamine Doumbia

21 Juin 2013