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Contrairement à ce que dit l’adage, les larrons ne s’entendent pas toujours en foire. La preuve en est donnée par la fable de La Fontaine « l’âne et les trois voleurs » qui dit : « l’un voulait le garder, l’autre le voulait vendre ; arrive un troisième larron qui enlève maître Aliboron ».

Englués dans des querelles de marchands de tapis, les deux comparses ont ainsi vu filer sous leur barbe le fruit de leur rapine. Avec cette sortie musclée depuis Harare de l’ancien premier ministre de la transition, Soumana Sako, contre les reformes politiques proposées par ATT, l’ex-président du CTSP, on est en droit de se demander si ces deux hommes qui furent à un moment donné complices au sommet de l’Etat, boivent encore dans la même coupe ou si leurs chiens chassent ensemble.

En tout cas, les Maliens sont médusés. Ce, d’autant plus que parmi les réactions négatives enregistrées jusque-là par rapport au projet de reformes politiques, celle de Zou est d’une rare virulence.

En effet tant il tire à boulets rouges sur le bunker présidentiel que le locataire de Koulouba a envie de prendre ses jambes à son cou. Est-ce par simple orgueil pour n’avoir pas été consulté par la commission Daba Diawara que Zou sort de ses gonds ?

L’argument serait simpliste car, dans sa diatribe, Zorro donne quelques raisons de sa révolte lorsqu’il écrit : « il apparaît clairement que loin de découler d’une quelconque volonté populaire, d’une quelconque évaluation objective et participative de la pratique institutionnelle et politique vécue de 1992 à 2008, date de la mise en branle de la reforme envisagée ou d’un besoin réel ressenti et exprimé par la classe politique, l’actuel projet de reforme est issu d’un processus unilatéral et anti-démocratique dont les vrais mobiles sont devenus aujourd’hui subitement inavouables quoique clairs comme de l’eau de roche aux yeux de tous et de chacun ».

Il est facile de lire entre les lignes. En clair, l’ex-premier ministre accuse son ex-patron au CTSP de vouloir prolonger son séjour au palais par des artifices diaboliques.

C’est à peine s’il ne le taxe pas de monarque absolu. Il n’est pas, d’ailleurs, le seul à jeter le doute et le discrédit sur l’initiative présidentielle. Ainsi, pour Bakary Konimba Traoré Bikoté, vice-président du RPM « Ce projet de reforme est une bombe à retardement ». Tandis que le professeur Abdoul Karim Traoré dit Diop estime que « ce sont les dispositions impériales du grand bond en arrière ».

Mais il faut diviser la poire en deux car ATT dispose aussi de cautions de taille. Il s’agit de l’ex-premier ministre Ibrahim Boubacar Kéïta, président du RPM qui a déclaré : « je n’ai jamais été de ceux qui ont voulu faire un procès d’intention à ATT ».

Quant à Daba Diawara, le père des reformes, il affirme de façon péremptoire que « jamais ATT n’a été tenté par un troisième mandat » Aussi, du départ ou non du président de la colline du pouvoir, le débat sera éternel jusqu’en 2012. A qui l’histoire donnera-t-elle raison ?

Peut-être qu’à ce sujet il faut interroger les oracles grecs à commencer par la Pythie de Delphes. Le hic, cependant, est que Soumana Sako qui a mené à bonne fin une transition pacifique au Mali de concert avec ATT, jette un si gros pavé dans la mare aux crocodiles. Est-ce la fin d’un gentleman agreement entre les deux hommes ?

Question pertinente d’autant plus que dans ses meetings à l’intérieur du pays, Zou a toujours tenu un discours accommodant sur les différents régimes qui ont eu à diriger le Mali de l’indépendance à nos jours. Il épargnait même le dictateur Moussa Traoré.

A Mopti – Komoguel où il a rendu visite à la famille du président et à celle de Lobbo, il a particulièrement encensé ATT le traitant au passage de « Kankélétigui ». Celui-là même qui fut le seul à ne pas le traiter de pestiféré au moment où il était en bute au régime militaire.

Alors de deux chose l’une : ou Zou qui se prépare pour la conquête de Koulouba a décidé de mettre fin au fair play politique pour mieux ameuter ses troupes, ou il pense en toute bonne foi que la potion proposée par ATT pour soulager la démocratie malienne est purement satanique.

D’ailleurs en bon stratège, n’a-t-il pas promis de donner au peuple malien une alternative plus crédible ? L’on regrettera tout simplement qu’entre les deux larrons l’idylle se transforme en vaudeville.

Mamadou Lamine DOUMBIA

12 Mai 2010.