Les essaims d’abeilles en furie doivent pourchasser Dioncounda Traoré, le président de l’Adema pour déviationnisme. En politique, le déviationnisme et le révisionnisme sont des crimes beaucoup plus graves que l’indiscipline et le travail fractionnel.
Fidèles à la pensée de Mao Zedong, les communistes chinois distinguent entre déviationnistes de droite et déviationnistes de gauche, entre révisionnistes de droite et révisionnistes de gauche. Jusqu’à une date récente, le MPR avait tenté de faire une relecture de l’histoire immédiate du Mali au nez et à la barbe des maquisards qui ont renversé le pouvoir dictatorial du général Moussa Traoré.
Mais très vite les tigres se sont rendu compte de l’énormité de propager une idéologie aussi réactionnaire que provocatrice. Puisque Moussa ne fait plus recette, se disent-ils, il faut aller chercher ailleurs la panacée à leurs problèmes existentialistes. Depuis, les tigres sont entrés dans les rangs. Désormais, ils aboient avec les démocrates.
Du révisionnisme du MPR au déviationnisme de l’Adema, il n’y a qu’un pas que Dioncounda a allègrement franchi lorsqu’il a interdit aux abeilles de présenter un candidat à l’élection présidentielle de 2007. Et pour justifier l’injustifiable, il avait soutenu, la peur au ventre, qu’au cas contraire, les dirigeants de l’Adema seront poursuivis par la police, la gendarmerie, la justice du régime.
Qui se sent morveux se mouche, en d’autres termes Dioncounda voulait dire que l’Adema a commis des malversations sur le dos du peuple malien pendant ses dix ans de gestion du pouvoir. Le soutien politique de l’Adema à la candidature d’ATT à l’élection présidentielle de 2007 a-t-il été monnayé au prix de l’impunité pour les dirigeants ruchers ?
A l’évidence, le deal passé par le général avec Alpha en 2002 tout comme celui conclu avec Dioncounda en 2007 n’a pas été un marché de dupes. Considéré comme Denys l’ancien, le tyran de Syracuse, ce roi qui invita Damoclès son serviteur à un dîner au cours duquel il fit planer au-dessus de la tête de ce dernier une épée suspendue à un crin de cheval pour lui montrer la précarité de la vie, ATT n’a pas sévi contre les malversations financières, la gabegie et le népotisme.
C’est pourquoi, aujourd’hui, Dioncounda est serein. Ce d’autant plus qu’il sait, à la faveur des recommandations de la commission Daba Diawara, que le président sortant ne briguera pas un troisième mandat. Requinqué à bloc par sa réélection à la tête du parti et sûr d’avoir sauvegardé ses arrières, il peut à présent revenir aux valeurs fondatrices de l’Adema, à savoir la conquête et l’exercice du pouvoir.
Il assure même qu’un candidat sortira des rangs de la Ruche en 2012 et non en dehors. Ce faisant, Dioncounda ne fait que revenir à la ligne toujours prônée par Boubèhe Maïga, le puriste maison et le gardien du temple de l’orthodoxie. Selon Boubèye, en effet, un grand parti comme l’Adema ne doit pas tomber dans le suivisme et le béni oui ouisme. Il doit affirmer sa propre personnalité même au risque de perdre une élection.
Tel n’était pas l’avis de Dioncounda Traoré qui croit que le monde est peint en rouge et qui a entraîné ses camarades dans l’aventure de soutien à un candidat indépendant. Face aux strapontins offerts par le général, la perte pour l’Adema est énorme.
Alors qu’il pouvait l’emporter, ce parti a été obligé de faire le deuil du pouvoir pendant dix ans. Après tant de gâchis, aujourd’hui, ses dirigeants sont pressés que les prochaines échéances arrivent, que celui qu’ils ont soutenu s’en aille, à défaut de le pousser dans le dos. Parce qu’ils sentent qu’ils ont le vent en poupe et qu’ils peuvent faire d’une pierre plusieurs coups. Mais rien ne sert de courir, il faut partir à point. Et c’est alors que l’histoire donne raison à Soumeylou Boubèye Maïga.
Sans doute, comme on dit, a-t-il eu tort d’avoir eu raison trop tôt. Il vient d’être «réhabilité» et non «amnistié» (un abus de langage de Dioncounda) par le comité exécutif. Tout un parcours de combattant.
Mamadou Lamine DOUMBIA
13 Novembre 2008