Trouver à manger à sa faim ! Peu importe la qualité ! C’était le défi auquel la majorité des Maliens a été confrontée depuis le mois de mai 2005. Il est évident que les Maliens se souviendront de cette crise céréalière comme l’une des tristes périodes de leur histoire contemporaine.
Le traumatisme causé par la crise céréalière n’a laissé personne indifférent. A commencer par les consommateurs qui ont vu les prix grimper quotidiennement pour atteindre des sommets jamais imaginables.
Certaines localités ou certaines couches sociales ont vécu un véritable drame tant trouver de quoi manger était devenu une gageure. Les céréales, le riz notamment, étaient non seulement chers, mais en plus de très mauvaise qualité.
Après une période de tergiversation démagogique et de navigation à vue, les autorités ont réagi dans la mesure des possibilités et avec le soutien de ses partenaires et des initiatives privées.
Même si certains ministres ont pêché par leur carence voilée en suffisance, le Premier Ministre a personnellement fait montre d’une grande détermination et d’une rigueur dans la gestion de l’invasion acridienne et de la mauvaise répartition des pluies. Cela a permis de limiter les conséquences dramatiques de la crise alimentaire dans laquelle le pays s’est retrouvé plongé.
La distribution alimentaire a touché près de 1,2 millions de personnes, identifiées par le Système d’alerte précoce (SAP), sur toute l’étendue du territoire national. Sans compter les 15 banques de céréales installées dans la périphérie de la capitale.
Pour mieux circonscrire le drame des familles, le gouvernement a autorisé l’importation de 60 000 tonnes de riz exonérées de la TVA. Même si cette mesure n’a pas profité qu’aux importateurs et à leurs complices dans l’appareil d’Etat qu’aux ménages, elle découlait néanmoins de la volonté des autorités de ne ménager aucun sacrifice pour soulager les Maliens.
Plus de 18 milliards pour la distribution gratuite de céréales et près de 4 milliards au titre des exonérations. Sans compter les mesures prises pour assurer un approvisionnement correct des zones déficitaires en aliment bétail.
«Nourrissez un homme affamé aujourd’hui, demain il aura faim», dit l’adage. Ni l’exonération des importations ni la distribution gratuite des céréales ne constituent des solutions pérennes à la famine qui menace régulièrement les Maliens.
Tant que notre agriculture restera tributaire des aléas climatiques, le Mali ne pourra plus assurer la sécurité alimentaire qui demeure une préoccupation des autorités publiques.
Il faut donc veiller à ce que la reforme agraire, dont les jalons sont en train d’être posés par la LOA (Loi d’orientation agricole), puisse aboutir à l’affranchissement de nos moyens de production de la pluviométrie.
Les possibilités d’aménagement hydro agricoles ne manquent pas dans le pays. Le gouvernement en est conscient et en fait son cheval de bataille dans sa croisade contre l’insécurité alimentaire.
De l’Office du Niger à Sélingué en passant par Maninkoura, San…, les aménagements agricoles continuent à redonner espoir aux populations. Et la prochaine réalisation du barrage de Taoussa va être un pas décisif dans l’accroissement de la production agricole du pays.
Tout comme la construction d’une usine d’assemblage de tracteurs et d’une unité de fabrication d’engrais chimique. Mais, il faut veiller à ce que ces investissements bénéficient réellement à ceux qui le méritent et non aux «paysans du dimanche» qui ont d’autres ambitions que d’aider le Mali à s’affranchir de l’insécurité alimentaire.
Parce que le Mali ne pourra jamais relever le défi de la satisfaction de la forte demande sociale et gagner le pari de son développement socioéconomique tant que tous les efforts du pays resteront concentrés uniquement sur l’alimentation des populations.
Le coton toujours prisonnier des subventions agricoles
Dans la gestion gouvernementale, on retient aussi la fermeté du gouvernement dans son refus d’une privatisation précipitée de la CMDT. Certes, celle-ci s’avère incontournable, mais le Mali a réussi à repousser l’échéance à 2008 afin de mieux préparer le secteur, les producteurs notamment.
Et au lieu de la vente des actifs de la compagnie, il sera procédé à la création de sociétés filiales de la CMDT dans des zones qui restent à déterminer. Les actions de ces sociétés feront l’objet de cession et les producteurs pourront entrer dans le capital social. Et à la fin du processus, à l’horizon 2008, la CMDT va céder la place à ses filiales.
Le mérite du Premier ministre c’est d’avoir réussi à susciter le débat autour de la filière. Un dialogue qui a permis de faire un diagnostic sans complaisance des problèmes du secteur et de prendre des mesures consensuelles comme la baisse du prix d’achat aux producteurs.
On comprend alors aisément que, malgré la baisse de prix d’achat (160 F CFA contre 210 F la campagne précédente), le Mali a maintenu son rythme de production tout en privilégiant la qualité.
En dehors de la famine, le pays a aussi été confronté à d’autres moments de douleur, comme les événements survenus après la défaite des Aigles du Mali contre les Eperviers du Togo (1-2) dans les éliminatoires combinées de la Can et de la Coupe du Monde 2006.
Cette défaite a servi de prétexte à des hooligans, paradoxalement bien organisés, pour replonger Bamako dans des scènes de violences qu’on avait presque oubliées. On ne saurait aussi oublier la démolition du séminaire de Samaya suite à une ténébreuse décision judiciaire.
Des éclaircis dans la grisaille
Dans ce bilan de 2005, on saurait aussi oublier la triste grève observée par l’UNTM, l’augmentation des tarifs de transport urbain et inter urbain à cause de la hausse vertigineuse du prix des hydrocarbures.
Comment oublier aussi la tumultueuse rentrée parlementaire d’octobre 2005 ou l’élimination des Aigles de la CAN et du Mondial respectivement prévus en Egypte (janvier-février 2006) et en Allemagne (juin-juillet 2006).
L’année 2005 a connu ses moments de bonheur comme le Sommet Afrique-France qui s’est tenu en début décembre, comme la rencontre UE-ACP. Des événements qui ont mis en exergue toute la place de notre pays dans le concert des nations.
La gratuité de la césarienne est aussi une mesure qui a été bien accueillie au sein de la population. Même si les effets contraires se manifestent déjà.
On ne saurait aussi oublier la première victoire d’une équipe malienne dans une compétition continentale. Il s’agit des filles du Djoliba qui ont remporté la coupe d’Afrique des Clubs champions à Bamako en octobre 2005.
La victoire des filles du Mandé au Tournoi international de Ouagadougou (Burkina Faso) de foot féminin est aussi l’une des rares satisfactions sportives de 2005.
Sur le plan culturel, Bamako est restée la capitale de la photographie africaine alors que la Biennale artistique et culturelle à Ségou s’est déplacée vers la cité des Balanzas.
Des instants de bonheur qui ont permis au Mali de rassembler le monde pour partager ses richesses culturelles et historiques ou à la jeunesse malienne de se retrouver avec elle-même pour baliser les pistes d’un avenir que tout le monde souhaite radieux.
Que nous réserve 2006 ?
Bien difficile de répondre à cette question d’autant plus qu’on ne peut pas faire de prévision dans un pays où tout tient presque à rien. Ce qui est sûr, c’est que la campagne céréalière s’annonce meilleure à la précédente.
Mais, il convient de surveiller étroitement le marché céréalier et de constituer un stock de sécurité conséquent à travers l’OPAM et les nombreuses banques de céréales.
Cela est surtout nécessaire que des commerçants véreux n’hésiteront pas à acheter à bas prix des quantités importantes afin de provoquer la pénurie de denrées alimentaires sur le marché et procéder à la spéculation qui a toujours fait leur fortune.
Sur le plan économique, 2006 risque d’être assez éprouvante. «Quand on voit les incertitudes sur le coton, les faibles recettes au niveau de la douane avec une tendance à l’aggravation et la fiscalité qui ne parvient pas à donner le meilleur d’elle-même, il y a de quoi être modérément optimiste», alerte le doyen TBM actuellement en pèlerinage à la Mecque (c’est sûr qu’il ne va oublier d’implorer Allah d’être plus clément avec les Maliens).
Comment ne pas partager son pessimisme si l’on sait que les prix du pétrole ne sont pas prêts à revenir à un niveau raisonnable et que la nomination d’un Premier ministre de consensus n’a pas encore réussi à ramener, en dehors de la zone de turbulence dans laquelle elle se trouve depuis le 19 septembre 2001.
Les incertitudes ne seront pas minimes sur le terrain politique car 2006 est une année préélectorale. Les prétendants pressentis seront maintenant de révéler leur vraie intention.
A commencer par le président ATT provisoirement à l’abri en attendant que des partis comme l’Adema ne finissent de s’entre déchirer sur la question de le soutenir ou non. Comme le présagent nos observateurs politiques, «ATT sera de plus en plus poussé à déclarer plus ou moins ouvertement ses intentions pour 2007».
Tout comme l’Adema ne pourra pas faire l’économie d’une inévitable clarification. Quant au RPM et à l’URD, ils ne pourront vivre dans l’ombre leur idylle naissante. Ils vont afficher cet amour circonstanciel au grand jour ou se tourner définitivement le dos.
Parce que, comme l’a dit le doyen, «l’URD ne pourra pas se contenter à compter les coups et à vouloir tirer les marrons du feu» alors que le RPM et son charismatique président seront également contraints d’étaler leurs ambitions.
L’heure de s’assumer !
Une période cruciale qui doit contraindre le président de la République à s’assumer s’il veut tenir ses engagements à l’égard du Mali et surtout se faire réélire sans contraintes majeures en 2007.
Jusque-là, le Général a joué avec le temps qui, malheureusement, n’est plus un allié. Election où pas, ces changements s’imposent aujourd’hui dans presque tous les domaines de l’activité socioéconomique parce que les stratégies et les hommes chargés de les piloter ont montré leur limite dans bien de cas.
Le président n’a pas le choix s’il veut réellement se donner une chance de sortir le pays de la morosité à laquelle il est confronté depuis quelques années. Le sursaut économique auquel il rêve n’est pas possible sans des changements en profondeur.
Et il doit commencer par balayer dans son propre entourage dont certains ne brillent pas par leur loyauté et continuent de mal conseiller le Chef de l’Etat en lui donnant des données fausses.
Même, si le Premier ministre a prouvé ces derniers mois qu’il est l’homme de la situation, l’action gouvernementale a inéluctablement besoin de correctifs qui devaient permettre de relancer l’appareil d’Etat.
Avec l’effritement du consensus politique et les maigres résultats enregistrés dans certains départements, on voit mal comment ATT peut faire l’économie d’un remaniement annoncé depuis des mois.
Mais, comme un véloce attaquant surgissant à l’improviste pour surprendre ses adversaires, ATT s’est souvent illustré dans des domaines où on l’attendait moins. Avec lui, il ne faut parier de rien si ce n’est sur sa volonté inébranlable de marquer l’histoire du Mali de la plus belle des manières.
Surtout que, comme un chroniqueur l’écrivait la semaine dernière dans l’Indépendant, «rien n’est moins sûr dans la mesure où même lorsqu’il perçoit la nécessité des changements, et cela j’en suis convaincu, il reste clair que la plupart des hommes à changer se sont positionnés comme étant indispensables pour une éventuelle réélection en 2007».
A moins d’être un devin, il donc difficile de se prononcer sur l’avenir immédiat du Mali !
Moussa Bolly
03 janvier 2006.