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Avant même que le sursis de trois mois observé par la mairie du district dans le retrait de lots arrive à son terme, de fausses autorisations de construire sont délivrées aux nouveaux acquéreurs. Pis, l’opération de retrait continue son petit bonhomme de chemin au profit des personnes plus nanties .

Dans l’indifférence totale des plus hautes autorités du pays, le maire du district, qui n’a posé aucun acte de développement depuis son arrivée, est train de créer les conditions d’une tension sociale à Bamako. Obnubilé par le gain à tout prix et en peu de temps, le tout puissant maire, qui se prévaut de ses relations avec les pouvoirs publics, n’a trouvé mieux que de retirer à leurs bénéficiaires des lots pour les revendre ou les offrir à de hauts cadres de l’administration en guise d’achat de conscience.

Le maire du district, dont le territoire est dépourvu de réserve foncière, s’est appuyé sur une disposition foncière, qui prévoit la mise en valeur de la parcelle dans un délai de trois ans, pour donner une force juridique à la délinquance foncière à laquelle il s’adonne.

Au mois de novembre 2008, le maire Adama Sangaré a engagé la procédure de retrait de parcelles mais en violation de toute procédure légale. Sa démarche n’a pas respecté les dispositions du décret 02-112/PRM du 6 mars 2002. Ce décret détermine les formes et les conditions d’attributions des terrains du domaine privé et immobilier des collectivités territoriales.

Les propriétaires de terrains spoliés regroupés au sein de l’Association des sans voix et composés de veuves, d’orphelins, de retraités, de Maliens de l’extérieur, personnes démunies ont battu le pavé et alerté le chef de l’Etat pour se faire entendre. Une contestation qui s’est soldée par la mesure administrative prise par le gouverneur du district. Ce dernier, par lettre confidentielle n°040/GDB-CAB-C du 21 novembre 2008, a demandé au maire du district et des six communes, de surseoir à l’opération de retrait de lots à usage d’habitation qui viole le décret 02-112/PRM du 6 mars 2002.

Le gouverneur leur demandait non seulement « de mettre fin à cette pratique, mais d’annuler éventuellement toutes les décisions se rapportant à de nouvelles attributions de parcelles retirées afin d’éviter tout contentieux pouvant être préjudiciable à la collectivité et à vous-mêmes ».

Dans l’esprit du décret ci-dessus cité, « les retraits doivent se faire suivant une procédure qui suppose une mise en demeure préalable et une notification de retrait à l’ancien propriétaire. (…) Il suppose une investigation approfondie sur le degré de mise en valeur de la parcelle à retirer et de son statut du moment (existence éventuelle de titre foncier) ».

Ce rappel à l’ordre de l’autorité administrative du district est tombé dans des oreilles sourdes. Le maire expliquant lors d’un débat télévisé à l’ORTM que le gouverneur du district n’est pas son supérieur hiérarchique (qui se trouve être le ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales), a observé un semblant de sursis de trois mois qui arrive à terme le 28 février 2009. Entre-temps, d’autres lots continuaient d’être retirés et réattribués à prix d’or à des commerçants et expatriés maliens.

Excès de pouvoir

Des dispositions scélérates sont prises au niveau des services de l’urbanisme de la mairie du district pour donner des autorisations de construire aux nouveaux acquéreurs alors qu’en temps normal, la délivrance d’une autorisation de construire peut prendre six mois ou plus. Ce qui excède le délai de trois mois fixé par la mairie du district comme sursis.

Dans sa livraison de la semaine dernière, notre confrère, « La Nouvelle République » relatant les contentieux fonciers en cours dans le district les qualifiait de « bombe foncière ». Des contentieux qui opposent particuliers entre eux et des collectivités territoriales à des populations. Le chef de l’Etat en personne a été interpellé sur le cas des retraits de lots par la mairie du district par une autorité religieuse à la cérémonie de présentation de vœux de nouvel an. Le président du Haut conseil islamique puisque c’est de lui qu’il s’agit affirmait avoir été sollicité par des veuves, orphelins et personnes âgées sur leurs cas.

Pour toute réponse, ATT s’est juste adressé au maire du district qu’il a nommé son jeune frère Adama, expliquant qu’il avait une parcelle dans un quartier de Bamako quand il était jeune capitaine et qu’il a pris des années sans la mettre en valeur. « J’allais perdre mon terrain si c’était au temps de mon jeune frère », a-t-il ajouté dans une plaisanterie de mauvais goût.

ATT aurait dû prendre ses responsabilités en sa qualité de premier magistrat de la République, en demandant au maire d’arrêter son action de déstabilisation sociale. Son manque de réactivité donne raison aux collaborateurs du mairie du district, qui ont signé dans nos colonnes une lettre ouverte adressée au ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, stigmatisant la connexion entre le maire du district et certains cadres des sphères de l’administration publique et du proche entourage du chef de l’Etat.

D’ailleurs dans cette opération de retrait, le maire aurait acheté le silence de personnes qui peuvent lui créer des ennuis. Sinon son action aurait mérité au moins une enquête ou interpellation parlementaire du ministre de l’Administration territoriale dont il relève.

Un Malien de l’extérieur propriétaire de deux lots à usage d’habitation à l’Hippodrome a été dépossédé au profit du député Mamadou Awa Diaby Gassama qui a mis les terrains au nom de ses deux conjointes. En plus, le député « étrangleur » a eu gain de cause à la justice. C’est peut-être ça aussi l’une des faces cachées du Programme de développement économique et social (PDES) d’ATT, qui est capable du meilleur comme du pire.


Abdrahamane Dicko

11 Février 2009