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Le gouvernement a eu à initier diverses actions visant le développement du secteur de la micro finance. Dans le souci de poursuivre cet accompagnement, le ministère de la promotion des investissements, des petites et moyennes entreprises a décidé de rencontrer les responsables et les bénéficiaires des services de ces institutions financières décentralisées.

La rencontre, qui a eu lieu le samedi 11 juin, dans la salle des conférences du centre Ab Gabriel Cissé, a mobilisé autour du ministre Ousmane Thiam une centaine de dirigeants et les bénéficiaires des différentes institutions de micro finance venus de tous les coins du pays. C’était en présence des autorités régionales avec à leur tête le Gouverneur Abou Sow et le maire Sanoussi Sonkoma, qui s’est réjoui du choix porté sur sa commune pour abriter cette importante rencontre.

La rencontre de la cité des balanzans, qui marquera désormais un tournant important dans les relations entre le département de la promotion des investissements et le secteur de la micro finance, visait un triple objectif : initier un cadre de concertation et de dialogue entre les deux parties ; débattre et identifier les principales préoccupations et défis qui se posent au développement harmonieux et durable des Systèmes Financiers Décentralisés (SFD), et enfin identifier des mesures concrètes à mettre en œuvre afin d’assurer une véritable promotion d’un secteur de la micro finance, professionnel et viable.

Dans son discours, après avoir situé l’évènement dans son contexte, le ministre de la promotion des investissements, des petites et moyennes entreprises justifiera le choix de Ségou pour abriter ladite rencontre par le fait que cette région abrite la plus grande concentration des institutions de micro finance et surtout des bénéficiaires des services qu’elles offrent.

Il s’agissait donc de mettre l’accent sur le grand intérêt que le gouvernement attache à ce secteur et réaffirmer l’importance du rôle que ce secteur joue et doit continuer de jouer dans le financement de notre économie, singulièrement celui des petites et moyennes entreprises.

« Il ne fait aucun doute qu’en contribuant ainsi au financement des petites et moyennes entreprises, génératrices de revenus et d’emplois, la micro finance s’affirme comme un instrument très important dans notre politique de lutte contre la pauvreté » dira le ministre.
Il ajoutera par la suite que  » l’engouement qu’accordent les populations à ce secteur doit conforter le gouvernement dans sa conviction que cette forme d’intermédiation financière peut et doit contribuer de manière efficiente à la réalisation de l’objectif de croissance économique et de réduction de la pauvreté que s’est fixé comme objectif le gouvernement « .

C’est pourquoi, Ousmane Thiam donna l’assurance que le gouvernement est décidé à tout mettre en œuvre pour soutenir le secteur avec comme objectifs de le viabiliser et de le pérenniser.

Les Systèmes Financiers Décentralisés (SDF) ont fait leur apparition au Mali à partir de 1986. Leurs typologies regroupent aujourd’hui d’une part les structures mutualistes d’épargne et de crédits et d’autre part, les structures ou organisations non mutualistes.

A ce jour, avec leurs 800 points de service disséminé à travers le pays contre environ 151 guichets de banques au Mali, les institutions de micro finance sont devenues des acteurs majeurs incontournables dans l’environnement économique et financier.

Selon les estimations de l’évaluation du plan d’action national 1999-2002, un Malien adulte sur six est sociétaire, membre ou utilisateur des services des SFD, soit directement ou via l’adhésion à un groupe d’emprunteurs.

Ces institutions fédèrent autour d’elles près d’un million de personnes et l’encours des crédits, qu’elles accordent s’élevait au 31 décembre 2003, à près de 35 milliards de Fcfa, soit environ 5% des encours de crédits de l’ensemble du système financier malien.

Quant à l’épargne collectée à la même date, elle se chiffrait à environ 25 milliards de Fcfa soit environ 4% de l’épargne nationale. Le secteur emploie plus de 2 500 personnes.

Un secteur confronté à une kyrielle de difficultés
Ces résultats, selon Mme Traoré Dikourou Diarra, présidente de la commission d’organisation de la rencontre et porte-parole des réseaux SDF, prouvent à suffisance le dynamisme d’un secteur qui a bénéficié du soutien constant de l’Etat, à travers la création d’un cadre juridique, administratif et institutionnel propice.

Cependant, à côté de ces résultats flatteurs, le secteur aux dires de Mme Traoré connaît des difficultés. Parmi celles-ci, elle citera notamment la faible capacité des SFD en ressources financières à long terme, le manque d’harmonisation des actions des différents intervenants au profit du secteur, les contraintes administratives et judicaires, la non implication des élus des SFD dans le fonctionnement et les prises de décisions stratégiques de l’Association professionnelle des institutions de micro finance (Apim), la concurrence sauvage entre les institutions de micro finance, la problématique de la sécurisation des fonds et les difficultés liées à l’extension des activités à des zones de pauvres et faible potentialités économique.

Comme difficultés administratives et judiciaires par exemple, les SDF sont confrontées à la lenteur et à la lourdeur administrative, lenteur et insuffisance des procédures judiciaires e matière de recouvrement, et difficultés d’exécution des décisions de justice.

La problématique de sécurisation des fonds se pose avec acuité. Car au-delà des ratios prudentiels édictés par la BCEAO et qui permettent une certaine sécurisation des dépôts, les instituions de micro finance et leurs clients connaissent des problèmes de sécurisation.

En cas de faillite d’une structure de micro finance par exemple, se pose le problème de remboursement des clients alors que de l’autre coté, les SDF sont victimes des problèmes de recouvrement, voire d’impayés de crédit.
Un cadre de concertation annuelle

Au terme de cette première rencontre, marquée par des débats francs et sincères autour des préoccupations et défis soulevés, les participants ont formulé une série de recommandations au nombre desquelles, on relèvera l’aménagement du cadre juridique et réglementaire, l’assainissement de l’environnement concurrentiel des SFD, l’harmonisation des interventions au profit du secteur, l’implication des dirigeants élus dans le fonctionnement de l’Apim, la mise en place des dispositifs juridiques et financiers de protection des fonds, la poursuite de l’extension des services de la micro finance, le renforcement de l’appui institutionnel, la mise à disposition des ressources longues à travers des lignes de crédits et la bonification des taux d’intérêts.

Dans la mise en œuvre de celles-ci, les participants ont souhaité l’institutionnalisation d’un cadre de concertation annuelle entre d’une part les autorités de tutelle et les SDF, d’autre part, entre les institutions décentralisées elles-mêmes, la célébration en 2006 du 20ème anniversaire de la naissance de la micro finance dans notre pays et l’organisation d’une rencontre entre le Chef de l’Etat et les acteurs du secteur de la micro finance.

Le ministre Ousmane Thiam, qui s’est déclaré particulièrement fier de la rencontre, a donné l’assurance  » qu’elle ne sera pas la dernière et que les conclusions seront transmises à qui de droit « .

En plus du PDG de la BMS, les travaux se sont déroulés en présence également du coordinateur de Programme de développement du secteur financier, du coordinateur du Fonds de développement économique et du secrétaire général du ministère de l’artisanat et du tourisme.

Youssouf CAMARA

Les systèmes financiers décentralisés

Un vecteur de stabilité et d’équilibre social

Avec une stratégie de collecte de la petite épargne et d’octroi des crédits aux couches les plus pauvres, les institutions de micro finance ont su répondre aux aspirations des populations comme le démontrent les témoignages et expériences évoquées au cours de la rencontre avec le ministre Ousmane Thiam à Ségou.

L’un des temps forts de la rencontre entre le ministre de la promotion des investissements, des petites et moyennes entreprises avec les acteurs des systèmes financiers décentralisés a été la présentation des exposés sur les préoccupations et les défis par type de SFD et les témoignages de certains bénéficiaires des services.

Il ressort des ces exercices que les SFD peuvent jouer un rôle important dans la lutte contre la pauvreté, surtout en milieu rural où les Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédit Associative (CVECA) se sont révélées comme un exemple de réussite.

Chaque village, sa caisse d’épargne et de crédit Première structure de micro finance créée au Mali en 1986 dans le pays dogon, on dénombre actuellement 6 réseaux de Cveca : pays dogon, Kita et Bafoulabé, Niono, San et Djenné, Kayes, Macina et Ténékou. Les Cveca qui collectent la petite épargne ( 500 F, 1000 F…) ont a particularité de s’implanter dans les zones essentiellement rurales avec le principe «chaque village, sa caisse».

Au 31 décembre 2004, les six réseaux totalisaient 280 caisses pour 126 000 membres dont 38% des femmes. L’encours de dépôts à la même date se chiffre à 1,5 milliard de Fcfa tandis que l’encours des crédits s’élève à 3,3 milliards de Fcfa. Ces caisses sont surtout exposées aux conséquences néfastes des aléas climatiques.

Leurs responsables souhaitent la création d’un fonds national de calamités naturelles pour appuyer les caisses en de pareille circonstance.

Victime de la concurrence déloyale des projets et programmes

La composante mutualiste de la micro finance a fait son apparition en octobre 1987 dans la zone Mali – Sud avec Kafo Jiginew financé grâce à l’appui d’un consortium européen.

Depuis, d’autres réseaux mutualistes d’épargne et de crédit ont vu le jour avec l’appui des partenaires techniques et financiers. Le système mutualiste compte aujourd’hui 430 caisses de bases agréées, regroupées en 17 unions ou fédérations.

Il représente 70% des sociétaires de la micro finance, 88% des dépôts, soit 21 milliards sur les 23 milliards du secteur, 84% des crédits soit 26 milliards sur les 31 milliards octroyés et 56% de emplois créés par le secteur.

A l’image des autres composantes du secteur, la mutualiste souffre des difficultés comme la gouvernance à travers la question récurrente des désaffiliations que connaissent certains réseaux mutualistes, les conflits de compétence et de responsabilité dans la gestion des crédits et la concurrence déloyale des projets et programmes à travers leur volet crédit qui amène des distorsions dans le marché de la micro finance par la distribution du crédit subventionné.

Et l’une des solutions proposées par les acteurs est la mise en application du nouveau plan d’action de la micro finance.

Accéder aux crédits sans épargne préalable
Quant à la composante crédit solidaire, inspirée de la Grameen Bank du Bengladsh, elle a commencé au Mali à partir de 1988. On en compte huit dans le secteur (Canef, Misélini, Nyèta Musow, Piyeli Nayrail Nef, Soro Yiriwaso, Rmcr e Sinsiso). Elle intervient dans toutes les régions avec 68 000 sociétaires et un encours de dépôt de 1 476 000 000 Fcfa.

Les crédits solidaires, comme expliqué par la présidente de Canef, Mme Simpara Aissata Kéïta, sont un instrument efficace de lutte contre la pauvreté intégrant à la fois les services financiers et non financiers.

La cible est constituée essentiellement des femmes issues dans la plupart des cas des couches défavorisées. Son service se particularise par le fait que l’octroi du crédit à un groupe cible n’est pas conditionné à la disponibilité d’une épargne préalable.

Il faut rappeler que l’Organisation des Nations Unies avait déclaré 2005 comme l’année internationale du micro crédit. Ce qui est le signe d’une reconnaissance à ce secteur dont l’impact sur l’amélioration des conditions de vie des populations n’est plus à démontrer.

Youssouf CAMARA Envoyé Spécial

JEMENI, PRES DE 3 MILLIARDS DE FCFA DE CREDIT AUX ECOLES PRIVEES EN 2005-2006

Le partenariat entre l’Association des écoles privées agréées du Mali (AEPAM) et Jéméni est un exemple parfait du dynamisme de la micro finance.

Les responsables des établissements qui s’endettaient souvent sur la base des taux d’intérêt dépassant 60% pour un crédit d’une durée de 6 mois, doivent leur salut à un accord de partenariat signé en 2002 avec le Réseau Jéméni. Cet accord concerne 80% des écoles privées.

Sur la base de ce document, Jéméni a accordé en 2002, 100 millions Fcfa de prêt à ces établissements privés. Selon le secrétaire général de l’Aepam, Ibrahim Rémy Doumbia cet apport a atteint 1,5 milliard de Fcfa en 2004-2005. Le concours financier annoncé pour 2005-2006 porte sur près de 3 milliards de Fcfa .

C’est ainsi que M. Rémy affirmera que cet appui financier a permis aux écoles privées partenaires de s’acquitter facilement et à temps des salaires des enseignants, de payer les loyers, les factures d’eau et d’électricité et certaines ont simplement acquis des locaux, améliorant ainsi les conditions de travail et la qualité de l’enseignement dispensé.

En conclusion, il dira que le partenariat entre les écoles privées et Jéméni est d’un apport capital pour la stabilité de ces écoles, voire du système éducatif malien. Sur la base de ce partenariat dynamique, poursuit-il, les écoles privées s’orientent de plus en plus vers la conquête de l’intérieur du pays avec la construction des équipements de qualité.

Comme les promoteurs des écoles privées, d’autres témoignages, notamment des femmes rurales, ont démontré les bienfaits de la micro finance tout comme un sketch présenté par la troupe Tobodji du comédien Kary Coulibaly.

Youssouf COULIBALY

13 juin 2005