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Le vendredi 27 Mai 2005, Cheick Oumar Cissoko, ministre de la Culture a présidé la cérémonie d’ouverture du colloque international.

Filifing Sacko, Président du comité scientifique du colloque a indiqué que les chasseurs ont acquis des connaissances qui font d’eux, aujourd’hui, les détenteurs d’une science devenue ésotérique.

Pour cela, il a invité les chasseurs à sortir de leur ésotérisme, pour permettre aux chercheurs et enseignants de jouer leur rôle de courroie de transmission de connaissance.

Selon lui, les confréries des chasseurs sont des écoles de civisme mais de science pure que l’académie se devra d’intégrer dans le cursus éducatif et dans l’enseignement moderne.

De son côté, Cheick Oumar Cissoko a rappelé le rôle que les chasseurs ont joué dans la fondation des villages et des grands empires en l’Ouest Africain. Il a insisté sur l’émergence des systèmes politiques authentiques et la promotion des droits de l’homme dans ces entités politiques d’antan.

Cependant, il a estimé que le secret et le mystère qui couvre la confrérie, l’ont rendue, jusqu’à nos jours, inaccessibles. «C’est pour cette raison et pour bien d’autres encore que la traditionnelle confrérie des chasseurs continue de susciter de nombreuses interrogations» a-t-il déclaré.

Il a néanmoins demandé aux chercheurs de déterminer l’identité véritable et le statut du chasseur, la place de la confrérie dans la quête identitaire en Afrique de l’Ouest, l’essence des croyances véhiculées au sein de la confrérie etc.

Après les discours, le ministre a procédé au vernissage de l’exposition intitulée «portraits de chasseurs».
Une centaine de portraits réalisés pour la plupart pendant l’édition de 2001 par les photographes Django et Malick, représente les figures emblématiques de la confrérie des chasseurs de notre pays.

Le vernissage terminé, les chercheurs ont orienté les communications vers quatre grands axes : l’identité du chasseur et de sa confrérie, les pratiques de chasse traditionnelle, la contribution du chasseur à la conservation de l’environnement (faune et flore), sa participation à la gestion politique, économique et social de sa communauté et la métamorphose du chasseur traditionnel.

En ce qui concerne l’identité du chasseur, il est ressorti des communications que si de prime abord il est considéré par le profane comme un pourvoyeur de sa communauté en viande, le chasseur est en réalité un écologiste dans l’âme. Les communications ont révélé que le chasseur détient un ensemble de savoir liés au cycle de régénération de la faune et de la flore.

Mieux, il a été admis que le chasseur est à la base des coutumes réglementant la gestion de l’environnement que sont : ouverture et fermeture de la chasse, types d’animaux à abattre, de bois à couper etc.

Ils ont ensuite, estimé que le statut d’homme spirituel transcendant les membres de sa communauté, fait de lui une référence, un modèle à suivre.

Ce qui a fait dire aux chercheurs que loin d’être un simple porteur de fusil, le chasseur est celui qui est membre d’une confrérie, d’une société fortement organisée, avec ses normes, ses lois, ses principes rigoureusement établis.

Le rapport final du colloque a révélé que la chasse est une activité très délicate nécessitant une préparation. En effet, selon les chercheurs, le chasseur est considéré comme un prédateur par les animaux qui cherchent à protéger leur environnement par tous les moyens.

Pour cela, ils ont estimé que le chasseur doit se prémunir contre ce monde hostile qu’est la brousse, par la conquête des différentes pouvoirs surnaturels.

«Il se fait magicien, devin, thaumaturge et doit régulièrement sacrifier aux génies de la brousse pour s’assurer leur bienveillance et aussi se protéger contre le nyama, force vitale contenu dans toute créature» ont-ils révélé.

A propos de la contribution du chasseur à la conservation de l’environnement les chercheurs diront que la tradition en Afrique de l’Ouest exige du chasseur une connaissance du milieu naturel et une contribution active à sa sauvegarde.

Selon eux, le chasseur dans nos traditions n’est pas un prédateur, bien au contraire, il a pour premier rôle de défendre sa communauté contre les fauves et autres gibiers détruisants les récoltes et les plantes cultivée.

Les chercheurs ont aussi admis que le chasseur ne prélève que ce dont il a besoin, en évitant d’abattre les espèces en gestation ; concernant les plantes médicinales, ils diront qu’il pratique également le prélèvement tout en prenant soin de la régénération des plantes.

Les chercheurs ont indiqué que le chasseur est un être social, vivant en société et exerçant une activité dont le but est la satisfaction des besoins primordiaux des membres de sa communauté.

Fondateur et organisateur de nombreux villages et entités politiques ayant marqué l’histoire de l’Ouest Africain, le chasseur a su mettre à la disposition de la communauté les fruits de ses réflexions et de ses découvertes afin de contribuer à la cohésion sociale grâce à une gestion démocratique et décentralisée du pouvoir, selon les chercheurs.

Sur le plan économique, les chercheurs ont admis que le chasseur a été bien souvent au départ de l’amélioration de l’agriculture, de la transformation des ressources naturelles et la promotion de la médecine.

Au plan social, le colloque a retenu l’apport des chasseurs à l’éducation dans leurs communautés.

Enfin, le sous thème : « la métamorphose du chasseur traditionnel» a permis aux chercheurs de bien montrer que la chasse est, à l’origine, une activité à caractère écologique, fondée sur la connaissance du calendrier de chasse, du terrain de chasse, l’initiation, la façon de prélever les ressources, de la faune sauvage à des fins nourriciers et thérapeutiques.

Cependant, ils ont déploré les dérives de cette tradition qui perd aujourd’hui de sa valeur culturelle face à un afflux d’une jeunesse ignorante du contenu des mythes et des enseignements de la chasse. «Si hier l’enseignement était donné par le maître initiateur pendant plusieurs années, aujourd’hui, la chasse traditionnelle devient peu à peu une activité économique, un loisir ; l’aspect mercantile de la chasse prend le pas sur son aspect socioculturel» ont-il regretté.

Assane Koné

31 mai 2005