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Initié par l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (APBEF) en partenariat avec l’Association des Editeurs de la presse privée (ASSEP) et le Réseau des journalistes économiques, un séminaire s’est tenu au Centre Gabriel Cissé de Ségou les 11, 12 et 13 mars autour du thème  » Banques – Presse : Quelles relations et perspectives « . Il aura permis de lever bien des ambiguïtés entre les deux professions et d’établir entre elles une passerelle qui, judicieusement exploitée, peut contribuer à la mise en place d’un partenariat franc, loyal et mutuellement productif.

La formule a prospéré au cours de ces trois jours de cohabitation et de débats francs et directs qui, nonobstant quelques couacs organisationnels, se sont déroulés dans une atmosphère détendue, à la limite bon enfant : le mur de glace qui séparait banques et établissements financiers d’un côté, organes et associations de presse, de l’autre, s’est effondré à Ségou.

Le constat a été unanime chez tous les participants, qu’il s’agisse des PDG et autres hauts cadres de banques venus au compte de l’APBEF ou de la quarantaine de Directeurs de journaux, des responsables d’organisations patronales ou d’associations de presse.

C’est l’organisation des discussions autour de quatre thèmes qui a permis d’accéder à cette situation nouvelle, rompant ainsi avec  » les suspicions et les a priori qui ont longtemps entretenu entre le secteur bancaire et la presse privée, deux acteurs clés du développement économique national, un climat de méfiance, de malentendu voire de méprise «  ainsi que cela apparaîtra en bonne place dans les résolutions générales.

A tout seigneur tout honneur, le premier de ces thèmes, se rapportant aux « Difficultés d’accès à l’information financière et au type de collaboration susceptible d’exister entre les banques et établissements financiers et la presse » sera traité par Souleymane Fomba, un juriste de banque.

Selon lui, la législation s’est chargée elle-même de distinguer les informations que le public peut obtenir et celles auxquelles il ne peut accéder.

Les informations que le public peut obtenir sont celles concernant les sociétés commerciales genre SA et SARL. La législation OHADA fait obligation à ces sociétés de déposer leurs états financiers et rapports de gestion auprès du greffe du tribunal de Commerce le mois suivant leur approbation.

Ces mêmes informations sont fournies obligatoirement aux commissaires aux comptes qui doivent les examiner et établir un rapport à l’intention de l’assemblée générale des associés ou actionnaires.

En outre, les commissaires aux comptes disposent d’un pouvoir d’alerte des associés ou actionnaires lorsqu’ils estiment que la situation financière de la société l’exige ou que les règles de gouvernance ne sont pas respectées.

Toujours selon Souleymane Fomba, « l’obligation de publication est encore plus accentuée pour les établissements bancaires et financiers qui sont tenus de publier au journal officiel leurs bilans, leurs comptes de résultat ainsi que les annexes nécessaires à la compréhension de ces états ».

Il précise que cette « obligation de publicité est renforcée lorsque la société commerciale ou l’établissement bancaire ou financier fait appel public à l’épargne ». Et conclut que l’accès à cette information financière est libre et « il appartient aux professionnels que vous êtes d’aller la chercher et d’en faire bon usage ».

L’information non accessible légalement au public est celle couverte par le secret bancaire. Souleymane Fomba le définit tout simplement comme « un secret de fonction de tout employé de banque ou société assimilée l’obligeant à la discrétion sur ses rapports avec sa clientèle ».

Il précise qu’au Mali, le secret professionnel du banquier interdit tout échange d’informations entre tout employé et tout tiers, y compris l’État ou tout organe gouvernemental, notamment étranger. Le banquier n’a aucunement le droit de divulguer à un tiers des informations relatives au compte d’un de ses clients.

Le terme secret bancaire désigne, en fait, l’obligation qu’ont les banques de ne pas livrer des informations sur leurs clients à des tiers. Ceci relève du secret professionnel.

Ce secret garantit un droit fondamental, celui du respect de la propriété et de la vie privée. D’un point de vue juridique, il constitue une source d’obligation pour les banques et non un privilège.

Toutefois, relève le conférencier, le secret bancaire n’est pas absolu et ne saurait avoir pour objet de « dissimuler » des informations.

Citant Ousmane Sow, Secrétaire exécutif de l’Association Africaine des Juristes de Banques et Etablissements financiers, il note que « le secret bancaire est inopposable à l’autorité judiciaire, à la douane, aux impôts etc. Si donc la loi fixe clairement les limites du secret bancaire, ce dernier ne saurait nuire à l’économie et la banque saurait à quoi s’en tenir ».

Et de conclure en soutenant que si la disponibilité et l’accessibilité de l’information bancaire et financière constituent un facteur d’appréciation de toute place financière, il n’en demeure pas moins vrai que la diffusion et l’interprétation de cette information par la presse est un facteur de paix sociale et de développement économique.

« Dans un monde globalisé où l’information est instantanée, où la frontière entre vie publique et vie privée s’estompe, le secret bancaire constitue l’un des piliers des libertés fondamentales protégeant les citoyens de leur gouvernement ».

Le deuxième thème « Mécanisme de financement adapté aux entreprises de presse » a été exposé par notre confrère Alexis Kalambry.

Le Directeur des « Échos » s’est appliqué à démontrer que le secteur de la presse privée constitue, aujourd’hui, un marché assez important, autant par l’argent qu’il génère que les emplois qu’il créé, pour être ignoré des banques. Et pourtant, celles-ci lui préfèrent des activités bien moins rémunératrices à tous égards.

Compte tenu de la spécificité de la presse et de la complexité du mécanisme de financement des banques, il a plaidé pour la mise en place d’un mode de financement approprié et adapté associant la presse, l’APBEF et le gouvernement.

A cet égard, il a suggéré des pistes de réflexion passant par la mise en place d’un contrat-plan, l’octroi de lignes de crédits spécifiques aux PME de presse, la création d’un fonds de modernisation des entreprises de presse, une utilisation plus efficace des aides publiques à la presse etc.

Le troisième thème « PME de presse : accès au financement bancaire » a été développé par notre confrère Sambi Touré, Directeur de « Info Matin ». Il a dénoncé en termes vigoureux l’incompréhensible marginalisation de la presse privée malienne dans la distribution du crédit bancaire alors même que les 254 radios libres et les 173 journaux génèrent au moins 3 000 emplois directs et 5 000 emplois indirects et réalisent environ un chiffre d’affaires de 2 milliards de FCFA annuellement.

Il a soutenu qu’un bon quotidien et une bonne radio privés peuvent réaliser chacun au moins cent millions de francs CFA par an – beaucoup plus dans certains cas – et dit ne pas comprendre la négligence que manifestent les banques à leur égard.

Le quatrième thème, intitulé « Accès à l’information financière : cas des banques maliennes » a été traité par El Hadj Tiégoum Boubèye Maïga, Directeur de « Nouvelle République ».

Il a relevé que jusqu’à une période récente, les banques n’étaient guère nombreuses au Mali et l’État en était l’actionnaire majoritaire voire unique. Aussi, leur besoin de communication était fort limité. Mais avec l’apparition en masse des media privés, la montée en puissance de l’actionnariat privé dans le domaine bancaire et l’ouverture du secteur à des groupes bancaires étrangers, la concurrence est devenue vive et la diffusion de l’information bancaire et financière un impératif.

Des banques ont rapidement compris l’urgence de s’adapter au contexte nouveau et se sont dotées de structures de communication pour mieux vendre leurs produits et services et soigner leur image de marque. C’est le cas de la BDM-SA, de la BIM-SA, de la BNDA, de la BHM depuis un certain temps.

TBM conclut que « pour une meilleure information des actionnaires, de l’opinion, des media, une collaboration saine est indispensable entre ces banques et les journalistes. Aucune banque ne souhaite voir étalée dans la presse des informations la concernant, même quand elles sont vraies, à plus forte raison quand elles peuvent être sujettes à caution ».

Ces différents exposés ont suscité des réactions souvent contradictoires, mais toujours empreintes de courtoisie, notamment pour ce qui concerne l’accès des organes de presse au crédit bancaire.

Des banquiers, dont le PDG de la BMS-SA, Babali Ba, dont on connaît le franc-parler invariablement teinté d’humeur caustique, ont rejeté le grief selon lequel les organes de presse sont discriminés comparativement à d’autres. « Dans le contexte actuel de concurrence aigue, les banques cherchent à placer leur argent. Peu importe que le client soit quincailler ou journaliste, pourvu qu’il soit solvable ».

A le croire, les organes de presse sont assujettis aux mêmes conditions d’octroi de crédit que les autres. Ils doivent être domiciliés dans la banque, avoir un mouvement de compte qui rassure sur la fiabilité de leur activité, être en possession d’un projet bancable, être disponibles pour l’apport personnel qui prouve leur détermination à conduire le projet au succès etc…

Pour accroître leur chance d’accéder au crédit et réaliser les investissements souhaitables, Babali Ba préconise le regroupement des journaux. « Nous les banquiers, nous nous regroupons pour survivre. Alors pourquoi pas vous les journalistes ? ».

Au finish, les recommandations adoptées ont mis l’accent notamment sur une plus grande professionnalisation et spécialisation des journalistes dans la collecte et le traitement de l’information bancaire et financière eu égard à la particularité et la sensibilité de la matière ; plus d’ouverture et de disponibilité des banques et établissements financiers et plus d’efforts de leur part pour mettre en place des départements de communication mieux outillés, structurés, professionnels et réactifs.

Elles portent en outre sur l’instauration d’une tradition d’échanges, d’accessibilité et de disponibilité entre responsables de banques et établissements financiers et responsables de la presse privée à travers un cadre de concertation permanente.

S’agissant de la question centrale du financement bancaire des PME et associations de presse, il a été préconisé de « trouver, à travers un partenariat gagnant-gagnant, un mécanisme de financement approprié et adapté à la spécificité de l’activité de presse dans le cadre de la réglementation et des procédures bancaires ».

Une motion de remerciement a été adressée au président de l’APBEF, Moussa Alassane Diallo et tous les autres responsables de banques et établissements financiers pour l’effort financier et l’engagement consentis pour le bon déroulement du séminaire.

C’est le lieu de souligner que celui-ci s’inscrit dans l’action entreprise par Moussa Alassane Diallo, depuis deux ans qu’il préside l’APBEF, pour insuffler une nouvelle dynamique et donner plus de visibilité à cette organisation professionnelle.

Le séminaire précède ainsi le lancement du site Internet et de la revue de l’APBEF intitulée « le Courrier du banquier ». Deux initiatives attendues dans les tout prochains jours, qui concourent au même objectif.

Saouti Labass HAIDARA

18 Mars 2010.