Y a-t-il un remaniement ministériel dans l’air? Le doute est permis, avec la déclaration faite par ATT le dimanche 28 mars dans le cadre d’une émission de nos confrères de l’ORTM, intitulée: «Ce jour-là». En effet, face au puissant Directeur de la maison de Bozola, Sidiki N’Fa Konaté, le président de la République, Amadou Toumani Touré, a donné sa version de quelques faits saillants des évènements du 26 mars, qui l’ont contraint à opérer ce jour-là, disons cette nuit-là, un coup d’État militaire dans l’intérêt supérieur de la Nation. Au cours de cet entretien, ce qui a retenu notre attention n’est pas la narration du célèbre invité mais plutôt les révélations subsidiaires qu’il a faites. Nous nous en tiendrons à deux.
La première, c’est que, durant le double quinquennat d’Alpha Oumar Konaré, celui-ci recevait chaque mardi ATT à Koulouba, lorsqu’ils étaient tous les deux à Bamako. Le fils de l’enseignant et de la ménagère tenait, selon l’enfant de «Soudoubaba», à le rencontrer, même s’il n’y avait pas de sujet à discuter. Il fallait qu’ATT monte à Koulouba, ne serait-ce que pour savourer le thé à la menthe, façon tombouctienne. Cette première révélation lève une partie du voile sur le deal qui existait, ou qui existe encore, entre les deux hommes.
Elle permet également de comprendre qu’ATT n’est pas revenu au pouvoir par hasard et que son retour a été mûri, planifié et mis en route pour être, au finish, un franc succès. Il faut être Alpha Oumar Konaré pour tenir une telle gageure, une telle mise en scène, au cours de laquelle tous les acteurs jouent leur rôle, sans comprendre, en réalité, le jeu.
La seconde révélation d’ATT a consisté à dire que s’il avait l’occasion de former un gouvernement avec ses opposants d’aujourd’hui, notamment Ibrahim Boubacar Kéïta, Tiébilé Dramé et Oumar Mariko, il ne s’en priverait pas. En clair, il a tendu la main à ces personnalités politiques pour siéger dans le prochain gouvernement, tant annoncé mais qui tarde à prendre corps. Il vrai que, depuis 2002, lors du lancement de sa campagne présidentielle, le président du RPM avait déclaré «ma carrière ministérielle est terminée».
Il ne s’agit donc pas de la présence d’IBK dans un futur gouvernement mais de celle de son parti, qui regorge de cadres compétents. Idem pour Mariko, qui siège à l’Assemblée nationale. Cependant, pour le PARENA, il est fort possible que Tiébilé Dramé lui-même figure dans le prochain attelage gouvernemental. Lui aussi bien que son parti en ont fort besoin.
La main tendue d’ATT a été faite publiquement. Il faudra la rendre plus franche, le moment venu, en consultant les intéressés, qui ne doivent pas se contenter de cet appel du pied pour se livrer pieds et poings liés à ATT. Au-delà du formalisme, peut-on s’attendre à un refus de ces personnalités d’accéder à la demande du président de la République?
Ce qui est sûr, c’est que le RPM et le PARENA sont dans les bonnes dispositions pour accompagner le président qui termine son ultime mandat en 2012. Mais pour SADI rien n’est sûr. Tout est en fait possible, le meilleur comme le pire.
Les candidats virtuels à la présidentielle de 2012 ne doivent pas considérer ATT, le président sortant, candidat indépendant de surcroit, comme un opposant ou un adversaire. C’est pourquoi il est souhaitable que l’opposition (RPM, PARENA, SADI) puisse intégrer le futur gouvernement afin de se constituer, à l’instar des autres partis, non seulement un trésor de guerre pour 2012, mais aussi et surtout pour contribuer à une bonne gestion des affaires publiques. Et permettre, par la même occasion, un passage de témoin en douceur, à travers l’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles, acceptées par tous.
Chahana TAKIOU
Le 22 Septembre du 01 Avril 2010.
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Vers un nouvel attelage gouvernemental : L’opposition bientôt dans le gouvernement
En lançant, en direct à la télévision nationale, un appel à l’opposition à rejoindre le gouvernement, le président de la République a frappé un grand coup médiatique, passé inaperçu en raison de l’heure de diffusion relativement tardive. Cet appel laisse également entendre que l’équipe actuelle est sur le pied de départ. Des consultations étant déjà en cours en vue de la composition d’une nouvelle équipe gouvernementale. L’opposition va-t-elle répondre favorablement à cet appel du président de la République ?
Ou bien continuera-t-elle à rester dans son rôle ? L’actuel Premier ministre, Modibo Sidibé, va-t-il rester aux commandes du nouvel attelage ? Voilà des questions que ne cesse de se poser l’opinion publique. Qui se demandent d’ailleurs pourquoi maintenant ?
Rieux vaut ne pas être cardiaque dans le gouvernement d’ATT. Car en invitant, en direct à la télé, l’opposition à venir siéger au gouvernement -le dimanche 28 mars lors d’une émission où il devait évoquer les événements du 26 mars 1991-, le président de la République venait d’ouvrir également la voie à un changement de l’équipe actuelle dirigée par Modibo Sidibé.
Même si la manière semble atypique, tout le monde est quand même averti de l’imminence du changement. Avec, certainement, son lot de consolation pour les uns et de désolation pour les autres.
Du côté de l’opposition, l’appel du président de la République n’est, sans doute, pas tombé dans l’oreille de sourds. Et pour cause : longtemps assise sur la touche – et cela de manière volontaire ou involontaire- l’opposition malienne peine encore à trouver ses marques. En claquant- ce fut le cas pour certains de ses membres- la porte du gouvernement à la veille de la présidentielle de 2007, l’opposition avait entamé une sorte de traversée du désert qui ne lui a apporté que peine et misère.
Jamais visibles ou audibles que lors des séances à l’Assemblée nationale, les porte-drapeaux de l’opposition semblent réellement manquer de moyens pour faire entendre leur voix. Même si la volonté y est, c’est le nerf de la guerre qui manque le plus.
Depuis donc le dimanche dernier, c’est l’effervescence dans les milieux auxquels l’appel du président ATT est principalement adressé. A savoir, l’opposition constituée officiellement des partis Rpm, Parena et Sadi. Au sein également des partis membres de la majorité présidentielle, l’heure ne doit pas être au repos.
Il y aura assurément assez de candidats pour très peu de places si ces partis devaient être sollicités pour faire parvenir une éventuelle liste de nouveaux entrants. Déjà, certains « candidats au futur gouvernement » issus de partis membres de la mouvance présidentielle auraient même déposé leur CV en plusieurs endroits. Au cas où.
Des cadres de ces mêmes partis, qui avaient boudé le siège de leur formation, commencent maintenant à s’y rendre et à surveiller le moindre geste de leur président. Ce dernier étant, traditionnellement, le seul habilité à déposer, auprès du futur Premier ministre, la liste des propositions.
C’est dire que le président de la République, Amadou Toumani Touré, vient de secouer la fourmilière…des ambitions des uns et des autres. Plus vite il agira donc, mieux ça ira. Pour tout le monde. Car, c’est toute l’Administration qui risque de fonctionner au ralenti tant que durera le suspense, le supplice.
Viendra ? Viendra pas ?
S’il est prématuré de se prononcer sur le comportement qu’affichera l’opposition face à la proposition d’ATT, force est de constater qu’elle va susciter, au sein de cette opposition, un grand débat.
D’un côté, ceux qui pensent que l’invitation d’ATT est un cadeau empoisonné, une peau de banane jetée sous les pieds de l’opposition afin qu’elle glisse et se casse les dents. Et quelle sera alors leur marge de manœuvre dans la critique du bilan d’ATT dans lequel ils ne se reconnaisseraient d’ailleurs pas. Cela à deux ans de l’élection présidentielle de 2012.
Dans ce cas, quel gâchis ce sera ! De l’autre côté, ceux qui- à juste raison et certainement ils sont les plus nombreux- croient en la générosité du président de la République qui offre ainsi une chance historique à l’opposition de siéger au sein gouvernement. Avec tout ce que cela est susceptible d’apporter à une formation politique dans sa mission de mobilisation des militants et d’opportunité d’emplois pour ses cadres. Compte tenu du niveau de démobilisation des cadres de certains partis de l’opposition, il est fort à parier que celle-ci ne crachera pas sur cette invitation du président ATT.
Et cela quel que soit le degré d’orgueil, le pragmatisme politique devra prévaloir. Surtout qu’aucune situation exceptionnelle ne pousse, en réalité, le président de la République à agir dans ce sens. D’où l’effet de surprise qui fait, d’ailleurs, que certains cherchent à banaliser le message du président ATT. Comme s’il s’agissait d’un poisson d’avril alors qu’on n’était en mars.
En cette année du cinquantenaire, ATT aurait plutôt le souci du rassemblement et du consensus qui lui sont si chers. D’où, d’ailleurs, la réconciliation scellée, sous son impulsion, le mardi 30 mars 2010, entre l’Usrda et le Psp. Dans cette logique du rassemblement et de la continuité, il est fort plausible que l’actuel Premier ministre, Modibo Sidibé, reste encore aux commandes.
De même que certains poids lourds de son équipe dont le président de la République aura certainement besoin pour la conduite des chantiers du PDES. Devrons-nous alors, pour cela, nous attendre à la création de nouveaux ministères, ministères d ‘État et de secrétariats d’État afin que tout ce beau monde puisse trouver un strapontin dans ce futur gouvernement du cinquantenaire, supposé grandeur XL ? La balle, qui est désormais dans le camp de l’opposition, sera-t-elle saisie au bond ou tout simplement renvoyée à l’envoyeur?
C’est dire que Ibrahim Boubacar Kéïta du Rpm, Tiéblé Dramé du Parena et Oumar Mariko de Sadi, nommément cités par le Président, font maintenant face à un véritable dilemme. Parfois, ils sont coincés entre le marteau de leur propre orgueil et l’enclume de l’empressement des militants sevrés depuis longtemps de gâteaux ministériels. Alors qu’il leur reste déjà très peu de temps pour se décider. Sinon…les retardataires auront toujours tort. Pour toujours.
Mamadou FOFANA
Chroniqueur politique
L’Indépendant du 01 Avril 2010.