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Les élus de la
nation ont le pouvoir d’interpeller les ministres, le
Premier ministre sur la gestion des questions
d’intérêt national.

Dans ce cadre plusieurs
interpellations se sont déroulées récemment à
l’Assemblée nationale : presque tous les ministres ont
fait un tour à l’Assemblée nationale pour se prêter
aux questions des honorables députés.

Dans le contexte
actuel de notre processus démocratique, l’Assemblée
nationale est le cadre véritable du débat politique.
C’est là que toutes les questions épineuses sont
passées au peigne fin.

La déclaration de politique générale du Premier
ministre a été présentée aux élus de la nation. Tous
les textes juridiques importants engageant l’intérêt
de la nation, des groupes socio-professionnels sont
régulièrement soumis à l’approbation de l’Assemblée
nationale.

En cela, on comprend le rôle
particulièrement important de cette institution dans
l’approfondissement du processus démocratique, dans la
defense des intérêts de la nation entière, mais aussi
des catégories socio-professionnelles.

Au regard de toutes les prérogatives et du rôle de
l’Assemblée nationale qui exerce le pouvoir
législatif, la logique veut que cette institution
renforce l’autre pouvoir, celui judiciaire.

Cela ne
veut pas dire que doit se développer entre les deux
pouvoirs une complicité contre les intérêts de la
nation ou des groupes socio-professionnels.

Au
contraire, les élus de la nation ont cette possibilité
et le devoir en tant que membres de l’organe de
contrôle de l’action gouvernementale, de travailler à
décéler les lacunes et insuffisances de tous les
departements, y compris celui de la justice, de les
corriger en faisant des propositions concretes dans
l’intérêt de toute la nation.

Ainsi, on comprend qu’il ne doit jamais y avoir de
relations antagonistes entre les deux pouvoirs qui
représentent des piliers de notre démocratie. La
complémentarité doit être de rigueur.

DES INQUIETUDES

Ces temps-ci les interpellations sont multiples à
l’Assemblée nationale. Cela est considéré comme un
dynamisme de notre processus démocratique. Mais, avec
les récentes interpellations, l’opinion publique
nationale se trouve confrontée à de sérieuses
inquiétudes qui se traduisent parfois par un début de
dérapage dans les débats à l’Assemblée nationale.

Pourtant, on s’est beaucoup réjoui à l’issue des
élections législatives passées du fait que nous avons
la chance d’avoir des élus dont la qualité permet de
rehausser le niveau des débats.

Il est vrai que des
débats très profonds se sont déroulés à l’Assemblée
nationale depuis et les interpellés ont eu à faire
face parfois à des questions très pertinentes à la
grande satisfaction des citoyens.

Mais force est de
constater que se développe ces temps-ci une tendance
négative au sein de l’Hémicyle, en raison du
comportement de certains élus qui sont en train de
dépasser les limites de leurs prérogatives en tenant
des propos discourtois à l’égard des ministres de la
République.

Ce fut le cas avec l’interpellation des
ministres de l’Education et de la Jeunesse et des
Sports, puisque la passion de certains interpellateurs
était trop vive.

Si le Ministre de l’Education a résisté, celui de la
Jeunesse et des Sports, représentant de la Jeunesse
en a fait les frais. Le cas récent est l’attitude et
les propos désobligeants tenus à l’endroit du Ministre
de la Justice Garde des Sceaux.

Situation qui n’a
laissé personne indifférent tant les attaques étaient
violentes et discourtoises. Le moins qu’on puisse
dire, c’est que si nous continuons sur cette lancée,
c’est la démocratie malienne qui connaîtra un recul.
C’est une expérience malheureusement négative qui
interpelle tous.

Il ne faudra surtout pas perdre de
vue que toute liberté, tout pouvoir a des limites et
que ceux qui sont condamnés à travailler ensemble ont
l’obligation de se respecter. Faut-il alors, au regard
des incidents qui se produisent ces temps-ci, revoir
le règlement intérieur de l’Assemblée nationale ?

UN ESPRIT REVANCHARD?

Tous les Maliens qui ont l’habitude de suivre les
débats à l’Assemblée nationale ont été, en de
nombreuses circonstances, témoins de l’intervention du
président de l’Assemblée nationale qui ne se lassait
pas de rappeler les interpellateurs à la courtoisie,
notamment entre les élus de la nation eux-mêmes.

De
même, le président de l’Assemblée nationale a
longtemps insisté sur le respect des ministres
interpellés, argumentant que ceux-ci ont pour mission
de les éclairer sur des situations difficiles
auxquelles le peuple et la démocratie malienne sont
confrontés.

En dépit de ces mises en garde, certains
élus de la nation ont cru malheureusement devoir
vilipender certains ministres, au point que, parfois,
on se demande s’ils n’y étaient pas poussés par un
esprit revanchard.

Cela n’est qu’une hypothèse, mais,
ce qui doit être clair pour tous, c’est que
l’Assemblée nationale qui est un symbole important de
la démocratie ne saurait être le cadre de règlements
de comptes, de débats de rues.

LE PAROXYSME

Le paroxysme de cette tendance a été atteint lors de
l’interpellation plus récente du ministre de la
Justice, Garde des Sceaux. C’est cela qui explique la
réaction du Syndicat Autonome de la Magistrature qui a
demandé la dissolution de l’Assemblée nationale, la
démission du Président de l’Assemblée nationale, la
résistance des magistrats à ce qu’il a appelé la
tentative de remise en cause de l’indépendance de la
justice, de ne plus recevoir les députés dans les
juridictions es-qualités et de les considérer comme
citoyens justiciables, égaux de tous sans aucun
privilège.

Il exige l’ouverture d’une réunion
extraordinaire du Conseil Supérieur de la
Magistrature.

La teneur de cette déclaration du Syndicat Autonome
de la Magistrature explique l’ampleur des dérapages
constatés à l’Assemblée nationale.

Nous sommes à un
stade ou plus nombreux sont les Maliens qui pensent
sincèrement qu’il faut une remise en cause de certains
comportemnts à l’Assemblée nationale qui n’honorent
pas du tout notre démocratie.

Espérons qu’à l’avenir,
la raison l’emporte sur la passion.

Moussa SOW

05 juin 2005