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Cette annonce du Ministre a suscité la colère des partis politiques qui n’ont pas du tout avalé la couleuvre. Mécontents de la situation de fait qui les prive d’une manne financière de près d’un milliard de FCFA en cette période de vaches maigres, ces partis politiques ont décidé de porter l’affaire devant le président de la République M. Amadou Toumani Touré pour son arbitrage.

La marmite des partis politiques bout en ce moment, et la tension est montée d’un cran avec cette action du Ministère de l’Administration inspirée par un rapport de la section des comptes de la Cour Suprême. En réaction à cette gifle, une réunion s’est tenue au siège de l’ADEMA le mercredi 30 Novembre 2005 regroupant plus d’une vingtaine de partis politiques.

Cette réunion a été sanctionnée par la mise en place d’une commission restreinte de 7 formations politiques composée de l’ADEMA, de l’URD, du RPM, de l’UDD, de la CDS, du PARENA et du BARA avec comme mission rencontrer le chef de l’Etat le plus vite possible. ATT sait-il que la marmite bout?

“Le financement des partis politiques est un droit, la stabilité du pays en dépend désormais, il ne peut être conditionné par un quelconque rapport, fût-il de la Cour Suprême…”, s’indignent nos interlocuteurs.

AU COMMENCEMENT, ETAIT LE FIASCO ELECTORAL DE 1997

Au sortir du processus électoral de 1997 boycotté par la quasi-totalité des formations politiques en vue à l’époque, l’ex-président de la République du Mali, M. Alpha Oumar Konaré, en fin calculateur, avait réuni les partis politiques autour d’une table appelée le Forum Politique National pour décrisper la situation très tendue.

Ce forum politique national auquel opposition et majorité ont participé a recommandé la relecture des textes fondamentaux de la République. Cette relecture a abouti au principe de financement public des activités des partis politiques reconnus d’utilité publique avec une mission d’intérêt national.

Pour la pérennisation du principe, l’Assemblée Nationale adopta une loi qui consacra 25% des recettes fiscales au financement des activités des partis politiques à hauteur de 0.25% des recettes fiscales. Derrière cette initiative du président Alpha Oumar Konaré, d’aucuns voyaient une autre façon de corrompre des leaders politiques.

En 1999, l’Etat a décidé d’attribuer à chaque parti politique ayant participé aux élections de mai Juin 1999 une bagatelle de 10.000.000F CFA. Ce fut le point de départ du financement des partis politiques par le budget d’Etat. De cette date jusqu’en 2004, l’Etat, bon an mal an accordait aux partis politiques une subvention. Pour la répartition de ce pactole, des critères ont été établis.

DE LA CHARTE DES PARTIS POLITIQUES

Pour la première fois dans notre pays, une ordonnance du CTSP N°91-075/p du 10 Octobre 1991 a fixé le cadre juridique régissant les partis politiques, appelé “Charte des partis politiques”.

Ce texte a établi les principes et les règles se rapportant à la formation, à l’organisation, au fonctionnement et à d’autres aspects de la vie des partis politiques. Le législateur a voulu ainsi confier aux formations politiques une mission d’intérêt national.

La charte des partis politiques a fait l’objet de plusieurs modifications jusqu’à l’introduction du système de financement public des activités des partis politiques en 2000 après que 10.000.000F CFA aient été donnés à chaque parti politique ayant participé aux élections communales de mai et Juin 1999.

Le chapitre V de la charte en son article 29 adopté par l’Assemblée Nationale en Juillet 2005 stipule que « les partis politiques bénéficient d’une aide financière de l’Etat inscrite au budget de l’Etat à raison de 0,25% des recettes fiscales ».

LES CRITERES D’ELIGIBILLITE A L’AIDE ET LE MODE DE REPARTITION

Tout parti politique, pour être éligible au financement public est tenu de respecter les obligations suivantes :
– Justifier la tenue régulière des instances statutaires du parti;
– disposer d’un siège national exclusivement destiné aux activités du partis distinct d’un domicile ou d’un bureau privé;
– disposer d’un compte bancaire ouvert auprès d’une institution financière installée au Mali;
– tenir un inventaire annuel des biens meubles et immeubles et présenter les comptes annuels à la section des comptes de la Cour Suprême au plus tard le 31 Mars de chaque année;
– justifier dans les conditions prévues à l’article 27, d’un compte dont la moralité et la sincérité sont établies par le Rapport de vérification de la section des comptes de la Cour Suprême;
– justifier la provenance de ses ressources financières et leur utilisation,
– avoir participé aux dernières élections générales législatives ou communales.
Le montant annuel de l’aide affectée au financement des partis politiques est divisé en quatre fractions : une première égale à 15% des crédits est destinée à financer les partis ayant participé aux dernières élections générales législatives ou communales ;
– une deuxième fraction égale à 40 % est distribuée entre les partis politiques représentés à l’Assemblée Nationale proportionnellement au nombre de députés obtenus aux dernières élections
– Une troisième fraction égale à 40 % des crédits est destinée à financer les partis politiques au prorata du nombre de conseillers communaux ;
– Et enfin la quatrième partie, soit 5% des crédits, est destinée aux partis politiques ayant élus des femmes sur leurs listes électorales ; cela pour encourager la promotion des femmes (genre) dans la politique.

DE LA COLERE DES LEADERS POLITIQUES

Les premiers responsables des différentes formations politiques, qu’ils soient de la mouvance présidentielle (ADEMA, URD, RPM, CNID, UDD…) ou de l’opposition (BARA, PECSAM…) ne comprennent pas pourquoi on veut leur priver de leur droit. Une disposition légale en vigueur depuis 2001, peut-elle être abrogée par un rapport de vérification des comptes des partis politiques par la Cour Suprême?

Ces responsables sont d’accord qu’on dise qu’ils n’ont pas établi leur bilan financier comme on établit la comptabilité des sociétés et entreprises de la place. “Nous avons tous un siège équipé, nous payons l’eau, l’électricité, le salaire du personnel du siège ; les instances statutaires se tiennent régulièrement.

Ce n’est pas pour rien que le législateur malien a eu le souci de prendre en compte le caractère particulier de ces regroupements qui ont vocation à constituer l’instrument privilégié de participation des citoyens à la vie politique et qui, de ce fait, sont un des piliers d’un système politique de démocratie pluraliste…”, nous confia un responsable politique au siège de son parti.

La commission restreinte formée autour de Dioncounda Traoré de l’ADEMA, Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise Sangaré de la CDS, Younoussi Touré de l’URD… est à pied d’oeuvre pour rédiger un document qu’elle présentera au président de la République dans un bref délai.

Nous apprenons que le dit document serait fin prêt déjà et que ces initiateurs n’attendent que le retour du président ATT de l’Arabie Saoudite et des Etats Unis d’Amérique pour s’exécuter. La stabilité du pays en dépend, à en croire certains présidents de partis politiques.

Daba Balla KEITA

08 décembre 2005.