D’abord qui est l’homme des reformes institutionnelles ? Né le 4 novembre 1948 à Mopti Amadou Toumani Touré a connu une enfance difficile. Il fit des études à Mopti qui le conduiront à l’Ecole normale secondaire de Badalabougou, avant d’être incorporé dans l’armée avec l’appui de feu Kissima Doukara. Déclaré inapte au recrutement, Amadou Toumani Touré intégra l’armée grâce à l’intervention du docteur Macalou. Après l’Ecole interarmes de Kati (EMIA) où il fut officier de 1969 à 1972, ATT fut promu lieutenant.
En 1978, il devint capitaine et suit plusieurs formations dans les grandes écoles militaires, notamment en France.
En 1984, il devient commandant de la garde présidentielle. Sur intervention d’un opérateur économique, ressortissant de Mopti, auprès du président Moussa Traoré, ATT devient le commandant du bataillon Para de Djikoroni.
Il se caractérise par :
– la confiscation de la démocratie par lui et son clan et l’irrespect des règles démocratiques élémentaires ;
– Le culte de la personnalité, le système de pensée unique, l’impunité comme mode de gestion du pouvoir ;
-L’affaiblissement de l’État au profit d’individus, l’affairisme, la corruption et la compromission ;
– Le régionalisme et la culture de l’informel dans la gestion des affaires publiques.
En 2002, plusieurs facteurs ont favorisé le retour du général ATT dans la course à la magistrature suprême. Il s’agit entre autres des manœuvres politiciennes opérées par le président sortant Alpha Oumar Konaré ayant mis à ses ordres la Cour Constitutionnelle et l’intervention de la France.
Pour briguer la magistrature suprême, le général ATT, au lieu de démissionner de l’armée a opté en septembre 2001 pour une retraite anticipée. Ce qui constitue une entorse à la loi électorale No 00-058 du 30 août qui, stipule en son article 131 «Tout membre des Forces armées ou de sécurité qui désire être candidat aux fonctions de président de la République doit démissionner six mois avant l’ouverture de la campagne».
Comme pour éviter la focalisation sur la légalité ou l’illégalité de la candidature d’ATT, le président Alpha Oumar Konaré favorisa la multiplicité des candidatures (24) qu’il justifia du reste par l’idée qu’il s’agissait d’une fête nationale, banalisant du coup ces élections.
Comment ATT a été élu président ?
Le Mali bénéficie d’une incroyable insolente stabilité politique qui confine à l’ennui. Le second mandat du président Alpha Oumar Konaré arrivait à son terme en avril 2002, ce dernier ne se représentera pas, respectant une clause constitutionnelle qui limite à deux le mandat du président. Mais c’est aussi que l’histoire de la vie politique est importante pour tenter de comprendre le présent, non seulement «Alpha ne se présente pas, mais il n’appuie ni ne soutient aucun présumé dauphin». Et Alpha a laissé faire avec un malin plaisir. Les militants et autres cadres de l’ADEMA s’entredéchirer face à la pléthore de postulants à l’investiture du parti.
A Bamako ou dans le Mali profond, l’homme de la rue a vite fait d’ironiser cette attitude du président sortant : «Alpha ferait tout pour que la présidence revienne à ATT». Comme si dès 2002, les deux hommes avaient passé un deal. Le militaire ATT laissant le civil Alpha prendre le pouvoir à l’issue de la transition, à charge pour ce dernier de le lui remettre dix ans plus tard.
Sans aucun parti politique, tout juste une association, de soutien dénommée Mouvement Citoyen, il va affronter une kyrielle de vieux briscards de la politique, et non des moindres. Au total 24 candidats sont en lice pour cette présidentielle inédite ou l’on retrouve, un ancien chef d’État (ATT), un ancien Premier ministre, Ibrahim Boubacar Kéita, mais aussi Soumaila Cissé candidat officiel de l’ADEMA.
Au premier tour de cette présidentielle, disputée le 28 avril 2002, ATT arriva en tête avec 28, 7% des voix. Il devance Soumaila Cissé 21,32% candidat de l’ADEMA, IBK 21% des suffrages tient la troisième position.
Après avoir décrié la candidature d’ATT, arguant le retour des militaires au pouvoir, IBK appelle finalement ses électeurs à voter pour le général au second tour après avoir menacé de faire bouger le pays lors d’un meeting au Stade du 26 Mars où tous les membres de la coalition «Espoir 2002» étaient venus dénoncer les fraudes du premier tour. C’est à la suite d’un voyage éclair à Libreville où il a rencontré le président Bongo que IBK a changé d’avis, cessé de menacer d’empêcher le second tour et appelé à voter pour ATT.
Plus surprenant encore c’est le soutien de Choguel Maiga à ATT, le tombeur de Moussa Traoré dont il revendique l’héritage. C’est donc un président sans parti, sans majorité parlementaire qui a accédé au pouvoir dans un pays désespérément pauvre et dont un enfant sur deux ne sait ni lire ni écrire, où le gouvernement est devenu une association d’affairistes.
Fin politicien ATT durant son premier mandat n’a jamais affiché sa préférence pour un parti politique.
En 2007, 44 partis politiques appelés ADP (Alliance Pour la Démocratie et le Progrès) soutiennent ATT pour un second mandat. Qu’à cela ne tienne, le Président de la cour constitutionnelle, en fin de mandat, déclarait : «la plupart des candidats se sont installés dans la fraude».
Pourquoi des reformes institutionnelles ? Des mobiles réels sous tendent la révision de la Constitution, entre autres : la création d’une Cour des Comptes et la mise en place d’un sénat. Ainsi notre pays sera doté des deux institutions (le Sénat et l’Assemblée Nationale) qui composeront le Congrès, instance habilitée à sanctionner une révision constitutionnelle sans passer par un quelconque référendum.
En clair, avec ce nouveau dispositif construit d’une manière habile et vicieuse par les experts du CARI, les Maliens assisteront à la troisième phase ; en fait une majorité du Congrès qui lancera le troisième appel au président de la République pour être candidat à sa propre succession sans violer la constitution. Dès lors le passage à un referendum est sans objet.
D’après Adame Bah Konaré c’est ça l’os de la parole de tout ce tintamarre du groupe d’experts Daba Diawara CARI (Comité d’Appui aux Reformes Institutionnelles). Faut-il croire aux récents propos du général à la retraite Amadou Toumani Touré ?
A cet effet relisons un argument de taille des services de renseignements français sur ATT «l’homme est indécis et ne tient pas parole». Notre confrère Saouti Haïdara n’a t-il pas écrit dans un de ses éditoriaux : ATT a toujours fait le contraire de ce qu’il dit. Ces deux assertions suffisent à douter du bien fondé du président Amadou Toumani Touré presser d’aller cultiver son champ à Mopti.
S’il avait même dit qu’il était presser d’aller s’occuper de son pâturage c’était encore mieux mais un champ à Mopti c’est du n’importe quoi.
Amy SANOGO
26 Avril 2010.