Partager

Le projet de réforme constitutionnelle peine à convaincre les Maliens de la volonté du président de « toiletter » les textes et de partir. Les autres Africains, pas.

Le Cari a remis ses conclusions après une « large concertation ». Malgré les efforts d’ATT pour convaincre de sa volonté de ne pas briguer un 3e mandat, les Maliens ont de la peine à y croire, à preuve, la question revient à tout moment.

Ce qui fonde les Maliens ou qui trouble, c’est qu’ATT a bouclé ses 10 ans, dont 5 ans dans une situation idyllique où il aurait pu mener toutes les réformes de la terre sans soulever de suspicion et sans faire douter de lui. « Pourquoi attend-il la fin de son mandat pour lancer ce toilettage ? » est la question qui revient à tout moment.

Et, le fait que l’on ne touche rien dans l’article 30 ne signifie rien du tout : la réforme constitutionnelle nous projettera dans la IVe République. La loi n’étant pas rétroactive, ATT ne sera nullement tenu par l’ancienne Constitution.

Bref, toutes les menaces ne sont pas dissipées sur le péril de voir rempiler ATT. Il a commencé à dire deux fois qu’il va se retirer à la fin de son mandat, pour finir, depuis un certain temps, de laisser planer un doute. Une incertitude et une confusion savamment entretenue par lui-même.

Sinon, comment comprendre qu’au moment où le général termine son mandat et doit se retirer, ses proches travaillent à le maintenir, conditionnent l’opinion à un 3e mandat et même font en sorte que le verrou constitutionnel saute. C’est ce décalage entre les professions de foi et les agissements qui contribuent à maintenir la confusion et le doute au sein des populations.

La Commission Daba n’a pas rassuré outre mesure : elle a travaillé en toute opacité, et a souvent donné l’impression de travailler contre l’opinion et contre l’Assemblée nationale. En effet, la Commission semblait partisane, ou en tout cas, avec une religion déjà fondée bien avant « ses concertations ».

A ce que l’on voit, la messe n’est pas dite. Tout le monde ne semble pas subjugué par les déclarations de bonnes intentions et veulent des faits et des professions claires. C’est le cas de l’ADJ par exemple qui ne compte pas donner un blanc-seing à la Commission Daba et à ATT par rapport aux réformes qui, comme avec le code, va éviter le débat et tenter un passage en force. La Commission Daba, jusqu’à la présentation de son rapport, n’a jamais communiqué, n’a jamais rassuré.

Pour l’ADJ, la relecture ou la révision « n’est aujourd’hui pas opportune, nécessaire et ou vitale. Nous estimons que cette révision devrait faire l’objet d’un vrai débat national (en lieu et place d’un conciliabule entre experts) en vue d’aboutir à de vraies réformes susceptibles de consolider la démocratie et non à des replâtrages destinés à créer ou renforcer des situations de rente tout en entretenant une illusion démocratique ; disons que la Constitution doit demeurer intacte et intangible à l’heure actuelle, jusqu’à satisfaction des préalables ». Et pour l’ADJ, ces « préalables » sont, selon l’ADJ, un « accès équitable des citoyens à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à la justice, à la sécurité, à la propriété foncière ».

Cependant, la lueur d’espoir vient de youyou admiratif poussé par toute l’Afrique, qui a encore une fois, « salué le modèle malien ». Nos compatriotes se sont faits tout petits et, tout en accusant ses regards admiratifs et ses encouragements, pour un « modèle qui détonne » sur l’océan de tripatouillage qui caractérise l’Afrique. En effet, le fait que la presse africaine, dans son ensemble ait salué « l’exemple malien », « ATT, l’homme des transitions », nous fige certainement dans nos arrière-pensées.

Dans la sous-région, le tripatouillage est devenu la règle : ceux qui se battent pour rester, contre la Constitution, ceux qui imposent leur descendance, ceux qui créent le chaos. Cependant, dans tous les cas, il y a forcément une mise en perspective à tous les niveaux : les histoires ne sont pas les mêmes et les acquis démocratiques ne sont pas venues des mêmes façons.

Pour le cas spécifique du Mali, il ne sera dressé pas particulièrement des lauriers à ATT (son prédécesseur Alpha l’a fait en 2002) pour avoir respecté la Constitution, la démocratie pour laquelle certains de nos concitoyens ont accepté de donner en rançon leur vie, leur sang. Par contre, il ne sera permis à personne de tripatouiller, encore moins de la réécrire à son « image et à sa ressemblance ».

Ce qui se présente maintenant, c’est que le général s’est fait ferrer, ayant eu les félicitations anticipées de l’opinion internationale, les encouragements des peuples brimés d’Afrique, il ne pourrait, normalement plus reculer. Aujourd’hui, ATT est condamné, sous peine de sortir de son schéma, de laisser la main en 2012. A cela, sans lui tresser des lauriers, on pourrait répandre de la cendre.

Alexis Kalambry

23 Avril 2010.