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Le 23 mai 2021, l’annonce de la formation d’un nouveau gouvernement était vite éclipsée par les rumeurs sur les turbulences au sommet de l’État.

La clarification interviendra le lendemain par un communiqué annonçant le placement du président Bah N’Daw et du Premier ministre Moctar Ouane «hors de leurs prérogatives»

24 mai 2021-24 mai 2022, il y a  un an, jour pour jour, que le colonel Assimi Goïta, alors vice-président au moment des faits, conduisait la rectification de la Transition.

Les rumeurs d’un changement à la tête du pouvoir de transition circulaient déjà depuis quelques jours. Mais c’est la formation d’un nouveau gouvernement, le 23 mai 2021, qui a précipité finalement les évènements.

Ce jour-là, le communiqué de la formation du nouveau gouvernement à la télévision nationale a vite laissé place aux rumeurs de l’arrestation du  président de la Transition Bah N’Daw et du Premier ministre Moctar Ouane. Les informations précisaient que les deux dirigeants étaient conduits au camp de Kati. Il a fallu attendre le lendemain, c’est-à-dire le 24 mai pour que les choses se précisent. 

Dans un communiqué dont la teneur a été livrée à la télévision nationale par un de ses proches collaborateurs, le colonel Assimi Goïta annonçait avoir placé le président et le Premier ministre hors de leurs prérogatives. Que reprochait-on au Premier ministre démis de ses fonctions ?

S’être montré « incapable de constituer un interlocuteur fiable, susceptible de mobiliser la confiance des partenaires sociaux » face à la crise caractérisée notamment par des grèves. Ce qui n’aurait pas empêché le président de la Transition de lui renouveler sa confiance pour former un nouveau gouvernement.

Le communiqué fustigeait aussi le fait que le duo Bah N’Daw-Moctar Ouane avait établi la liste du nouveau gouvernement «sans concertation avec le vice-président en charge des prérogatives à lui conférées par la charte à savoir, la Défense et la Sécurité». Toute chose qui, pour le colonel Assimi Goïta, «témoigne d’une volonté manifeste du président de la Transition et du Premier ministre d’aller vers une violation de la charte de Transition».

Neuf mois après la chute du président Ibrahim Boubacar Keita, le Mali venait ainsi d’entamer une nouvelle phase de la Tranistion. Le colonel Assimi Goïta qui a décidé de prendre les choses en main a, tour à tour, reçu au palais de Kouloula la classe politique, la société civile, les confessions relieuses, les associations des femmes et des jeunes. Bref l’ensemble des forces vives de la nation, pour expliquer son geste. Il a tenu à rassurer les uns et les autres que la Transition poursuivra son cours normal et que les délais seront respectés.

«Si j’échoue, c’est toute la jeunesse qui échoue», avait déclaré le colonel Goïta devant les responsables des organisations des jeunes ayant répondu à son invitation à Koulouba. Pas que les jeunes seulement, le vice-président de la Transition a demandé à l’ensemble des Maliens de le soutenir, afin de relever les défis de cette nouvelle phase de la Transition.

Pour ce faire, la première des choses était de mettre en place une équipe gouvernementale répondant aux aspirations du peuple malien. Sur la question, on ne pouvait trouver mieux que le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) ayant joué un rôle déterminant dans la chute du régime du président Ibrahim Boubacar Keïta.

N’ayant pas été satisfait de l’action menée par le gouvernement Moctar Ouane pour répondre au changement tant souhaité par le peuple malien (sécurité, justice, lutte contre la corruption, front social), ce mouvement avait maintes fois plaidé pour la rectification de la Transition.

RUPTURE TOTALE- Le colonel Assimi Goïta a donc décidé de confier la Primature au M5-RFP. Le choix s’est alors porté sur le président du Mouvement en la personne de Choguel Kokalla Maïga, pour diriger le futur gouvernement. Les deux hommes se sont rencontrés plusieurs fois pour mettre en place une nouvelle équipe gouvernementale.

Si la rectification de la Transition par le colonel Goïta n’a pas fait de remous ou de véritables contestations à l’interne, elle a soulevé de vives inquiétudes au niveau de la communauté internationale. À commencer par la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui a vite envoyé à Bamako son émissaire Goodluck Jonathan, lequel a insisté sur la libération de Bah N’Daw et de Moctar Ouane.

Si l’organisation sous-régionale s’est appuyée sur le levier diplomatique pour que la Transition au Mali puisse se poursuivre normalement, tel ne fut pas le cas de l’ex-puissance coloniale. Les déclarations «peu amicales» voire «discourtoises» des autorités françaises envers le pouvoir qu’elles appellent la «junte malienne» ont fini par détériorer les relations entre les deux pays. Par ailleurs, le choix du partenaire russe par les nouvelles autorités maliennes pour lutter effacement contre le terrorisme a provoqué une brouille diplomatique entre Paris et Bamako.

Les deux anciens partenaires stratégiques sont aujourd’hui au bord de la rupture totale des relations. L’ambassadeur de France a été prié de rentrer dans son pays. Il a été demandé à la force française Barkhane de quitter le Mali « sans délai ». Tout comme la force militaire européenne Takuba. La mission européenne de formation militaire a arrêté ses activités. Le Mali s’est retiré du G5 Sahel dont la France est le principal parrain.

Les relations restent tendues aussi entre le Mali et la Cedeao au sujet de la durée de la Transition. L’organisation communautaire a opposé un niet catégorique aux conclusions des Assises nationales de la refondation recommandant de proroger la Transition jusqu’à cinq ans. Les pourparlers ont achoppé sur les divergences de lecture de la situation entre les autorités maliennes et les dirigeants de la Cedeao.

Les premiers estiment qu’au regard de la profondeur de la crise, il est indispensable de prendre le temps de mener des réformes politiques et institutionnelles avant d’appeler les citoyens aux urnes. Pour les deuxièmes, une transition a vocation uniquement d’organiser des élections et passer la main à des autorités démocratiquement élues.

Le blocage a conduit, le 9 janvier dernier, à des sanctions économiques et financières contre notre pays. Pour les autorités maliennes, ces sanctions sont illégales, injustes et inhumaines. Depuis, notre pays vit sous embargo.

Les négociations continuent de piétiner. Les autorités maliennes ont annoncé récemment un nouveau délai « incompressible » de 24 mois. Tandis que la Cedeao tablerait sur 16 à 18 mois. Aux dernières nouvelles, les positions des deux parties seraient en train de se rapprocher. Vivement un accord pour mettre fin à cette situation hautement préjudiciable.

Source: L’Essor